anciennes du scaphoïde carpien: Scaphoid old fractures

Fractures anciennes du scaphoïde carpien


Scaphoid old fractures



image D. Le Nen1, 1 Service de chirurgie orthopédique, traumatologique et réparatrice, SOS Mains, CHU de Brest, boulevard Tanguy-Prigent, 29200 Brest ; EA 1161, épistémologie, histoire des sciences et des techniques, université de Nantes, Nantes.



Résumé


Le terme de « pseudarthrose du scaphoïde » regroupe des tableaux différents, car rien n’est moins comparable qu’une pseudarthrose récente datant de 6 mois et un poignet douloureux arthrosique après 20 ans d’évolution. Ce travail se concentre essentiellement sur la prise en charge de la pseudarthrose au stade conservateur préarthrosique. L’amélioration des procédés d’imagerie, les progrès de l’ostéosynthèse, enfin la diffusion des greffes corticospongieuses vascularisées ont transformé l’approche et le pronostic des fractures du scaphoïde, quel qu’en soit le stade de prise en charge. Une bonne compréhension de la physiopathologie des déformations, notamment du comportement des deux fragments scaphoïdiens, est primordiale pour appréhender une évolution arthrosique propre à la pseudarthrose. Obtenir l’indolence, un poignet mobile et fort, mais aussi prévenir l’arthrose, tels sont les objectifs prioritaires du traitement. Trois éléments primordiaux seront pris en considération lors de l’intervention chirurgicale : le rétablissement de la morphologie du scaphoïde, par la correction des déformations qu’il subit dans les trois plans de l’espace ; l’obtention de la fusion osseuse par une greffe appropriée ; enfin, la correction de la bascule dorsale du lunatum associée, dont la persistance après cure de la pseudarthrose fait le lit des mauvais résultats et celui de l’arthrose, ce d’autant que le délai entre l’accident initial et le traitement est long.


En l’absence d’arthrose, voire au stade d’arthrose débutante, on peut choisir entre une greffe non vascularisée encastrée si le scaphoïde n’est pas déformé, ou intercalée s’il est déformé ; une greffe vascularisée peut être proposée de principe, après échec d’une greffe non vascularisée ou pour traiter une nécrose polaire proximale. Très nombreuses sont les techniques de greffes vascularisées qui restent d’actualité, elles consolident mieux et plus vite que les greffes non vascularisées. Quelle que soit la technique de greffe, elle prévient l’arthrose si le poignet est opéré au stade préarthrosique ; la consolidation est garante d’un bon résultat à long terme si l’instabilité est corrigée. Le traitement de la nécrose du pôle proximal au stade préarthrosique est évoqué ainsi que la prise en charge du poignet arthrosique, dont les indications thérapeutiques dépendent autant sinon davantage du patient et de l’expérience du chirurgien que du bilan complémentaire.



Summary


Nonunion is an uncommon complication of scaphoid fractures. The term “nonunion” encompasses several different situations, ranging from recent nonunion – up to 6 months after the index injury – to pseudarthrosis in a painful osteoarthritic wrist following a 20 years evolution. This article will focus on the non-arthritic wrist, which is still amenable to conservative treatment. Advances in diagnostic imaging and in osteosynthesis, and a wider use of vascularised bone grafts, have improved the approach and the prognosis of scaphoid fractures, at any stage in their evolution. A good understanding of the physiopathology of the lesion, especially of the condition the two fragments of the scaphoid, is necessary to correctly understand the typical evolution of scaphoid nonunion towards degenerative arthritis. The essential goal of treatment is to restore a painful, mobile and strong wrist, but it is also important to prevent progression to osteoarthritis. Three main factors should be taken into account in the surgical procedure : restoration of the height and morphology of the scaphoid, healing of the fracture through the use of an appropriate graft, and finally correction of the associated dorsal displacement of the lunate, which, if left uncorrected, may lead to poor results with a high risk of degenerative arthritis, all the more so as the time interval between the injury and the surgery is long.


