La fixation acétabulaire sans ciment des prothèses totales de hanche de première intention
Cementless acetabular fixation in primary total hip arthroplasty
Introduction
En 2009, plus de 80 % des cupules posées en France étaient des cupules sans ciment. C’est dire si les chirurgiens considèrent que ce type d’implant rend service à leurs patients. La cupule sans ciment a progressivement marginalisé la traditionnelle cupule monobloc cimentée en polyéthylène usiné qui fait toujours référence, véritable « gold standard » dans sa version de diamètre intérieur de 22,2 mm [21,38].
Par ailleurs, la confrontation des chiffres publiés par la Haute Autorité de santé (HAS) avec ceux plus récents de l’industrie (European Association of Medical Device Manufacturers [EUCOMED] ; www.eucomed.org) répartit les cupules posées en première intention en France de la façon suivante :
Historique
- • J. et R. Judet, en 1971, ont présenté un cotyle à impacter recouvert d’un revêtement poreux, le « poro-métal » [37].
- • P. Boutin, en 1972, a présenté une étude expérimentale de la fixation sans ciment d’une cupule en alumine [9] ; il est rapidement arrivé au concept de l’insert en alumine dans une cupule « métal-back » dont il a rapporté les premiers résultats en 1977 [10].
- • G. Bousquet, en 1976, a proposé sa cupule à double mobilité dont la cupule métallique n’était pas cimentée [11].
Dans l’histoire de la fixation sans ciment, bien que les conditions mécaniques soient moins favorables au niveau du cotyle qu’au niveau du fémur, la plus grande facilité à obtenir une congruence os-prothèse satisfaisante et un os capable de coloniser un revêtement explique que l’aboutissement de la cupule ait précédé celui de la tige : la prothèse totale hybride a rapidement été considérée comme une authentique avancée [28] ; la cupule a généré moins de controverses que la tige fémorale et cette configuration hybride reste aujourd’hui une option fréquemment utilisée [3].
Structure d’une cupule sans ciment
Interface tête-insert
C’est le couple de frottement que nous n’aborderons qu’indirectement mais qui est un élément incontournable. Ce couple a été par ailleurs récemment parfaitement documenté [7,8,48,56].
Insert
Il existe des inserts à couple de frottement dur-dur avec polyéthylène sandwich : cette configuration introduit une interface supplémentaire et impose d’en rester à de plus petits diamètres de tête, avec risque d’effet came. L’effet came est d’ailleurs évoqué comme primum movens dans les désinsertions et ruptures d’insert [22,44]. Même si les différents systèmes d’encliquetage du polyéthylène dans la cupule ont été améliorés, permettant à l’usure de la face cachée du polyéthylène de ne pas être importante [39], il s’agit d’une véritable cause d’ostéolyse, donc d’une vraie préoccupation [30,73].
Interface insert-cupule
On comprend aisément les multiples raisons qui conduisent les industriels à mettre à la disposition du chirurgien une unique cupule capable de recevoir tous types d’insert ; mais l’étude des contraintes qui s’appliquent à un insert, à une cupule et à un cotyle ne peut que nous conduire à mesurer le compromis que réalise une telle possibilité. En effet, l’insert « mou » sera au mieux stabilisé dans une cupule peu épaisse et déformable alors qu’un insert « dur » sera au mieux stabilisé dans une cupule très rigide, donc plus épaisse. Un insert en polyéthylène sera d’autant plus stable que fixé dans une structure dont il épousera la concavité et où la contre-pression de l’impaction améliorera la tenue de l’insert. Celui-ci, d’épaisseur maximale pour le diamètre considéré, se dilatera, comme le lui impose un coefficient de dilatation qui le fait passer de 22° (stockage) à 37° (implantation) puis à des températures beaucoup plus élevées [4] lors de l’activité physique. Les systèmes d’encliquetage des inserts en polyéthylène sont multiples ; les inserts qui se vissent dans la cupule semblent d’un maniement difficile mais apportent des résultats satisfaisants [69].
