Chapitre 9 L’entretien prénatal individuel

Dans les recommandations de l’HAS [1] établies en novembre 2005, l’entretien prénatal individuel structure la PNP (préparation à la naissance et à la parentalité) et « coordonne les actions » des différents professionnels autour de la femme enceinte.

Il est proposé systématiquement à la femme/au couple par le professionnel de santé, soit un médecin ou une sage-femme, et est réalisé par ses soins même si ce dernier n’assure pas par la suite le suivi prénatal. Cet entretien doit se dérouler de préférence lors du 1^er trimestre de la grossesse et le père est encouragé à y participer. Mais il est possible qu’il ait lieu plus tardivement et qu’il soit renouvelé du fait de la situation particulière de la femme/du couple. Le fait de ne pas participer à cet entretien, que ce soit par manque d’informations ou par choix, n’empêche en rien la participation de la femme aux séances de préparation.

L’entretien prénatal individuel ne se substitue pas aux consultations prénatales. Cependant il n’exclut pas des temps d’entretien lors de ces consultations.

En France, huit séances prénatales de 45 min sont prises en charge par l’assurance-maladie. L’entretien prénatal individuel fait l’objet de la première séance et se pratique en individuel ou en couple, en aucun cas en groupe.

Les recommandations de l’HAS définissent quatre axes de travail :

En pratique, l’entretien prénatal individuel s’inscrit dans une démarche essentiellement préventive. Il permet de donner une information précise sur le déroulement de la grossesse et de ses suites. Il favorise dès le début de la grossesse le travail de la confiance en soi en regard de la maternité. Il facilite tôt le dépistage de difficultés d’ordre médical et psychosocial.

Cet entretien se présente aussi comme un moyen de ne plus entendre la prévention comme un dépistage de pathologies et de déviances mais plutôt comme un moyen de faire valoir les compétences des futurs parents. Une telle attitude permet un accueil dans un esprit positif. Le soignant s’extrait des prédictions négatives tout en gardant une vigilance accrue.

Ainsi, l’entretien est à considérer à la fois comme un outil qui favorise ou renforce l’appropriation de la grossesse par la femme/le couple, et qui permet l’établissement de projets de soins pour les futures mères et leur famille quand leur situation le nécessite.

Objectifs de l’entretien

Les objectifs de l’entretien peuvent se décliner ainsi.

Apprécier la santé globale de la femme dans ses aspects somatique, psychologique et social

La sage-femme s’intéresse aux antécédents de la patiente : familiaux, médico-chirurgicaux, et obstétricaux. Ce recueil d’informations permet d’identifier les risques : hypertension, diabète mais aussi d’explorer le vécu de grossesse actuelle, le vécu de l’accouchement précédent, d’une pathologie médicale grave, du décès d’un enfant, etc.

Commentaire

L’histoire de Valérie : la perte d’un enfant

Valérie est étonnée de la proposition qui lui est faite : rencontrer une sage-femme pour un entretien prénatal individuel. Elle dit brutalement ne pas en avoir besoin. La secrétaire lui explique alors que cet entretien permet d’ouvrir le dossier d’accouchement. Hésitante, Valérie finit par donner son assentiment. Âgée de 32 ans, c’est le troisième enfant qu’elle attend. Valérie affiche une mine assez triste quand elle entre dans le bureau de la sage-femme. Elle dit d’emblée qu’elle sait comment se passe une grossesse, que finalement elle ne sait pas trop pourquoi elle est là.

La sage-femme, dans une attitude bienveillante, lui répond que chaque grossesse est différente, que chaque grossesse a son histoire. Elle lui dit aussi que c’est l’occasion d’ouvrir le dossier d’accouchement, de poser les questions qui lui posent problème. Valérie rétorque qu’elle n’a pas vraiment de questions. La sage-femme ouvre son dossier, elle aborde les antécédents obstétricaux de la patiente : Valérie a perdu son deuxième enfant de mort subite à 3 mois. En le disant, elle reste de marbre. La sage-femme ne peut ignorer le décès de cet enfant. « Ce que vous avez vécu doit être extrêmement douloureux. Comment vous vous sentez aujourd’hui par rapport à ce deuil ? »

Valérie pleure. Elle ne s’en est pas remise. Depuis, avec son mari, ce n’est plus pareil. Il refuse d’en parler, lui interdit d’en parler.