If degenerative signs are absent, or even if there are minimal signs of osteoarthritis, we can opt for a non vascularised graft. A vascularised graft may be considered after failure of a non vascularised graft, or in cases with necrosis of the proximal fragment. There are many technical procedures to perform a vascularised graft. They give better results in term of healing of the nonunion and quicker functional recovery than non vascularised grafts. Whatever the technique of bone grafting, it will prevent osteoarthritic changes if the wrist is treated before degenerative lesions have developed; healing of the nonunion is usually associated with good results if the carpal instability has been corrected. The management of a necrotic proximal fragment is presented, and also the painful osteoarthritic wrist. The choice of treatment depends as much and even more on the individual patient and on the experience of the surgeon than on the results of the diagnostic workup.



Introduction


Au plan diagnostique, thérapeutique et pronostique, rien n’est moins comparable qu’une pseudarthrose récente datant de 6 mois et un poignet douloureux arthrosique après 20 ans d’évolution. Ces deux situations, regroupées sous le terme générique de « fractures anciennes du scaphoïde », feront l’objet de ce travail, qui se concentrera essentiellement, vu l’étendue du sujet, sur la pseudarthrose au stade préarthrosique, synonyme de traitement conservateur, habituellement par greffe osseuse.


La pseudarthrose est une complication rare, touchant approximativement 5 % des fractures du scaphoïde. L’amélioration des procédés d’imagerie, les progrès de l’ostéosynthèse, enfin la diffusion des greffes corticospongieuses vascularisées ont transformé l’approche et le pronostic des fractures du scaphoïde, quel qu’en soit le stade de prise en charge.


Certaines circonstances favorisent la survenue d’une pseudarthrose du scaphoïde, parmi lesquelles :



Il n’existe pas de consensus tant en ce qui concerne la définition de la pseudarthrose du scaphoïde que les critères de consolidation et dans ce cas, seul le recul en préjuge [93]. Trojan et De Mourgues distinguaient en 1959 deux types d’évolution : les « fractures anciennes », dont le trait encore visible s’associe à une résorption des extrémités fracturaires, relevant, même après plusieurs mois d’évolution, d’un traitement conservateur (orthopédique ou vissage sans greffe) ; et les « pseudarthroses constituées », caractérisées par une condensation de part et d’autre du trait, évolution habituelle d’une fracture négligée depuis plusieurs années, et dont le traitement est celui des pseudarthroses [128]. Actuellement, nous pouvons considérer qu’une fracture non consolidée à la fin du 3e mois signe un retard de consolidation qu’il faudra prendre en charge comme une pseudarthrose, quelle que soit la technique utilisée [5].


Non traitée, les conséquences en sont une arthrose inéluctable, tout d’abord localisée puis globale, en raison d’un déplacement persistant du scaphoïde et d’une désorganisation de la dynamique carpienne, dont le retentissement va de la parfaite tolérance initiale à une impotence fonctionnelle majeure en quelques années. Prévenir l’arthrose sera donc l’objectif prioritaire du traitement. Trois éléments primordiaux seront pris en considération lors de l’intervention chirurgicale : le rétablissement de la hauteur et de la morphologie du scaphoïde, l’obtention de la fusion osseuse, enfin la correction de la bascule dorsale du lunatum associée, qualifiée par Allieu en 1983 d’instabilité carpienne « d’adaptation » [1].


De cette étude, nous exclurons les cals vicieux du scaphoïde, le scaphoïde bipartite et les formes de l’enfant.



Pourquoi le scaphoïde ne consolide-t-il pas ?


