4 Imagerie cone beam et implants
Bien que la perte des dents avec l’âge ait été considérée, jusqu’à une date récente, comme une fatalité physiologique témoin du vieillissement, les premières tentatives implantaires datent de l’Antiquité et même, semble-t-il, de la préhistoire. Le souci de compenser le dommage de l’édentation est constaté à diverses époques et sur divers continents. Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du xxe siècle que l’implantologie deviendra une discipline de plus en plus rationnelle, à l’essor et au développement de laquelle prendra part l’imagerie.
BREF HISTORIQUE DE L’IMPLANT
L’implantologie est une science ancienne dont on retrouve la trace au néolithique (trophée de Faïd Souar II, Algérie), dans l’Égypte ancienne, les mondes étrusque, romain et gallo-romain ainsi que chez les maures espagnols. Les matériaux de substitution sont divers : ivoire d’hippopotame, os ou dent de bovin, inclusions métalliques.
En Amérique centrale et du Sud, à l’ère précolombienne, ce seront des coquilles taillées (Mayas, Honduras), des pierres noires, du métal, du bois, de l’ivoire.
Plus récemment, en Europe, on note de nombreuses tentatives dont celles d’Ambroise Paré (1593), Louis de Lécluse (1755), John Hunter (1775), Pierre Fauchard (1728, 1746) pour l’utilisation de dents humaines.
Le xixe siècle connaîtra de nombreux essais dents naturelles mais aussi argent-plomb et différents alliages sans grand succès.
En 1809, Maggiolo pose un substitut radiculaire en or immédiatement dans l’alvéole d’une dent extraite, comme support d’une couronne en ivoire.
En 1887, Harris fera de même avec un élément en vitallium.
Au xxe siècle, l’implantologie tend de plus en plus vers la rationalité scientifique tandis que s’éloignent les tâtonnements, les erreurs et les illusions. La seconde moitié du xxe siècle sera déterminante pour l’implantologie où l’imagerie prend progressivement place dans le protocole implantaire. Sa présence s’est affirmée en même temps que les progrès techniques et opératoires pour la rendre indispensable en toute circonstance.
Des pionniers vont se lancer dans d’audacieuses entreprises de réhabilitation implantaire souvent décriées, car échecs et complications sont alors fréquentes :
« C’est à Formiggini, à ses dons d’habile chirurgien, à son génie et à sa personnalité que l’on doit la remise en vogue de l’implant endo-osseux. »
Pr F. Zepponi, de l’Université de Rome, au IIIe Congrès International de l’Association européenne odontostomatologique pour l’étude des implants à Paris en juillet 1961
La publication, dans les années 1980, des travaux du médecin biologiste suédois Per-lngvar Brânemark sur l’ostéo-intégration du titane, menés depuis les années 1950, va être déterminante pour le succès et la diffusion des implants endo-osseux. La réticence première pour les implants laisse place à un engouement croissant pour la méthode en rapport avec ses résultats qu’assurent un protocole rigoureux et la biocompatibilité remarquable de l’implant en titane. L’implantologie devient une technique élégante de réhabilitation fonctionnelle et esthétique fiable, universellement appréciée, à la planification de laquelle participe activement l’imagerie en général et aujourd’hui le cone beam en particulier.
L’IMAGERIE AUX DIFFÉRENTS TEMPS DU PROJET IMPLANTAIRE
L’imagerie a pour vocation « l’évaluation anatomique, atrau matique, du sujet vivant ». Initialement plane, 2D (dite de projection), elle devient sectionnelle (ou en coupes) par la tomographie puis le scanner Rx ou tomodensitométrie (TDM) [premier appareil multicoupes numérique]. À partir des données d’acquisition de la TDM seront réalisées, par des logiciels spécifiques, les reconstructions 2D et 3D nécessaires (voir le chapitre 1, « Scanner hélicoïdal »).
L’imagerie s’est imposée dans les trois temps fondamentaux que sont la planification, la chirurgie et les contrôles postopératoires.
LES ÉTAPES DE L’APPROCHE RADIOLOGIQUE
L’époque des pionniers
En 1962, Raphaël Cherchève publie avec Th. Le Dinh, radiologue du Cabinet de radiologie de la rue de l’Échelle à Paris, un ouvrage sur les implants endo-osseux. L’abondance de clichés tomographiques conventionnels témoigne de l’intérêt pressenti par Cherchève pour l’imagerie sectionnelle en implantologie.
La même année se tient à Paris le iiie Congrès international de l’Association européenne odontostomatologique pour l’étude des implants, où Th. Le Dinh et al. démontrent la nécessaire synergie du bilan clinique et radiologique tomographique (figure 4.1).

