91: Drépanocytose

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Drépanocytose




Définition


La drépanocytose est une hémoglobinopathie, autosomique récessive, fréquente (1/700 enfants nés vivants en région parisienne soit 250 à 270 nouveau-nés drépanocytaires/an en Ile-de-France) et grave due à une mutation unique du gène β globine au niveau du codon 6 (transversion A→T). C’est une maladie hématologique et rhéologique.


En effet l’hémoglobine S anormale produite, exclusivement (homozygotie SS ou hétérozygotie composite Sβo), très majoritairement (hétérozygotie composite Sβ + ), ou en association avec d’autres hémoglobines anormales (hétérozygotie composite SC ou SOArab ou SDPundjab), polymérise en situation désoxygénée. Les polymères d’HbS vont rigidifier, déformer et fragiliser les hématies. Cette propriété est responsable des trois manifestations cliniques de la maladie : l’anémie hémolytique chronique, les complications vaso-occlusives de la microcirculation et des gros troncs artériels cérébraux, ainsi que de l’asplénie fonctionnelle. L’ensemble de ces anomalies biologiques avec leurs conséquences cliniques constitue les syndromes drépanocytaires majeurs. Les génotypes les plus graves sont l’homozygotie SS, l’hétérozygotie composite Sβo, SOArab ou SDPundjab. Les épisodes d’aggravation aiguë de l’anémie, de crises douloureuses multiviscérales, d’accidents vasculaires cérébraux et de sepsis graves à germes encapsulés guettent le patient drépanocytaire tout au long de son existence. La répétition des accidents vaso-occlusifs est responsable à long terme des lésions dégénératives d’organes. Avant 3 ans, l’infection et l’anémie aiguë par séquestration splénique peuvent engager rapidement le pronostic vital, avec un pic de mortalité entre les âges de 6 mois et 3 ans. Après 3 ans, la principale cause de mortalité est représentée par les syndromes thoraciques aigus suivis par les AVC.


On distingue quatre grands types de complications : les accidents vaso-occlusifs graves (accident vasculaire cérébral, syndrome thoracique aigu, priapisme, l’ischémie rétinienne ou rénale), l’aggravation de l’anémie (séquestration splénique aiguë, érythroblastopénie, majoration de l’hémolyse dont le syndrome d’hémolyse post-transfusionnelle), les infections favorisées par l’asplénie fonctionnelle secondaire aux accidents vasculaires intraspléniques, et les crises douloureuses osseuses et abdominales. Les urgences vitales sont les syndromes thoraciques aigus, les accidents vasculaires cérébraux, l’anémie aiguë, le sepsis grave ainsi que le syndrome d’hémolyse post-transfusionnelle. Elles imposent une prise en charge concertée avec le réanimateur. Le priapisme, l’ischémie rétinienne ou rénale, les crises douloureuses et les états fébriles sont des urgences prioritaires.



Accidents vaso-occlusifs graves


Ils sont de quatre types : le syndrome thoracique aigu, l’accident vasculaire cérébral, le priapisme et la séquestration splénique.



Syndrome thoracique aigu (acute chest syndrome)


C’est une pneumopathie hypoxémiante (saturation sous air inférieure à 95 %) rapidement évolutive. C’est par ordre de fréquence, après les crises douloureuses, la seconde complication de la drépanocytose mais c’est surtout la première cause de mortalité après 3 ans. Il comporte quatre symptômes associés de manière variable : une nouvelle condensation pulmonaire clinique et radiologique, une douleur thoracique parfois fébrile, une hypoxie et une dyspnée. Les étiologies sont diverses et peuvent s’intriquer aboutissant à la vaso-occlusion pulmonaire (infection virale ou bactérienne, micro-emboles graisseux provenant d’infarctus médullaires osseux, hypoventilation alvéolaire locale lors de douleurs abdominales ou thoraciques). Le pronostic et le traitement nécessitent une surveillance systématique de la saturation par oxymètre de pouls de tous les enfants drépanocytaires en particulier lors des infections respiratoires ou des crises douloureuses hyperalgiques.