Le scaphoïde, classiquement divisé en trois parties : le pôle proximal, le col ou « waist » des Anglo-Saxons, enfin le pôle distal, est un os particulier. En contact étroit avec le radius en haut et sur son pourtour latéral, le lunatum et le capitatum en dedans, le socle trapézotrapézoïdien en bas, 80 % de sa surface est articulaire et cartilagineuse. Il n’accepte donc que par sa seule berge dorsale les 80 % de sa suppléance vasculaire. La lenteur du scaphoïde à consolider s’explique aussi par l’anatomie singulière des vaisseaux sanguins qui le vascularisent. De nombreux auteurs sont associés à son étude [16,40,43,124]. Dans celle de Freedman et al. en 2001 [40], la vascularisation du scaphoïde dépend entièrement de l’artère radiale et de ses branches. Les artères pénètrent le scaphoïde en avant et en arrière, dans des zones extra-articulaires d’insertions ligamentaires. Le réseau dorsal assure la vascularisation intrinsèque des 70 à 80 % proximaux du scaphoïde ; les artères dorsales pénètrent le scaphoïde à hauteur du corps, avec une direction rétrograde. Le réseau palmaire prend en compte la vascularisation intrinsèque des 20 à 30 % distaux ; les artères palmaires pénètrent par le tubercule. Il n’existe pas d’apport vasculaire provenant du ligament scapholunaire. Nous pouvons aisément comprendre qu’une fracture du corps – et a fortiori du pôle proximal – puisse interrompre la vascularisation destinée au scaphoïde proximal, dont le risque bien connu est celui de nécrose, ou bien ralentir voire annihiler toute possibilité de consolidation (figure 1).




Histoire naturelle de la pseudarthrose du scaphoïde


Relativement stéréotypée, elle a pour support trois événements : la déformation du scaphoïde, l’instabilité d’adaptation concomitante du carpe, enfin l’arthrose qui en est l’aboutissement ultime.



Déformation du scaphoïde


Elle est caractéristique. Chaque fragment scaphoïdien est soumis à des forces opposées qui pérennisent un déplacement se faisant classiquement vers le tassement antérieur, le « humpback deformity » des Anglo-Saxons. Cette plicature a pour conséquence un accourcissement et donc un collapsus du scaphoïde. Vu les contraintes axiales, rotatoires et longitudinales subies par le scaphoïde comme par le squelette carpien, cette déformation scaphoïdienne entraîne une modification de l’architecture du carpe dans son ensemble, et en particulier de l’os qui lui est le plus intimement lié, le lunatum. Si l’on étudie plus en détail le comportement de ces deux fragments, il est très différent. Le fragment distal subit trois types de mouvements contemporains : il fléchit, nous l’avons vu, il tourne – en supination – et il se désaxe latéralement – par translation radiale de la deuxième rangée dont il reste solidaire –, ce qui crée une incongruence entre ce fragment scaphoïdien et la styloïde radiale en regard, articulation au niveau de laquelle débuteront les phénomènes dégénératifs. Quant au fragment proximal, il reste plus ou moins congruent avec le radius sous lequel il se trouve (contrairement à ce qui se passe après rupture totale du ligament scapholunaire), articulation au niveau de laquelle le cartilage restera préservé, sans évolution dégénérative, sauf à sa face profonde, celle en contact avec le capitatum, dans les arthroses évoluées (figure 2). Dans son déplacement, ce fragment proximal reste solidaire du lunatum avec lequel il bascule.




Désaxation intracarpienne


En raison des relations privilégiées du pôle proximal du scaphoïde avec le lunatum par l’intermédiaire du ligament scapholunaire, la plicature antérieure provoque une bascule du lunatum ou DISI (dorsal intercalated segment instability), avec une augmentation de l’angle radiolunaire au-delà de 10°, calculée sur un cliché de profil strict du poignet (figure 3). Ainsi, ce qui n’était qu’un problème purement scaphoïdien au départ se transforme en pathologie régionale. De réductible, lorsque la cure chirurgicale est précoce, avec une normalisation de l’angle radiolunaire par le seul fait de redonner la hauteur du scaphoïde, les rétractions ligamentaires peuvent rendent la bascule du lunatum irréductible lorsque le traitement est tardif, ayant pour conséquences des difficultés de cure des pseudarthroses vieillies. L’instabilité intracarpienne adaptative est donc un élément capital à prendre en compte et la littérature montre qu’elle augmente avec l’ancienneté de la pseudarthrose [2,55,75].