Figure 4.1 En 1962, R. Cherchève et Th. Le Dinh démontrent l’intérêt de l’imagerie sectionnelle (ici la tomographie linéaire) dans leur ouvrage Les Implants osseux.
Dans les années 1990, les appareils panoramiques performants, dont le modèle est le Scanora™, sont dotés de programmes tomographiques annexes, au mouvement spiralé, qui permettent d’obtenir des coupes planes, sagittales ou transversales avec un agrandissent constant quel que soit le niveau de la coupe. Une évaluation préimplantaire de secteurs limités, volontiers moyens ou mésiaux, est réalisable sans avoir recours obligatoirement au scanner (figure 4.2).

Figure 4.2 Dans les années 1990, le Scanora™, OPT auquel est annexé une tomographie spiralée, procure des coupes transversales à agrandissement constant et trouve, en implantologie, son application biomensurative dans des secteurs unitaires mésiaux en substitut du scanner Rx.
En 1995, Thomas Fortin publie le concept de chirurgie assistée par ordinateur en implantologie orale basée sur l’utilisation de guide radiologique et d’images sectionnelles à partir du cone beam (NewTom™).
La conférence européenne de consensus de Dublin
En mai 2000, dix experts de l’European Association for Osseointegration (EAO) établissent, au Trinity College de Dublin, des recommandations sur la conduite à tenir en imagerie consignées dans l’EAO Guidelines for the Use of Diagnostic Imaging in Implant Dentistry qui sera publié en 2002.
Il est précisé qu’en complément du bilan clinique, l’imagerie doit :
À cette époque, le cone beam, reconnu depuis comme la technique sectionnelle la moins irradiante et au moins aussi performante que le scanner Rx, n’est pas évoqué car il est au tout début de sa diffusion.
Dans ce rapport, il est écrit que l’imagerie sectionnelle (telle qu’elle est comprise alors, c’est-à-dire : tomographies spiralées ou scanner Rx) :
Toujours dans ce rapport, la priorité est accordée, chaque fois que possible (secteurs réduits, antérieurs et moyens), à la tomographie spiralée. Il est aussi indiqué que ce protocole est appelé à évoluer… Cette remarque est vérifiée par les progrès constants des appareils cone beam, en particulier en matière de réduction des doses de rayons X délivrées conforme au principe ALARA.
Aujourd’hui
Par rapport au projet prothétique, l’implantologiste demande explicitement au radiologue d’apporter les renseignements déterminants sur :
Une question subsidiaire, fréquemment posée par le chirurgien, porte sur la « ventilation » des sinus. En d’autres termes, il s’agit d’apprécier la perméabilité des ostia des sinus maxillaires lors d’une évaluation préimplantaire maxillaire, en particulier après greffe de surélévation des sinus maxillaires (sinus lift). Le champ de l’appareil cone beam doit alors être capable, au minimum, d’intégrer dans son champ de vue (field of view [FOV]) l’étage nasosinusien, ce qui est possible pour un champ moyen. Un grand champ permettra une évaluation globale du système communicant des cavités sinusiennes de la face et de l’étage antérieur de la base du crâne, respectant ainsi une logique anatomique, voire anatomopathologique.
Le protocole d’imagerie préimplantaire s’appuie sur trois étapes successives, chacune autorisant et validant l’étape suivante, la dernière menant à l’acte implantaire : l’examen clinique, encore pour l’instant l’imagerie conventionnelle et surtout l’imagerie sectionnelle.
Examen clinique
Préalable à I ’évaluation radiologique, réalisé par le chirurgien, il intègre l’interrogatoire du patient et l’examen physique de la sphère orale.
Imagerie conventionnelle
Comprenant l’OPT (orthopantomographie) et/ou l’évaluation RA (cliché rétroalvéolaire) long cone, l’imagerie conventionnelle assure une approche de première intention du site implantaire pour l’évaluation pertinente supposée de la qualité osseuse alvéolaire par les clichés 2D long cone et de la globalité du massif dentomaxillaire par l’OPT.
Associée à l’examen clinique, cette étape permet de :
Imagerie sectionnelle
Elle était pratiquement synonyme, il y a encore peu, du seul scanner Rx et des reconstructions spécifiques dentaires 2D (logiciel de type Dentascan™).
Il a pu sembler à certains que la TDM était la seule technique fiable d’évaluation dimensionnelle, et même le seul examen d’imagerie ayant valeur médicolégale en implantologie. Pourtant, les pionniers scandinaves de l’ostéo-intégration utilisaient largement la tomographie conventionnelle spiralée de type Scanora™ et fort peu le scanner Rx (figure 4.2).
La mise en application de la directive Euratom 97/43 devait modifier cette approche et favoriser l’émergence du cone beam d’abord considéré comme un ersatz, puis un concurrent sérieux du scanner dentaire avant d’être apprécié comme la technique de référence en imagerie dento-maxillo-faciale. Cette reconnaissance est solidement établie sur des arguments qualitatifs et dosimétriques (voir le chapitre 1, « Cone beam et scanner » et « L’argument dosimétrique »).
LES DIFFÉRENTS TEMPS DE L’ÉVALUATION PRÉIMPLANTAIRE
L’imagerie intervient aux différents temps du geste implantaire en préet postopératoire, mais aussi au cours de l’intervention.
L’imagerie sectionnelle cone beam est justifiée par l’insuffisance de l’examen standard dans l’évaluation de l’architecture, des dimensions et de la qualité de la composante osseuse d’un site implantaire dans les trois directions de l’espace.
La décision chirurgicale s’appuie sur une nécessité clairement définie par le praticien selon l’examen clinique. La valeur prédictive du projet implantaire par l’imagerie sectionnelle volumique s’est considérablement améliorée avec les logiciels 3D qui en font un véritable outil opératoire.
L’outil de référence : la technique cone beam
Si l’évaluation directe dans les trois directions de l’espace a été rendue possible par le scanner Rx, le cone beam est aujourd’hui le seul représentant logique de l’imagerie sectionnelle en implantologie où il trouve, comme en son temps la TDM, son application immédiate et offre les mêmes possibilités de travail.
Au terme d’une rotation circulaire unique, complète ou partielle, de multiples projections planes 2D numérisées se répartissent selon la trajectoire du système et sont traitées par des algorithmes mathématiques qui restituent la région anatomique selon un volume numérisé constitué de l’ensemble des voxels. À partir des données brutes de ce volume seront élaborées par traitement informatique les reconstructions 2D et 3D selon ses différentes déclinaisons.
La reconstruction 3D de surface (voir le chapitre 1, figures 1.16 et 1.18) ne discrimine pas les densités sélectionnées entre elles. D’autres procédés de reconstruction comme le MIP (maximum intensity projection) replacent la densité dentinoamélaire dans une transparence osseuse (figure 4.5) [voir le chapitre 1, figure 1.19]. Didactiques, ces méthodes s’avèrent surtout utiles, en implantologie, lorsqu’elles sont combinées à la simulation chirurgicale.

