Expositions aux radionucléides : médecine nucléaire, accidents et attentats


9

Expositions aux radionucléides : médecine nucléaire, accidents et attentats



Doses délivrées au patient par examens diagnostiques en médecine nucléaire. Moyens de la réduction de la dose


En médecine nucléaire, lexposition du patient résulte de ladministration dun médicament radiopharmaceutique à lorigine dune situation de contamination radioactive interne. Le marquage radioactif du traceur moléculaire est nécessaire pour sa détection par voie externe et pour la réalisation dune image, en projection ou en coupes, de sa distribution dans lorganisme.

La distribution du traceur dépend des propriétés physiologiques de la molécule vectrice. Pour une application diagnostique donnée, un traceur est choisi en fonction de sa capacité dincorporation dans une chaîne métabolique ou de fixation sur une cible moléculaire la plus spécifique de laffection étudiée. Les caractéristiques biochimiques du traceur vont donc aboutir à son accumulation préférentielle au sein de certains organes, de certains tissus de ces organes ou au sein des lésions elles-mêmes. On notera par ailleurs des accumulations non spécifiques, le plus souvent liées à l élimination du traceur. Elles sont principalement vues dans les cavités excrétrices rénales et le tractus urinaire, voie majeure d épuration des traceurs et de leurs métabolites.

Paramètres de la dose délivrée par un traceur radioactif


Nature du rayonnement émis


Les rayonnements émis par les traceurs utilisés en médecine nucléaire sont électromagnétiques, principalement gamma dorigine nucléaire, et corpusculaire sous la forme de radioactivité bêta, négative ou positive, d énergie variable selon les éléments ou d électrons Auger de faible énergie. Ces deux types de rayonnements aboutissent à deux formes dexposition différentes.

Rayonnement β et électrons


Le rayonnement β-, émis par le noyau, ou les électrons Auger, émis par le nuage électronique, des atomes radioactifs sont arrêtés dans le milieu où ils ont été émis. Ils vont donc céder toute leur énergie à ce milieu et la distance quils y parcourent est proportionnelle à leur énergie d émission. En moyenne, un électron de 2 MeV parcourt 1 cm dans un milieu liquide (cf. chapitre 2). Dans le cas dun traceur radioactif qui sest concentré dans un tissu, cest celui-ci qui recevra toute l énergie cédée par les électrons émis et donc la dose correspondante. Le rayonnement β de liode 131 a un parcours moyen de 2 mm dans les tissus. Ceci explique que ces rayonnements β sont à lorigine dune dose locale potentiellement importante et constituent le principe de base des applications de radiothérapie métabolique. En revanche, ces rayonnements sortent peu du tissu où le traceur sest accumulé et il nen résulte pas dexposition significative à distance. Seule la composante γ éventuellement associée à l émission β sera source dexposition à distance du patient. Le phosphore 32, émetteur β pur utilisé pour le traitement daffections osseuses ou hématologiques, ninduit pas dexposition dans lenvironnement du patient.

Rayonnements électromagnétiques


Ils ne sont pas arrêtés mais seulement atténués par les tissus. De ce fait, laccumulation dun traceur émetteur de ce type de rayonnement au sein dun organe transforme celui-ci en source de radiations ionisantes pour dautres organes situés à distance. En corollaire, ils ninteragissent que peu dans lorgane de concentration du traceur et ne sont à lorigine que dune faible exposition locale. Ces rayonnements sont à la base des applications diagnostiques des traceurs radioactifs puisquils seront détectables à lextérieur du patient et ne déposent quune part de leur énergie au sein des tissus, limitant ainsi lexposition du patient.

Période effective du traceur


Elle correspond au temps au bout duquel la moitié de la radioactivité a disparu du corps du patient à qui le traceur a été injecté. Elle comprend deux termes : la période physique, Tp, du radionucléide qui représente la durée au bout de laquelle son activité a décru de façon spontanée dun facteur 2 et la période biologique, Tbiol, du traceur qui est le temps au bout duquel la moitié de la quantité de traceur injectée a été éliminée du corps.

La période effective Teff est égale au produit de ces deux périodes divisées par leur somme :

T eff = T p × T biol T p + T biol


image

La forme de cette équation indique que la période effective est toujours plus proche de la période la plus courte. Plus la période effective est longue, plus la dose efficace délivrée au patient est élevée. La période effective de liode 131 est de 7,6 jours, il est donc totalement éliminé du patient après 2 mois environ.

Pour calculer la dose reçue par un organe et non plus à lensemble de lorganisme, on utilise le temps de résidence qui rend compte de la persistance dun traceur au sein dun organe ou dun tissu.