Arthrose


Les facteurs déterminant l’apparition des lésions dégénératives sont indéniablement la persistance d’une déformation du scaphoïde et de la désaxation carpienne d’adaptation. Si la symptomatologie douloureuse peut diminuer peu à peu dans les suites d’une fracture du scaphoïde, y compris en l’absence de consolidation, la pseudarthrose conduit à une arthrose plus ou moins précoce des articulations qui les relient. En 5 à 10 ans, cette arthrose peut conduire à une incapacité fonctionnelle majeure voire totale du poignet avec raideur, douleurs et perte de force, alors que d’autres peuvent ne faire parler d’elles qu’après un long silence, plus ou moins relatif, d’une vingtaine d’années.



Incidence de l’arthrose


Non seulement l’arthrose semble inéluctable, mais elle est de plus corrélée à l’ancienneté de la pseudarthrose [55,75,108]. Pour Lindström et al., en 1992 [72], son incidence était de 100 % dans une population de 33 patients revus avec 10 à 17 ans de recul par rapport à la fracture initiale.



Évolution de l’arthrose


Initialement styloscaphoïdienne sous la forme d’un effilement de la styloïde radiale et/ou d’un ostéophyte marginal postérieur du radius [55], elle atteint ensuite la médiocarpienne, plus spécialement la scaphocapitale, plutôt entre le pôle proximal du scaphoïde et le capitatum. Il faut bien comprendre que c’est la perte du centrage de la première rangée sur la deuxième par la translation latérale du scaphoïde distal associée à la supination intracarpienne qui crée des contraintes en cisaillement et en rotation en partie responsables de l’arthrose médiocarpienne [66]. Ainsi, en l’espace de 5 à 20 ans, de styloscaphoïdienne, l’arthrose évolue vers le médiocarpe, avec un pincement scaphocapital puis lunocapital. Fait primordial pour l’étape thérapeutique, l’interligne radiolunaire, de par la persistance d’une congruence parfaite entre les deux os concernés, n’est pratiquement jamais atteint.



Lien entre instabilité intracarpienne et arthrose


En dehors de rares exceptions, la plupart des auteurs corrèlent l’arthrose à l’existence d’une DISI qui elle-même dépend de l’importance du plissement scaphoïdien et des lésions ligamentaires surajoutées [2,22,75]. Les auteurs recommandent donc la cure des pseudarthroses avec DISI avant le stade de l’arthrose. Dans l’étude de Milliez et al. [90], néanmoins, si l’instabilité avait vraisemblablement un pronostic péjoratif, aucune corrélation significative avec l’arthrose n’a pu être démontrée avant 10 ans, et certaines pseudarthroses sans DISI devenaient même à terme arthrosiques.




Fractures du scaphoïde et rupture du ligament scapholunaire


Penser qu’une fracture du scaphoïde exclut une lésion ligamentaire scapholunaire associée ferait oublier l’existence de certaines luxations périlunariennes à l’origine de telles lésions ou bien de fractures complexes [23,66]. Un bilan arthroscanner préopératoire systématique, voire pour certains une arthroscopie en cas de doute, a l’avantage de révéler cette « entité » bien réelle, rapportée dans quelques publications dont celle de Cheng et al. [23], qui recensaient, en 2004, 11 cas publiés ainsi que les 2 cas qu’ils rapportaient, toujours dans le cadre d’un traumatisme à haute énergie. Nous savons maintenant qu’un mécanisme de pronation intracarpienne est susceptible de produire une luxation trans-scapho-périlunaire associée à une lésion scapholunaire : deux tiers des fractures-luxations périlunariennes de la série de Laulan [66]. Pour Nakamura et al. [96], l’existence d’une lésion scapholunaire associée n’est pas synonyme pour autant de réparation ligamentaire : en comparant deux groupes de pseudarthroses du scaphoïde, l’un avec DISI et l’autre sans DISI, il n’existait pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes en termes d’espace scapholunaire et d’incidence de lésions du ligament scapholunaire à l’exploration arthroscopique. Les auteurs concluaient que la lésion ligamentaire entraînait rarement une instabilité dans la pseudarthrose et que, le plus souvent, une greffe intercalée suffisait à corriger la DISI.