Figure 4.5 Région mandibulaire gauche : absence de 35 et 36, implant endo-osseux en 36.
A : OPT; B : CB reconstruction 2D sagittale ; C : reconstruction 3D en rendu de volume avec seuillage (ne distingue pas les différences de densités) ; D : MIP avec effet de transparence.
Le caractère isotrope des voxels du cone beam garantit des reconstructions biométriques de qualité (voir le chapitre 1, figure 1.12) et permet de s’affranchir du respect du parallélisme au plan de référence, obligatoire en scanner Rx dont le pixel est anisotrope.
Le cone beam se démarque aussi du scanner par une meilleure résolution spatiale pour l’os et la dent et révèle une moindre sensibilité aux artéfacts métalliques (voir le chapitre 1, figures 1.13 et 1.14).
Le principe du cone beam n’étant pas celui de la TDM, c’est-à-dire la mesure des densités, il n’est pas facile d’évaluer numériquement la qualité osseuse, en particulier lors du bilan préimplantaire, comme le permet le scanner Rx.
Comme pour le scanner Rx, les reconstructions seront :

Figure 4.6 Bilan préimplantaire maxillaire gauche : OPT ; CB : reconstructions panoramique 2D ainsi que verticales et transversales avec affichage des distances en millimètres.
De nombreux logiciels permettent le surlignage du canal mandibulaire sur les reconstructions panoramiques qui sera retrouvé selon sa section sur les coupes verticales et transversales, assurant ainsi sa localisation (figure 4.7), quelquefois délicate, si ses limites sont imprécises et/ou si la trabéculation osseuse s’avère lâche ou hypodense (voir le chapitre 2, figure 2.4) [figure 4.8].

Figure 4.7 Même sujet, bilan préimplantaire mandibulaire droit ; CB : reconstructions panoramique volumique et 2D, avec surlignage du canal mandibulaire droit, ainsi que verticales et transversales avec affichage des distances en millimètres.

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