Cupule
- • les cupules rigides vissées tronconiques ou hémisphériques : elles ont été les premières à montrer qu’un traitement de surface était indispensable à une ostéo-intégration secondaire [15] ; elles sont utilisées plus fréquemment par nos confrères germanophones [61] ;
- • les cupules élastiques impactées : la stabilité primaire est assurée par l’expansion de la cupule sous la pression de l’insert. Les travaux les plus récents semblent montrer que les résultats de ces implants sont directement liés à l’épaisseur du polyéthylène, mais le concept lui-même inspire des réserves. Il n’est pas certain que l’impaction de l’insert permette à la cupule de récupérer sa forme initiale, la déformation étant alors reportée sur l’insert avec un serrage de la tête dans l’insert, responsable d’usure anormale ;
- • les cupules rigides impactées : les plus posées, elles sont de forme hémisphérique ou elliptique, avec souvent une possibilité de vissage de principe ou de nécessité. Ces cupules posent le problème de leur déformabilité, d’une part à l’impaction, d’autre part lors de la mise en place de l’insert, enfin lors de la mise en charge. Moins la cupule est rigide, plus elle est susceptible de suivre les déformations élastiques du cotyle, mais plus elle est déformable avec les risques spécifiques des inserts des couples dur-dur [62] : déformation à l’équateur conduisant à la mise en place de l’insert sous contrainte. Le vissage, quant à lui, rigidifie le système et ajoute une interface ; il modifie la circulation des fluides et offre un chemin de migration aux débris d’usure [65,75]. Il paraît légitime d’obturer les orifices de vissage (ou de préhension) non utilisés [67]. Le vissage n’expose à aucune complication particulière [36] tant que la cupule est stable, mais majore la perte du capital osseux en cas de migration de la cupule, avec risque de fracture des vis et de conflit tête de vis-insert.
La stabilité de la cupule impactée repose sur le principe de la précontrainte, c’est-à-dire sur l’existence au niveau de l’interface os-implant d’une pression supérieure aux forces déstabilisantes, ici en rotation soit autour de l’axe polaire, soit autour de l’axe équatorial. Le travail du cotyle à la fraise conduit à un cotyle hémisphérique. Théoriquement, au cotyle, la cupule elliptique (surdimensionnement équatorial et aplatissement polaire) réalise la forme la plus achevée de la précontrainte, comme l’a démontré E. Morscher [77]. Une cupule hémisphérique, donc théoriquement impactée sans précontrainte, nécessite des moyens complémentaires de fixation car sans ceux-ci, elle n’aurait pas la stabilité primaire nécessaire à l’ostéo-intégration et pour s’opposer aux forces de cisaillement dues aux déformations de l’acétabulum lors de la marche.
Revêtement
Les revêtements ont longtemps été « ouverts » à la pénétration osseuse : c’est l’ostéo-intégration par « in-growth » des revêtements type microbilles ou treillage (figure 1). Aujourd’hui, le revêtement le plus répandu est le « plasma spray » de titane pur qui conduit à une ostéo-intégration de type « on-growth » (figure 2). C’est le torchage, par un gaz plasma de poudre de titane, à haute température et à haute pression, sur le revêtement d’alliage de titane.
Ce revêtement peut être doublé d’un revêtement d’hydroxyapatite (HAP) le plus souvent par ce même procédé de torche à plasma. On sait qu’il s’agit d’un revêtement bioactif ostéoconducteur qui facilite, dans le temps et dans l’espace, l’ostéo-intégration des implants. L’épaisseur d’HAP varie de 80 à 150 μm ; elle est appliquée de préférence sur un matériau non poreux car elle risque de modifier la porosité d’un matériau poreux (figure 3). Même si, en faisant varier les caractéristiques physicochimiques de la poudre et les paramètres techniques de la projection, on peut adapter le revêtement aux spécificités d’une cupule (précocité de la bioactivité, vitesse de résorption), l’intérêt de l’HAP reste discuté. En effet, la qualité de l’os exposé par la préparation d’un cotyle et la congruence anatomique os-cupule n’impose pas forcément un processus d’ostéo-intégration supplémentaire ; mais l’intérêt de l’HAP réside peut-être plus dans le fait qu’il semble permettre une restriction plus importante de l’« effective joint space » [68].