24. Échocardiographie cardiaque en réanimation pédiatrique
P. Brosset and S. Ketterer
La pratique de l’échocardiographie Doppler est de plus en plus répandue dans les unités de réanimation néonatale et pédiatrique, la présence in situ d’un appareil d’échocardiographie faisant partie des obligations « légales » d’une unité de réanimation néonatale. L’examen est effectué par un cardiologue pédiatre mais aussi souvent par un réanimateur non cardiologue entraîné à cette technique [1]. L’échocardiographie permet une étude morphologique et fonctionnelle du cœur, évalue les débits sanguins et donne une estimation des pressions, en particulier pulmonaire et ventriculaire droite.
Nous envisagerons successivement les données cliniques et celles fournies par l’échographie ainsi que les différentes situations conduisant à la réalisation d’une échocardiographie : les hypoxémies sévères du nouveau-né ; la persis tance du CA ; les états de choc puis, plus brièvement, la surveillance d’un cathéter veineux central et l’étude du retentissement hémodynamique de la ventilation assistée.
Données cliniques
Elles donnent une bonne idée de l’état hémodynamique de l’enfant : l’exploration de la perfusion artérielle repose sur la mesure automatisée non invasive de la pression artérielle par oscillométrie (Dynamap) et sur l’analyse de la perfusion cutanée (temps de recoloration, oxymétrie) et rénale (diurèse). Ces données ne doivent pas être en contradiction avec les données échographiques.
Échocardiographie Doppler
L’examen échocardiographique en réanimation pédiatrique comprend l’étude morphologique, l’étude des vélocités et l’évaluation des débits, l’évaluation des pressions, l’étude des fonctions ventriculaires systolique et diastolique [2], [3] and [4]. Les valeurs normales sont résumées dans le tableau 24.1.
Pression artérielle pulmonaire – systolique – diastolique | 15 à 25mm de Hg 8 à 15mm de Hg |
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FR (fraction de raccourcissement) | 28 à 42 % |
Diamètre du VG télédiastolique (en mm) | 12-16 (14) < 32 SA 13–19 (16) < 32–37 SA 14–23 (18) < 37–42 SA |
Vitesse aortique – Pic – Moyenne | 0,89 ± 0,13m/s 0,80 ± 0,12m/s |
Vitesse pulmonaire – Pic – Moyenne | 0,68 ± 0,09m/s 0,60 ± 0,11m/s |
Débit cardiaque | 200 à 300ml/kg/min |
Étude morphologique des cavités cardiaques et des gros vaisseaux
Elle est le premier temps indispensable de l’examen en particulier lors du premier examen d’un nouveau-né car il permet d’éliminer une pathologie malformative. Cette étude morphologique permet également d’évaluer indirectement l’hémodynamique. Une dilatation de l’OG peut traduire une augmentation de pression auriculaire gauche par augmentation du retour veineux du fait d’un shunt gauche-droite ou par IM.
Évaluation des débits par Doppler pulsé
Le débit cardiaque est le produit du VES (volume d’éjection systolique) et de la fréquence cardiaque. Le VES est le produit de la surface (S) de section de la structure étudiée par l’ITV (intégrale de la vélocité du flux mesuré au Doppler pulsé) :
DC = VTI × S × FC.
S est calculé à partir du diamètre sous-aortique mesuré en coupe 2D paraster nale grand axe pour le débit aortique ou le diamètre de l’anneau pulmonaire mesuré en parasternal court axe pour le débit pulmonaire. Le risque d’erreur tient à la mesure du diamètre de l’anneau qui, portée au carré, rend la mesure des débits aléatoire.
Évaluation des pressions
Elle repose sur l’équation simplifiée de Bernouilli (Pa – Pb = 4V2) où Pa – Pb est la différence de pression de part et d’autre d’un vaisseau ou d’un orifice et V la vitesse maximale à ce niveau. Une IT permet ainsi d’évaluer les pressions systoliques du VD en mesurant la vitesse maximale de la fuite = 4V2 + 5 à 10mmHg (pression estimée dans l’OD). La pression VD est le reflet de la pression AP en systole en dehors d’un obstacle à la sortie du VD (sténose pulmonaire, etc.). On peut estimer la pression AP diastolique en présence d’une IP = 4V2 (vitesse télédiastolique) + 10mmHg. Un CA permet aussi d’étudier les pressions AP systolique ou diastolique (= pression aortique – gradient CA). Ces méthodes ont tendance à sous-estimer le gradient de pres sion dès que l’on n’est pas parallèle au flux à mesurer et il faut insister sur l’importance d’avoir un enregistrement de bonne qualité pour bien mesurer la vélocité maximale. En l’absence d’IT, d’IP ou de CA, on peut évaluer les pres sions pulmonaires par l’étude du pic de vélocité pulmonaire qui sera d’autant plus précoce que les résistances vasculaires seront élevées. Enfin, la courbure septale est le reflet du rapport de pressions entre le VD et le VG. Normalement convexe de gauche à droite, le septum interventriculaire devient rectiligne ou même bombant à gauche en cas d’augmentation des pressions droites par hypertension artérielle pulmonaire.
Étude de la fonction cardiaque
– La fonction VG systolique est étudiée de façon simple, en analysant la contraction par la mesure des diamètres télédiastoliques (DTD) et télésystoli ques (DTS) (en se plaçant perpendiculairement au septum interventriculaire en TM) : la fraction de raccourcissement (FR) du VG = DTD – DTS/DTD. Cette FR est dépendante des conditions de pré- ou post-charges. La fonction systolique du VG peut être également appréciée en mesurant le pic de vélocité du flux dans l’AO ascendante.
– La fonction ventriculaire gauche diastolique est étudiée sur le flux transmitral qui présente deux pics successifs de vélocité : le premier pic (pic E) correspond au remplissage rapide passif du ventricule, le deuxième pic (pic A) correspond à la contraction auriculaire. Chez l’adulte, le pic E est supérieur au pic A et, en cas de trouble de la compliance, le rapport est inversé. Chez le nouveau-né, le rapport pic E/pic A est inférieur à 1 témoignant d’une compliance ventriculaire physiologiquement diminuée.