6 Cone beam et orthopédie dentofaciale
L’orthopédie dentofaciale (ODF) et l’imagerie résultent toutes deux du progrès décisif des sciences fondamentales, anatomie et physique, aux xvme et xixe siècles. Dans son Histoire de l’orthodontie, Julien Philippe nous rappelle qu’il a fallu attendre l’ouvrage de Fauchard Le Chirurgien-dentiste ou traité des dents (1728) pour qu’en quelques pages soient établies les bases de l’orthodontie.
Ce sont des praticiens français qui ont créé l’orthodontie. Leur suprématie s’exerce pendant tout le xviiie et la première moitié du xixe siècle. En Grande-Bretagne émerge le nom de John Hunter, grand anatomiste et physiologiste.
Pendant la seconde moitié du xixe siècle, l’orthodontie se développe grâce aux Anglo-Saxons. « Au contact du xixe et du xxe siècle apparaît la stature écrasante d’Edward Angle qui va faire faire un bond en avant à l’orthodontie américaine. La balance est déjà assez penchée en faveur des États-Unis. »
ÉVALUATION RADIOCLINIQUE
La conduite du traitement ODF nécessite, en complément de l’examen clinique, une évaluation anatomique descriptive et biomensurative que l’imagerie réalise aux différents temps de la planification et du traitement.
À l’obligation de radioprotection des patients, et en particulier des enfants, répondent le développement et la diffusion de la tomographie volumique numérisée à faisceau conique (TVNFC) ou cone beam qui conduit à une actualisation des protocoles d’examens d’imagerie.
En préalable à l’établissement du traitement, l’orthodontiste s’assure par l’interrogatoire et l’examen physique de l’absence d’une éventuelle pathologie générale.
Il cherchera par les moyens d’imagerie à déterminer :
Le cone beam, avec une exposition très raisonnable aux rayons X, apporte des éléments fiables d’appréciation à cette demande. Il pourra aussi fournir des informations complémentaires, selon les cas, sur :
Il pourra également permettre de :
Moyens d’imagerie
Jusqu’à présent, en complément du bilan d’imagerie dentaire initial par orthopantomogramme (OPT) [cliché panoramique dentaire], les téléradiographies permettent une évaluation anatomique globale de la tête pour une détermination du type morphologique et de la classe d’occlusion, indispensable au plan de traitement et à son suivi évolutif sur des tracés effectués à partir de points anatomiques remarquables reconnus sur les clichés.
L’arrivée du cone beam devrait modifier le protocole établi d’imagerie en ODF.
Protocole classique d’imagerie en ODF
Il fait appel à des techniques éprouvées et pour certaines dépassées par les nouvelles possibilités d’imagerie cone beam (acquisition volumique, résolution de l’image mais aussi conformité à l’obligation légale de réduction des doses de rayons X délivrées).
Examen panoramique dentaire ou orthopantomogramme
Examen de première intention, l’OPT permet une évaluation rapide et peu irradiante de l’ensemble des arcades dentaires avant traitement (agénésies ou dents surnuméraires, retard ou inclusion dentaire, dysmorphies, dystopies, état des dents de sagesse…). Le cliché panoramique dentaire intervient ensuite à différentes étapes du traitement.
Techniques endo-orales
En complément de l’OPT, elles peuvent préciser un aspect particulier (utilisation du film dentaire ou capteur numérique). Elles se limitent aujourd’hui aux seules incidences rétroalvéolaires (RA), au mieux en technique long cone.
Téléradiographie
Il n’est pas possible de considérer le système dentaire indépendamment des bases osseuses. La téléradiographie a pour but l’analyse céphalométrique avant, pendant et après le traitement ODF, voire en prévision d’une intervention chirurgicale complémentaire (traitement combiné orthochirurgical).
L’étude céphalométrique, étudiant un volume, devrait être tridimensionnelle en prenant en compte les trois composantes de l’espace. Le plus souvent, seule la projection latérale ou « norma lateralis » est réalisée, sauf en cas d’asymétrie notable où interviennent les clichés en « norma frontalis » et « norma axialis » (incidences de Berger et/ou Bouvet).
Vers un nouveau protocole d’évaluation par limage en ODF
Si le développement du cone beam en odontologie en général et en ODF en particulier nous conduit vers un nouveau protocole prévisible d’imagerie, le premier temps de l’examen est, en toute circonstance, l’évaluation clinique.
La réalisation de l’examen contributif d’imagerie s’appuie sur les constations cliniques. L’évaluation doit se conformer aux obligations légales de justification et d’optimisation des examens utilisant les radiations ionisantes.
On peut espérer qu’au protocole classique se substituera un nouveau protocole d’imagerie fondé sur l’acquisition volumique numérique de la région maxillo-dento-faciale par cone beam. Cette attitude est conforme au principe d’optimisation d’une part et aux possibilités techniques en constants progrès des appareils (résolution de l’image, baisse de l’irradiation) d’autre part.
À l’intérieur du volume numérique acquis et avec une faible exposition, il devient possible de reconstruire :
ANOMALIES DENTAIRES
D’expressions diverses, isolées, associées ou encore intégrées à des syndromes complexes, les anomalies morphologiques dentaires résultent très souvent de désordres congénitaux dont l’explication est à l’évidence embryopathique, soit génétique, soit acquise par l’action d’un facteur exogène, souvent traumatique (figures 6.1 à 6.7).