L’existence d’une DISI à moyen ou à long terme n’est pas toujours facile à interpréter, et en dehors des deux causes déjà évoquées (association à une lésion scapholunaire et aggravation de l’instabilité parallèlement à l’ancienneté de la pseudarthrose), deux autres étiologies sont parfois mentionnées : pour Milliez et al. [90], certaines DISI tardives relèvent d’une possible décompensation à long terme d’instabilités dynamiques initialement non dépistées ; pour Mack et Lichtman [76], il est possible qu’un second traumatisme soit source d’une lésion ligamentaire générant l’instabilité là où n’existait initialement qu’une pseudarthrose stable, sans DISI.


L’absence de DISI ne signifie pas forcément l’absence de lésion scapholunaire. Laulan [66] a bien montré qu’en cas de lésion scapholunaire et triquetrolunaire associées dans le cadre d’une luxation ou fracture-luxation périlunarienne du carpe, le lunatum, libéré de ses deux attaches médiale et latérale, pouvait prendre une position d’équilibre, donc sans DISI.



Classification des pseudarthroses


La survenue d’une pseudarthrose et son pronostic après traitement dépendent en partie du siège du trait de fracture. Nous citerons simplement les classifications de Trojan, Russe, Herbert, pour ne retenir que celle de Schernberg [116], la référence française, compartimentant le scaphoïde en 6 zones (figure 4). Les types II, III et IV représentent 85 % de la totalité des fractures du scaphoïde [4,116].




Quelle(s) classification(s) ?


Souvent schématiques et incomplètes, elles prennent en compte des critères variables, en général le siège et la direction du trait, ou encore le type de déplacement. D’autres, comme celle d’Alnot [4,5], bien plus descriptive et plus complète, sont toujours d’actualité.


Herbert [48] isole dans sa classification des fractures du scaphoïde deux types de pseudarthroses : le type C : retard de consolidation, et le type D : pseudarthrose établie, comportant deux sous-types : D1, pseudarthrose fibreuse et D2, pseudarthrose lâche. Cette classification simple est peu précise : quelle signification exacte donner aux termes employés, que d’autres auteurs reprennent d’ailleurs : pour Milliez [90], la pseudarthrose est lâche ou serrée, non corrélée avec son ancienneté ?


Pour Saffar [111], il existe trois formes : d’abord la forme fibreuse, définissant un scaphoïde avec une mobilité normale des deux fragments qui restent cohérents, et peu de mouvements dans le trait de pseudarthrose. Il distingue ensuite la forme présentant un écart interfragmentaire, mais avec conservation de la hauteur et de l’orientation du scaphoïde. Et enfin, la forme déplacée avec angulation des deux fragments et une perte de substance osseuse aboutissant à un accourcissement important et à une DISI. Toutes ces classifications ne prennent pas en compte l’ensemble des facteurs en présence, en particulier la nécrose et l’arthrose. Schernberg classe les pseudarthroses en trois stades, la nécrose représentant un des critères : stade 1, pseudarthrose avérée ; stade 2, perte de hauteur du scaphoïde ; stade 3, fragmentation ou nécrose du pôle proximal. Nous ne ferons enfin que citer les classifications d’illustres chirurgiens comme Michon, Barton, Razemon, Verdan et Narakas.



