Effets pathologiques des rayonnements ionisants : effets déterministes
Mécanismes
Effets précoces
Effets tardifs
Caractéristiques
Délai d’apparition
Seuil
Influence du débit de dose et du fractionnement
Gravité
Exposition globale
Effets sur l’hématopoï èse
Lymphocytes
Granulocytes
Plaquettes
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Effets pathologiques des rayonnements ionisants : effets déterministes
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Les effets déterministes sont ainsi nommés parce que leur survenue est inéluctable, quand la dose reçue est supérieure à un seuil.
Les effets déterministes précoces sont la conséquence directe de la mort cellulaire. Le délai et le seuil d’apparition de ces effets dépendent de la dose et de la différenciation des tissus. La plupart des tissus de l’organisme se renouvellent constamment. La naissance, la différenciation et la mort des cellules d’un tissu réalisent un équilibre dynamique assurant la trophicité et la pérennité de ce tissu. Seule une fraction de ces cellules, les cellules souches, assure le renouvellement de l’ensemble. Leur activité mitotique intense les rend très vulnérables aux rayonnements ionisants. En revanche, les cellules fonctionnelles, différenciées, ne se divisent plus et sont donc peu vulnérables. En contrepartie leur durée de vie est limitée. En cas d’irradiation aiguë, le délai d’apparition des lésions après une irradiation est donc déterminé, pour un effet donné, par la durée de vie des cellules différenciées de l’organe considéré (fig. 6-1 ). Seuls certains tissus ne répondent pas à ce mécanisme, ce sont les tissus dont les cellules fonctionnelles, différenciées et à longue durée de vie, sont capables de se multiplier pour combler un déficit. C’est le cas en particulier du foie dont on connaît les capacités de régénération.
Après une irradiation, la restauration tissulaire peut être complète, mais aux dépens des capacités de renouvellement à long terme du tissu concerné. De même, en irradiation chronique, la diminution du nombre des cellules souches peut ne pas avoir d’effet apparent tant que le nombre de cellules différenciées reste suffisant pour assurer la fonction du tissu. Ce tissu est néanmoins fragilisé et ne pourra réagir devant une agression, même minime. Il sera en outre plus rapidement altéré au cours du processus normal de vieillissement. Un autre déterminant, commun à tous les tissus, est l’altération de la vascularisation. Les vaisseaux des tissus irradiés présentent des lésions de vascularite, avec prolifération endothéliale irrégulière et perte des fibres musculaires, remplacées par des fibres de collagène. Le calibre et l’ élasticité des vaisseaux diminuent et des télangiectasies apparaissent. L’atteinte intrinsèque du tissu et les altérations vasculaires se conjuguent donc pour diminuer la trophicité du tissu ou de l’organe. C’est le cas par exemple de la radiodermite chronique, où la peau, amincie et fragile, présentant des télangiectasies et une raréfaction capillaire, est plus vulnérable et cicatrise mal et lentement.
Les effets déterministes précoces apparaissent peu après l’irradiation. Le temps écoulé correspond à la durée de vie des cellules différenciées du tissu, continuant à assurer la fonction. Ce n’est que lorsque ces cellules disparaissent et ne sont pas remplacées, faute de cellules souches en nombre suffisant, que les effets se manifestent. Certaines cellules souches, partiellement atteintes, peuvent se diviser quelques fois après l’irradiation. C’est la mort différée, qui retarde également le délai d’apparition des signes cliniques. L’intervalle libre entre l’irradiation et l’apparition des effets cliniques dépend donc de la durée de vie des cellules différenciées, sensiblement constante pour un tissu donné, mais également de la proportion de cellules souches partiellement atteintes, qui dépend de la dose. Ceci explique que l’intervalle libre diminue quand la dose augmente.
La désorganisation de la fonction d’un tissu n’apparaît que lorsqu’il a perdu une proportion importante de ses cellules. Les effets déterministes n’apparaissent qu’au-dessus de la dose qui détruit cette proportion de cellules. C’est la dose-seuil. En dessous de ce seuil, aucun effet n’apparaîtra, en revanche, au-dessus du seuil, l’effet est obligatoire. Il faut noter que ce seuil est variable selon les tissus, et, pour un même tissu, selon les individus. Certaines affections héréditaires, dont on sait qu’elles atteignent les mécanismes de réparation de l’ADN, augmentent considérablement la radiosensibilité individuelle aux effets des rayonnements ionisants, non seulement pour les effets stochastiques (cancérogenèse) mais aussi pour les effets déterministes. Ces affections sont le syndrome de Li-Fraumeni, l’anémie de Fanconi, l’ataxie-télangiectasie ou le xeroderma pigmentosum. Outre ce cadre pathologique étroit avec phénotypes particuliers, il existe des individus apparemment normaux ayant une plus grande radiosensibilité, qui se démasque notamment par des réactions disproportionnées lors de la mise en route de traitements par radiothérapie. Cette radiosensibilité individuelle doit alors être prise en compte et elle peut limiter les possibilités de traitement.