Figure 6.7 Garçon de 10 ans, à l’âge de 18 mois morsure de chien, désordre dentaire : absence de 21, inclusion horizontale de 22 et 23 tractées.
CB : reconstructions panoramique volumique, axiale et 3D de surface.
Nous nous attacherons aux anomalies principales pour lesquelles l’évaluation tridimensionnelle « cone beam » trouve un intérêt diagnostique et topographique majeur sur lesquels il va falloir intervenir chirurgicalement.
Éléments dentaires surnuméraires
C’est une circonstance relativement fréquente, siégeant volontiers au maxillaire supérieur.
La plupart des auteurs distinguent :

Figure 6.3 Ergot cingulaire (« talon cusp ») de 21.
1 : Clichés RA ; 2 : CB reconstruction verticale ; 3 : axiale ; 4: 3D de surface.

Figure 6.5 Bifi dité apicale de 11.
1 : CB reconstruction axiale ; 2 : verticale ; 3 : coronale ; 4: 3D en rendu de volume.
L’élément surnuméraire pourra être évolué ou inclus, réalisant souvent un obstacle mécanique à la progression des dents voisines. L’évaluation cone beam précise sa forme, son orientation, sa situation par rapport aux structures anatomiques et dentaires de voisinage ainsi que l’état de ces mêmes structures à son contact.
Odontoïde mésiodens
Improprement mais communément appelé « odontome » mésiodens, unique ou double, caniniforme et de petite taille, il doit son nom à sa situation paramédiane maxillaire. Souvent unique, il est volontiers inclus la couronne dirigée vers le haut (figure 6.8).

Figure 6.8 Mésiodens unique, la couronne dirigée vers le haut.
CB : reconstructions panoramique volumique, coronale, verticales et 3D en rendu de volume.
On rencontre quelquefois des mésiodens doubles (figure 6.9), éventuellement « tête-bêche ». Il peut aussi être visible en bouche entre les incisives centrales ou en situation palatinée, la couronne alors orientée vers le bas.

Figure 6.9 Mésiodens double en arrière de 11 et 21, la couronne dirigée vers le bas.
1 : OPT; 2 : CB reconstruction axiale ; 3 : verticale droite et gauche ; 4 : 3D de surface avec seuillage partiel.
Le mésiodens peut faire obstacle à l’évolution ou à la disposition harmonieuse des incisives sur l’arcade. L’imagerie permet de le reconnaître par l’OPT, de l’évaluer et le localiser par la technique cone beam avant intervention, si nécessaire.
Odontomes
Ce sont des formations malformatives classées dans les tumeurs odontogéniques à caractère bénin. Les odontomes forment des masses souvent volumineuses incluses dans un maxillaire. Ils seront reconnus chez l’enfant par l’examen d’imagerie motivé par un désordre clinique dentaire à type de rétention ou de déplacement (figure 6.10).