Classification d’Alnot


Elle nous semble toujours la plus complète, faisant intervenir cinq critères essentiels : la description de la lésion osseuse, sa « stabilité », la désaxation intracarpienne, l’arthrose et la nécrose du fragment proximal [4,5]. Cette classification représente pour Alnot le comportement anatomoradiographique d’une pseudarthrose laissée à son évolution naturelle.



Comme toute classification, celle-ci a ses limites : par exemple, en cas de déplacement d’emblée important, il existe une DISI, avant même l’apparition de géodes et de résorption.



Notion de pseudarthrose stable et instable


Déjà évoquée précédemment par Alnot, elle est largement reprise dans la littérature [28,67,86] sans que l’une des formes, l’instable, soit une évolution inéluctable de la forme stable. Les pseudarthroses instables déplacées (déplacement d’emblée important avec un angle scapholunaire supérieur à 60° ou des fragments scaphoïdiens séparés de plus de 1 mm, et/ou une bascule dorsale du lunatum avec un angle radiolunaire supérieur à 10°) peuvent évoluer rapidement vers l’arthrose (figure 5) ; les pseudarthroses stables non déplacées (peu de déplacement, ni lésions ligamentaires, arthrose tardive ou pas d’arthrose) sont longtemps mieux tolérées.




Analogie SNAC et SLAC ?


Avec les arthroses secondaires aux ruptures scapholunaires, classées depuis Watson sous le terme de « SLAC wrist » (scapholunate advanced collapse) [136,138], l’arthrose après pseudarthrose ou « SNAC wrist » (scaphoid nonunion advanced collapse) présente quelques similitudes (en particulier l’arthrose médiocarpienne, comme après toute « rupture » de la première rangée) et des différences notables, notamment en ce qui concerne sa localisation et son évolution. Ces différences sont résumées dans le tableau 1.




Diagnostic de pseudarthrose


Le plus souvent, il s’agit d’un patient consultant pour un poignet douloureux plus ou moins limité en mobilité, immédiatement après une chute ou à distance d’un traumatisme connu qui peut être totalement passé inaperçu. Dans la série de pseudarthrose de Chantelot et al. [22], la fracture n’avait pas été initialement diagnostiquée pour 77 % des patients ! Le diagnostic peut aussi être porté de façon fortuite lors d’un bilan radiographique demandé à l’occasion d’un nouveau traumatisme du poignet, survenant plus ou moins longtemps après celui qui a été responsable de la fracture du scaphoïde.




Bilan radiographique


Rester simple et bien analyser les clichés habituels, de face et de profil, s’avère souvent suffisant.




Profil strict


Au mieux réalisé sur planchette, il doit présenter un alignement parfait du radius, du lunatum, du capitatum et du 3e métacarpien [88]. Seul un profil strict permettra le calcul des angles radio- et scapholunaires, dont la prise en compte est essentielle pour corriger les déformations du scaphoïde. La position du lunatum de profil définit l’importance de la bascule dorsale ou DISI, reflet indirect du déplacement scaphoïdien. Il est plus difficile d’apprécier le trouble rotationnel de la partie distale sur ce seul bilan de profil.





IRM


Elle confirme le diagnostic de pseudarthrose et a surtout l’intérêt de dépister une nécrose osseuse du pôle proximal. Une extinction du signal à son niveau traduit l’interruption vasculaire. Surtout, il n’y a aucune prise de contraste après injection de gadolinium dans les nécroses constituées [27,68]. Certains auteurs ont étudié le caractère prédictif de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) dans la consolidation des pseudarthroses du scaphoïde. Pour Ciprian et al. [25], l’absence de rehaussement après injection de gadolinium conduit à des résultats chirurgicaux pauvres en dehors des greffes vascularisées (GV). Pour Cerezal et al. [20], l’IRM avec injection est la méthode la plus sûre pour faire le bilan de la vascularisation du pôle proximal du scaphoïde, elle a de plus une valeur pronostique indéniable sur la consolidation : plus l’ischémie est sévère, moins les greffes conventionnelles assurent cette consolidation (tableau 2). Mais Singh et al. [119] ont récemment montré qu’une hypovascularisation scaphoïdienne nette à l’IRM n’était pas synonyme dans 100 % des cas d’échec d’une greffe conventionnelle.