Un effet déterministe précoce n’apparaîtra, pour la dose-seuil, que si cette dose est administrée en une fois et dans un temps bref. Si la dose est fractionnée ou délivrée dans un temps très long, la dose totale nécessaire à l’obtention de l’effet sera supérieure à la dose-seuil. Si l’on considère la dose cumulée, le seuil d’apparition des lésions augmente donc avec le fractionnement ou l’ étalement de la dose dans le temps, parce que la réparation et la reconstitution partielle du capital de cellules-souches pendant l’irradiation limitent la perte cellulaire. En revanche, pour chaque exposition à dose suffisante pour tuer des cellules-souches, le seuil diminue, car le capital de cellules-souches ne se reconstitue pas intégralement après chaque exposition. Deux expositions successives à dose légèrement inférieure au seuil pourront donc faire apparaître un effet précoce lors de la seconde exposition. Le seuil théorique de survenue d’un effet déterministe diminue donc avec le nombre d’expositions, ce qui explique la survenue possible d’effets tardifs, pour des doses nettement inférieures à la dose-seuil, administrées de façon itérative. Il faut tenir compte de cette diminution de tolérance lors de procédures thérapeutiques, en radiothérapie ou en radiologie interventionnelle.
La gravité d’un effet déterministe est proportionnelle à la dose délivrée au tissu puisque le pourcentage de cellules tuées augmente. En cas d’irradiation globale, les effets apparaissent d’abord pour les tissus les plus radiosensibles (tissus hématopoï étiques et cellules intestinales) puis pour des tissus moins sensibles mais pour des doses qui mettent toujours en jeu le pronostic vital. En cas d’irradiation partielle, le pronostic est fonctionnel, dépendant de la région irradiée, avec, le plus souvent, lésions cutanées associées. Un cas particulier est représenté par les lésions neurologiques observées après exposition fœtale à dose moyenne et forte.
Après une exposition globale aiguë, les tableaux cliniques sont fonction de la dose. Jusqu’ à 6 Gy, les symptômes dus à la déplétion hématopoï étique sont pratiquement seuls en jeu. À partir de 6 Gy, les symptômes dus à la destruction des épithéliums intestinaux viennent au premier plan. Au-delà de 8 Gy, apparaissent en sus les signes pulmonaires. Enfin, ce n’est qu’au-delà de 20 Gy que les désordres neurologiques entraînent un décès précoce, avant l’apparition de tout autre signe.
Ils ne seront observés qu’après une exposition globale, en raison de la répartition multifocale de la moelle osseuse. Ils peuvent être au premier plan, par syndromes infectieux (leucopénie) et hémorragiques (thrombopénie), ou aggraver des manifestations digestives ou des brûlures cutanées éventuellement associées. La modification de la formule sanguine après une exposition est stéréotypée et reflète la différence de sensibilité des éléments figurés (fig. 6-2 ). L’ordre d’apparition de ces modifications est indépendant de la dose reçue, mais la gravité (intensité de la déplétion) et la durée de reconstitution sont proportionnelles à la dose reçue.
Ce sont les éléments les plus radiosensibles. La lymphopénie apparaît dès les premières heures après l’exposition. Elle est observable, en exposition globale, à partir d’une dose de 0,3 Gy, alors que les autres lignées ne montrent de diminution significative que pour des expositions globales à dose supérieure à 2 Gy. La disparition rapide des lymphocytes après exposition à forte dose rend impossible le typage lymphocytaire indispensable avant toute greffe de moelle et peut empêcher le recours à cette thérapeutique. La pente de décroissance des lymphocytes après une exposition aiguë globale permet d’estimer la dose reçue.
Après une augmentation paradoxale brève (due à la mobilisation des réserves de polynucléaires réactionnelles à toute agression), ils diminuent progressivement pendant la première semaine, puis une deuxième chute plus rapide aboutit à la granulopénie maximale, qui dure pendant toute la troisième semaine. Enfin, intervient une phase de régénération rapide, avec restauration, plus ou moins complète selon la dose, en moins d’une semaine. Le risque infectieux est donc maximal à partir de la troisième semaine.
Leur évolution est parallèle à celle des granulocytes. Le risque infectieux se double donc d’un risque hémorragique dû à la thrombocytopénie.