Figure 6.10 Odontome simple (←) : obstacle mécanique à l’évolution de 23.
1 : CB reconstruction panoramique ; 2 : verticale ; 3 : 3D en rendu de volume.
Si leur volume est modeste, ils pourront passer inaperçus et n’être découverts qu’à l’occasion d’un cliché fait pour une toute autre raison, comme à l’occasion d’une première consultation préorthodontique.
On distingue parmi les odontomes deux catégories particulières.
Odontomes composés
De loin les plus nombreux, ils sont constitués de nombreuses dents rudimentaires, de très petite taille, groupées dans un sac unique. Ces éléments sont organisés comme de « vraies dents » comportant émail, dentine, pulpe, cément (figure 6.11). Le volume de l’odontome composé est très variable. Il fait souvent obstacle à la migration des germes normaux et déplace les dents évoluées s’il est de taille suffisante.
Odontomes complexes
Les tissus dentaires constituent une masse dense hétérogène sans laquelle il est impossible de reconnaître l’image d’une dent, ce qui les différencie des odontomes composés (figure 6.12). Il est souvent difficile radiologiquement, quelle que soit la technique, de le distinguer de l’odontome améloblastique ou du fibrome cémentifiant. L’histologie en fait le diagnostic.
ANOMALIES DE SITUATION
Elles sont largement dominées par les inclusions dentaires et plus particulièrement par celles des canines maxillaires et des troisièmes molaires mandibulaires.
Inclusions dentaires
On désigne sous le terme de « dent incluse » une dent qui n’a pas fait son évolution normale et qui reste en totalité ou en partie dans le tissu osseux longtemps après la date habituelle d’éruption. La dent incluse se différencie de la dent ectopique, relativement rare ou volontiers méconnue, par sa proximité de l’arcade dentaire.
La constatation d’une inclusion dentaire est une circonstance relativement fréquente. La nécessité d’intervenir surles dents incluses résulte de la nature et des conséquences potentielles de l’inclusion.
Il revient à l’imagerie sectionnelle cone beam :
Inclusion des canines maxillaires
Les canines font leur irruption entre 9 et 12 ans, la maturation se termine entre 12 et 15 ans. L’inclusion des canines maxillaires est un motif fréquent de consultation en ODF.
Les germes des canines maxillaires sont haut situés. Ce sont les dents les plus éloignées de l’arcade.
Leur rétention peut être liée à :

Figure 6.13 Horizontalisation de 23 dont la couronne vestibulée s’appuie sur la racine palatine (rp) de 24 en partie résorbée (←).
OPT, CB : reconstructions verticales, axiale et 3D de surface.

Figure 6.14 Volumineuse lésion « kystique » extradentaire horizontalisant 11, distalisant 13 en vestibuloversion coronaire, déplaçant 12 en distoet palatinoversion apicale.
CB : 1 : reconstruction panoramique ; 2 : axiale ; 3 : verticale ; 4 : 3D avec rendu de volume.

Figure 6.15 Inclusion de 13 en situation haute et mésioversion coronaire, obstacle mécanique de 14 en mésioversion apicale et disto-vestibulo-version coronaire.
OPT, CB : reconstructions coronale, sagittales et 3D de surface.
L’édification de la dent pouvant se faire en inclusion et conduire à l’ankylose (figure 6.16) avec destruction du desmodonte, résorption cémentaire et remplacement par du tissu osseux, il convient d’agir avant le stade de maturation.

Figure 6.16 Rétention de 11 : ankylose (←) [colonisation partielle de la région cervicoradiculaire par l’os alvéolaire].

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