Il n’en reste pas moins que les images de nécrose du scaphoïde sont complexes et difficiles à interpréter parce que sur une coupe, le signal peut être diminué ou absent, alors que sur une autre, il peut être relativement normal. Ceci reflète l’hétérogénéité de l’apport vasculaire de l’os où coexistent dans un véritable patchwork des ostéocytes non viables proches d’ostéocytes viables [20].





Fracture récente ou pseudarthrose ?


Pour un médecin peu habitué, il est parfois difficile de distinguer une fracture récente d’une fracture ancienne non consolidée, les deux pouvant exceptionnellement coexister [69]. Un aspect géodique du scaphoïde, l’importance de la DISI ainsi qu’un aspect un peu effilé, un peu pointu de la styloïde seront appréciés, sachant qu’un doute persistant quant à l’ancienneté peut avoir des conséquences médicolégales non négligeables dans le cadre d’accidents liés au travail.



Fractures occultes et pseudarthroses


Ces fractures du scaphoïde, définies par leur caractère non visible sur le bilan radiographique initial, rassemblent en fait deux entités distinctes : d’une part d’authentiques fractures qui ne sont réellement pas visibles [51] et ne sont révélées au plan radiographique que vers 2 à 3 semaines, avec des incidences particulières ou encore grâce à d’autres examens ; d’autre part des contusions intraosseuses. Ce sont les progrès dans l’imagerie précoce après un traumatisme (radioscintigraphie quantitative, scintigraphie couplée à des coupes tomodensitométriques… et IRM) qui ont permis de bien les démembrer. Concernant les fractures, c’est leur recherche précoce avant le classique bilan radiographique à distance qui peut faire diminuer le risque de pseudarthrose du scaphoïde [71,101]. Quant aux contusions intraosseuses ou « bone bruise », elles n’évoluent jamais vers la pseudarthrose, mais seulement vers un tableau douloureux qui peut demander plus de 6 mois avant de s’amender totalement [65].



Traitement de la pseudarthrose du scaphoïde sur poignet non arthrosique


Il est synonyme de « traitement conservateur ». Toutes les techniques reconstructrices ont leur place ici, d’autant que l’on s’adresse habituellement à des patients jeunes. Les objectifs du traitement sont d’une part de restaurer la forme initiale, anatomique, du scaphoïde et d’obtenir sa consolidation, d’autre part de corriger l’angle radiolunaire : pour de nombreux auteurs, en effet, le pronostic des pseudarthroses traitées dépend en grande partie de la correction de la DISI [1,2,28,39,67].


Le traitement conservateur fait appel à deux types de technique, le plus souvent associées : la greffe osseuse et l’ostéosynthèse. La greffe osseuse est classiquement non vascularisée (GNV), corticospongieuse (encastrée ou intercalée dans le scaphoïde) voire spongieuse pure ; la tendance actuelle est l’utilisation des GV. Rappelons que les techniques de greffe sont déjà anciennes : les premiers à avoir proposé une greffe de scaphoïde, à partir du tibia, furent Adams et Léonard en 1928. L’ostéosynthèse est volontiers associée aux greffes, augmentant ainsi leur stabilité. Dans certaines indications, elles peuvent être employées seules, idéalement dans les retards de consolidation ou les pseudarthroses fraîches, notamment du pôle proximal, sans déformation ni résorption osseuse.



Voies d’abord


L’abord est antérieur pour la plupart des pseudarthroses (types III, IV, V, VI de Schernberg) ; l’abord dorsal est réservé aux formes proximales (types I et II de Schernberg).


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Jul 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on anciennes du scaphoïde carpien: Scaphoid old fractures

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