Le syndrome thoracique sévère est défini par l’existence d’une détresse respiratoire et/ou d’une hypoxémie avec saturation en air ambiant inférieure ou égale à 92 %.


Sa prise en charge repose sur la transfusion lente (débit horaire ne dépassant pas 62,5 mL/m2 dès que l’on dépasse l’hémoglobine de base) et précoce (ou sur l’échange transfusionnel si le taux d’hémoglobine est supérieure à 9 g/dL ou s’il existe une insuffisance d’organe grave associée), l’oxygénothérapie, l’hydratation globale à 2 L/m2/j, les antalgiques avec évaluation minutieuse de leur efficacité et de leur absence de toxicité. La ventilation non invasive doit être proposée précocement avant épuisement de l’enfant. L’amélioration clinique survient généralement dans les 24 heures qui suivent le traitement transfusionnel visant à diluer les hématies drépanocytaires et à corriger l’anémie sans dépasser un hématocrite final de 30 %. Une antibiothérapie dirigée contre Haemophilus, le pneumocoque et le mycoplasme est toujours associée (céphalosporine de troisième génération et macrolide).



Accidents vasculaires cérébraux


Ils sont la seconde cause de décès des drépanocytaires de plus de 3 ans. Ils touchent l’enfant de 2 à 19 ans, le pic de fréquence se situant entre 2 et 5 ans. Leur fréquence est en diminution depuis la mise en place de l’écho-doppler transcrânien systématique annuel à partir de 12 mois. Il permet le dépistage précoce des accélérations au niveau des artères cérébrales du polygone de Willis avant la survenue de l’accident vasculaire cérébral. Leur expression clinique est variable : impotence fonctionnelle indolore (monoparésie ou monoplégie, c’est l’examen neurologique soigneux qui permet parfois de redresser un diagnostic initial erroné de crise douloureuse d’un membre), hémiparésie ou hémiplégie, amaurose, aphasie, atteinte des nerfs crâniens, convulsions voire coma. Le scanner cérébral ne s’impose en urgence que si la clinique amène à discuter un hématome, un abcès intracrânien ou une hémorragie cérébrale ou méningée.


Le traitement associe : la thérapeutique transfusionnelle non toxique (échange transfusionnel partiel isovolémique strict avec hématocrite final ≤ 30 %) pour amener le taux d’hémoglobine S au-dessous de 30 % dans les heures suivant le diagnostic. On se limite à une transfusion lente en urgence si le taux d’hémoglobine est inférieur à 6 g/dL. L’hydratation est mesurée à 2 L/m2/j. Les anticoagulants et les vasodilatateurs sont inutiles et dangereux.


Dans les jours qui suivent, le diagnostic est précisé par les données du scanner cérébral ou de l’angio-IRM plus sensible. Le doppler transcrânien recherche des anomalies des vaisseaux cérébraux. En attendant un possible traitement curatif par greffe de moelle osseuse géno-identique, un traitement transfusionnel au long cours est mis en place visant à prévenir les récidives.



Priapisme


C’est une urgence fonctionnelle, le risque résidant dans la nécrose des corps caverneux. L’étilnéphrine (Effortil®) serait plus efficace chez l’enfant que chez l’adulte. Si le priapisme dure depuis moins d’une heure, elle sera débutée per os. S’il dure depuis plus de 3 heures, on réalise une ponction des corps caverneux sous anesthésie locale jusqu’à ce que le sang refluant spontanément soit rouge (oxygéné c’est-à-dire artérialisé) et on injecte 0,5 mL de chaque côté (1 mL = 10 mg). Les antalgiques majeurs sont toujours associés avec des mictions régulières. La détumescence est progressive, le premier signe disparaissant en cas d’efficacité thérapeutique est la douleur. L’échange transfusionnel en urgence n’est réalisé qu’en cas d’échec des ponctions régulières effectuées si nécessaires toutes les 4 à 6 heures sous surveillance tensionnelle et de la rachianesthésie. L’Effortil® est prolongé en traitement au long cours pour prévenir les récidives et une consultation d’urologie ainsi qu’un dépistage d’hypoxémie nocturne programmée.

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May 14, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 91: Drépanocytose

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