Dans ce contexte, la sage-femme écoute la patiente, reconnaît la situation comme très douloureuse et met des mots sur les angoisses de cette jeune femme. Elle demande à la parturiente comment elle pourrait l’aider dans cette situation. Elle lui propose une aide spécialisée, une consultation auprès du psychologue.

Lorsque la femme est apaisée, la sage-femme favorise l’expression des représentations de la femme en regard de l’enfant à naître, la valorise dans son projet et dans ses capacités maternelles. Elle s’informe des ressources relationnelles qui gravitent autour d’elle. Les points importants comme la prévention de toxoplasmose, de listériose et du CMV, les habitudes de vie de la patiente ne seront pas évoquées au cours de cet entretien. Elle préférera proposer un nouvel entretien à distance qui lui permettra d’évaluer les bienfaits d’une éventuelle rencontre avec le psychologue et de parfaire le contenu informatif et éducatif de l’entretien prénatal individuel.

Donner une information précise sur le suivi de la grossesse et de ses suites

Assurer une information sur le suivi de grossesse à visée préventive et éducative

La femme est informée du nombre de consultations à réaliser, de leur contenu, des examens de laboratoire à pratiquer ainsi que des échographies et de leurs objectifs, de l’existence de la préparation à la naissance, des différentes prestations offertes localement, de l’intérêt de la tenue du carnet de santé maternité.

Porter un intérêt à l’hygiène de vie

Le soignant s’informe de la consommation de tabac/ alcool/drogue afin de dépister une conduite addictive et d’orienter la jeune femme vers une structure adaptée. Il s’informe des habitudes alimentaires de la jeune femme et les réajuste si nécessaire. Il aborde l’état immunitaire de la patiente en regard des sérologies. Et en fonction, il donne les mesures préventives qui s’imposent.

Le soignant s’intéresse également aux soins dentaires. Qu’en est-il de la qualité du sommeil, de l’absorption de thé ou café ? Mais aussi des conditions de vie : quel est le type de logement occupé ? Quelle est sa profession ? Pratique-t-elle une activité physique, etc. ?

Commentaire

L’histoire de Stéphanie

Stéphanie est accompagnée d’un jeune éducateur. Sous Subutex depuis 2 mois, elle vit dans un foyer avec son compagnon qui n’est pas le père de l’enfant qu’elle porte. Stéphanie est très contente d’être enceinte, elle a une représentation très précise (trop ?) de la grossesse, de son enfant, comment elle sera en tant que mère.

Elle a rencontré le psychologue du centre trois ou quatre fois alors qu’elle confie à la sagefemme qu’elle est en psychothérapie depuis 2 ans au rythme d’une séance par semaine.

Elle fume un paquet de cigarettes par jour (déclarées) et consomme quelques bières : deux à trois par jour et surtout beaucoup de café.

La sage-femme félicite Stéphanie pour avoir cessé la prise de drogue dure. En revanche, comment aborder la prise de tabac, d’alcool et de café ? A-t-elle envie de réduire la prise ? Stéphanie répond positivement. La sage-femme lui propose de rencontrer l’équipe de tabaccologie. Stéphanie ne se rendra pas à son rendez-vous.

La personnalité des toxicomanes est en fait complexe. Et suppose de la part du soignant, afin de ne pas se perdre dans cette complexité, quelques connaissances sur le mode de fonctionnement de ce type de personnalité. L’accompagnement de ces futures mères nécessite également une régulation pour maintenir un niveau satisfaisant d’écoute attentive et bienveillante.

Une réflexion pluridisciplinaire de la situation s’impose afin d’harmoniser les discours et d’établir un projet de soins pour Stéphanie. L’entretien prénatal individuel offre au soignant la possibilité d’expliquer à Stéphanie comment les différentes équipes travaillent ensemble et de tenter de l’impliquer dans ce projet.

Aborder tous les sujets lors de cet entretien est impossible. Aussi, il sera important d’établir une fiche de suivi et de demander à cette jeune femme de consulter à nouveau pour compléter l’information et l’accompagner.

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