Quantité de radioactivité injectée


La dose délivrée au patient est linéairement reliée à la quantité de radioactivité injectée. Lactivité injectée conditionne le rapport signal/bruit des images, donc la qualité dimage, pour une durée dacquisition donnée. Un rapport signal/bruit comparable pourra être obtenu en augmentant lactivité injectée ou en augmentant le temps dacquisition des données. Le choix de lactivité injectée dépend donc de la qualité dimage voulue, du temps dacquisition que lon estime compatible avec la réalisation pratique des examens et, évidemment, de lexposition acceptable du patient.

Un autre paramètre de choix de la quantité dactivité injectée est le type dacquisition envisagée. Lorsque lacquisition est divisée en images élémentaires afin de réaliser une étude séquentielle au cours du temps pour représenter de façon dynamique laccumulation et l élimination du radiopharmaceutique, il faudra injecter une plus grande activité. Cest le cas également lorsque lacquisition est faite en projections selon différents angles de vue afin de reconstruire des images tomographiques du volume étudié. Laccroissement de lactivité injectée est imposé par la nécessité de disposer dun rapport signal/bruit suffisant pour ces images élémentaires, le temps dacquisition de chacune delle étant nécessairement bref afin de maintenir lacquisition totale dans un temps compatible avec la pratique clinique, 20 à 40 minutes en pratique.

Estimation de la dose en médecine nucléaire


Il sagit dun processus complexe en raison de lhétérogénéité de la distribution des traceurs employés, de l évolution au cours du temps de cette distribution liée à l élimination et au métabolisme des molécules ainsi quau caractère dynamique des processus radioactifs.

Paramètres biologiques de lincorporation


Il est nécessaire de disposer pour chaque traceur employé de la cartographie type de sa distribution dans lorganisme identifiant les différents organes et tissus où il se concentre. Pour chaque organe, il est nécessaire de disposer de mesures de la concentration radioactive et de son évolution au cours du temps. De même, les voies de métabolisme et d élimination du traceur doivent être connues ainsi que l évolution au cours du temps de la radioactivité du corps entier.

En tenant compte des rayonnements émis par le marqueur radioactif, il est possible de calculer la dose délivrée aux organes concentrant le traceur. Lorsque le radioélément est émetteur bêta, la dose est délivrée in situ dans lorgane cible. À titre dexemple, la dose délivrée à la thyroïde dun adulte après absorption de 37 MBq diode 131 est de 13 Gy environ. Lorsque le radionucléide est émetteur gamma, il est nécessaire de calculer lexposition des autres organes à partir des différents organes ayant accumulé le traceur. Des fantômes anthropomorphes sont utilisés pour calculer les paramètres de cette exposition à distance. Ainsi, à partir de lensemble de ces données, des procédures de calcul permettent de fournir une estimation de la dose aux principaux organes cibles, en mGy/MBq et de la dose efficace au corps entier en mSv/MBq.

Paramètres individuels


La difficulté de ces calculs est accrue par différents paramètres qui influent sur la distribution du traceur au sein de lorganisme.

Âge


Cest un paramètre très important car la part anatomique et fonctionnelle des organes varie au cours de lenfance jusqu à l âge adulte. Il a donc été nécessaire dobtenir des données quantitatives spécifiques de tranches d âge au moyen de fantômes adaptés à ces différents âges. En pratique, lenfance est divisée en 4 classes d âge.

Fonction rénale


Dautres paramètres tiennent à l élimination des traceurs. Ainsi, la dose délivrée par une même activité sera plus importante chez un insuffisant rénal en raison de lallongement de la période biologique et donc effective dun traceur à élimination rénale.

Fixation pathologique


Enfin, il existe des variations de distribution entre les patients pour un même traceur. Si une tumeur accumule un traceur de façon importante, elle devient une source radioactive éventuellement intense pour les organes adjacents. Or il nest pas possible de prévoir lensemble des configurations possibles pour les localisations tumorales et lestimation dosimétrique devient donc particulièrement difficile.

Quoi quil en soit, il existe actuellement des valeurs dosimétriques tabulées, calculées sur la base de tels modèles de distribution et de fantômes. Elles sont proposées pour les principaux organes cibles et pour le corps entier avec des pondérations en fonction de l âge et, le cas échéant, de la fonction rénale. Le document 53 de la CIPR est entièrement consacré à ces données dosimétriques et, plus récemment, le document 80 fournit des valeurs complémentaires. Pour les raisons indiquées ci-dessus, ces documents ne peuvent tenir compte de laccumulation tumorale éventuelle des traceurs et lestimation accessible est nécessairement approximative pour un patient donné.

Comment réduire la dose en médecine nucléaire ?


Justification


Comme pour toutes les applications dimagerie médicale, le premier paramètre de réduction de la dose est la justification de linvestigation projetée. Son principe en est la discussion de lindication entre le médecin référent et le spécialiste de médecine nucléaire dont le rôle est également de connaître les autres techniques dimagerie afin dorienter un patient vers une autre technique nutilisant pas les RI si elle est defficacité égale ou supérieure.

Par ailleurs, le développement actuel de limagerie métabolique, très sensible au contexte de réalisation de lexamen, notamment du fait des traitements mis en œuvre, impose un contrôle strict des paramètres susceptibles daltérer la qualité des informations produites et de déterminer le temps optimal de réalisation de lexploration en sachant différer celle-ci, si nécessaire.

Optimisation


Nous avons vu que les principaux facteurs de lexposition sont la quantité de traceur radioactif injecté et la nature des rayonnements émis.

Activité injectée


Elle dépend du rapport signal/bruit nécessaire. Laugmentation de lactivité injectée accroît ce rapport. Cependant, il existe une limite technique à lactivité utilisable. Cest la saturation du détecteur. À ce seuil de saturation, toute augmentation supplémentaire dactivité représente une exposition inutile du patient puisque le détecteur ne peut enregistrer plus d événements par unité de temps. Toutefois, les évolutions techniques actuelles des gamma-caméras et plus encore des TEP ont repoussé ces limites et la responsabilité de lutilisateur est accrue en matière de choix dactivité à injecter. Le rôle de la personne spécialisée en radiophysique médicale est renforcé pour la détermination de lactivité et du rapport signal sur bruit optimaux pour une application donnée. Par contre, malgré lamélioration de la sensibilité de détection des appareils et lallongement du temps dacquisition, une réduction excessive de lactivité injectée conduira nécessairement à une dégradation de la statistique de comptage et donc de la qualité des images ainsi que de leur validité diagnostique.

Temps de comptage


La limitation de dose, pour un rapport signal/bruit donné, peut être obtenue par laugmentation du temps de recueil des données. Linconvénient est le risque de mouvements du patient au cours dune acquisition très longue. Ces mouvements aboutissent à une dégradation de la qualité des images.

Paramètres individuels


Lactivité injectée doit également être fixée en fonction de paramètres tenant au patient lui-même et il est indispensable de disposer dabaques dactivités tenant compte du poids, de l âge et, en fonction du métabolisme du traceur, de données physiologiques comme la fonction rénale par exemple.

Type de rayonnements émis


Cest un paramètre fondamental de loptimisation des explorations scintigraphiques. Le choix judicieux du radionucléide peut conduire à une réduction importante de lexposition. Un exemple est fourni par le remplacement, en diagnostic, de liode 131 par liode 123 tant pour les explorations thyroïdiennes que pour le marquage de la meta-iodobenzylguanidine MIBG, (utilisée comme traceur des phéochromocytomes ou des tumeurs carcinoïdes), ou de ligands de la neurotransmission. Liode 123 est un émetteur gamma pratiquement pur de moyenne énergie (170 keV) et de courte période physique (13 heures) alors que liode 131 est émetteur gamma à haute énergie (360 keV) et bêta (600 keV d énergie maximale), avec une période relativement longue (8 jours). En moyenne, liode 131 engendre une exposition 10 fois supérieure à celle due à liode 123. De plus, lefficacité de détection des gamma-caméras est bien meilleure pour les rayonnements de basse énergie de liode 123 que pour ceux de liode 131, autre facteur daccroissement du rapport signal/bruit lorsque lisotope 123 est utilisé.

Choix de lisotope


On peut également substituer à un traceur spécifique un traceur de comportement physiologique différent mais apportant des informations diagnostiques comparables avec des performances équivalentes. Le premier exemple est lutilisation de traceurs marqués au technétium 99m pour limagerie de la perfusion myocardique et le diagnostic de la maladie coronaire en remplacement du thallium 201. Ce dernier est un analogue du potassium et il est distribué dans les mêmes secteurs biologiques que cet élément, alors que les substances technétiées ont une affinité pour les enzymes mitochondriales de la respiration cellulaire. Au plan dosimétrique, le thallium est très pénalisant, du fait dune émission électromagnétique à faible énergie (80 keV) fortement atténuée par les tissus et dune période physique de 3 jours. Au contraire, le technétium est un émetteur gamma pur de 140 keV avec une période courte de 6 heures qui permet lobtention dimages de qualité supérieure tout en générant une exposition inférieure malgré une activité injectée supérieure à celle du thallium.

Le dernier exemple est celui, historique, de la scintigraphie au gallium 67 utilisée pour la mise en évidence de masses résiduelles de lymphomes. Émetteur de plusieurs rayonnements gamma de moyenne et haute énergie, de longue période physique et biologique, cet élément était responsable dune des plus fortes expositions en médecine nucléaire. De plus, lactivité utilisable étant nécessairement limitée, la qualité des images était fréquemment médiocre. Malgré un métabolisme différent, le flurodéoxyglucose (FDG) utilisé en tomographie par émission de positons procure une efficacité diagnostique supérieure et une qualité dimage incomparable pour une exposition quatre fois moindre en raison de la très courte période physique et biologique du fluor 18, pourtant émetteur de rayonnements gamma à haute énergie après lannihilation des positons.

Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Apr 26, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on Expositions aux radionucléides : médecine nucléaire, accidents et attentats

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access