Chapitre 9 Cancer de l’endomètre
• Diagnostiquer un cancer de l’endomètre. (A)
• Expliquer à la patiente ou à sa famille les modalités thérapeutiques devant un cancer de l’endomètre aux stades I et II. (C)
• Décrire la classification internationale des cancers de l’endomètre et les chances de survie à 5 ans, en fonction du stade, après un traitement correct. (C)
• Prévenir le cancer de l’endomètre. (B)
• Surveiller une femme traitée pour un cancer de l’endomètre. (A)
Épidémiologie
Le cancer de l’endomètre, avec environ 6500 nouveaux cas par an, est responsable de 1200 décès par an dans notre pays (premier cancer gynécologique). Il représente près de 8 % des cancers de la femme et est au 5e rang des cancers féminins après les cancers du sein, du côlon–rectum et du poumon. Son incidence moyenne en France est de 9 pour 100 000 femmes. Son incidence est en augmentation régulière en France du fait de l’augmentation de fréquence des facteurs de risque (HTA, obésité, diabète). On voit actuellement 2,1 cancers de l’endomètre pour un cancer invasif du col. Le cancer de l’endomètre est plus fréquent entre 65 et 70 ans, bien que 15 % des cancers de l’endomètre se voient chez des femmes non ménopausées. Il survient sur un terrain prédisposé (tableau 9.1) (Cohen, 2000).
avant 40 ans | Ovaires micropolykystiques, dysgénésies gonadiques traitées par estrogènes seuls Antécédent d’hyperplasie ou de polype de l’endomètre Utilisation prolongée de pilules séquentielles |
après 40 ans avant la ménopause | Aux facteurs précédents de risque s’ajoutent : |
après la ménopause | Autres facteurs s’ajoutant : |
Facteurs favorisants
Ils sont centrés sur l’âge et l’hyperestrogénie.
Hyperestrogénie. De longues périodes d’hyperestrogénie relative augmentent le risque. La dysovulation, la puberté précoce, la ménopause tardive, la nulliparité augmentent faiblement le risque (RR < 2). L’obésité par contre, par l’hyperestrogénie qu’elle détermine en favorisant l’aromatisation des androgènes en estrogènes dans les graisses périphériques, est un facteur de risque important. À titre d’exemple, le risque est multiplié par 3 si le surpoids est compris entre 10 et 22 kg et par 9 lorsque le surpoids est supérieur à 23 kg. Dans tous les pays, l’incidence est proportionnelle à la consommation en graisses. Les autres facteurs de risque classiques, hypertension et diabète de type II, sont en fait dépendants de l’obésité (Parazzini et al., 1991).
Estroprogestatifs contraceptifs. Si quelques cas de cancers de l’endomètre induits par les contraceptifs séquentiels fortement dosés en estrogènes ont été décrits, par contre l’utilisation de contraceptifs combinés diminue le risque de cancer de l’endomètre de moitié chez les femmes qui les prennent pendant au moins 1 an. Cet effet protecteur est d’autant plus grand que la durée de la prise est plus longue pour atteindre un maximum après 10 ou 15 ans (Jicks, 1993). L’effet protecteur persiste au moins 10 ans après l’arrêt de la prise (Np1; La Vecchia et coll., 1996).
l’estrogénothérapie isolée augmente le risque de cancer de l’endomètre (RR : 2 à 12). Ce risque augmente avec la dose, la durée du traitement et persiste 2 à 5 ans après l’arrêt de la thérapeutique (Grady et al., 1995) ;
l’adjonction d’un progestatif 12 jours/mois supprime le risque de cancer de l’endomètre induit par les estrogènes (Np1; Pepi, 1996 ; Voigt et al., 1991 ; WHI, 2003) ;
enfin des cancers de l’endomètre ont été décrits chez des patientes en traitement au long cours avec le tamoxifène. En effet le tamoxifène peut entraîner différentes modifications de l’endomètre : hyperplasie avec dilatations glandulaires, polypes glandulokystiques, atrophie endométriale avec dilatation kystique myométriale (assez spécifique) ou plus rarement cancer de l’endomètre bien différencié (RR = 2,4). Le risque de cancer de l’endomètre est plus élevé chez les femmes porteuses d’un cancer du sein (RR = 1,3) mais ce risque augmente lorsque la dose de tamoxifène est de 30 à 40 mg (RR = 4,7; Carlson, 1997). Une exploration s’impose donc chez ces patientes au moindre signe clinique.
Anatomie pathologique
Sur le plan macroscopique
Il s’agit le plus souvent de végétations qui bourgeonnent et envahissent la cavité utérine (figure 9.1), mais il peut s’agir d’un polype d’aspect banal, d’une hyperplasie irrégulière de la muqueuse.
Extension (figure 9.1a à d)
Extension locale
Elle est lente. Le cancer s’étend en surface, par petites plaques successives dans la cavité utérine. Lorsqu’il envahit le col et l’isthme, il réalise un cancer total. Le cancer s’étend également en profondeur, pénétrant plus ou moins à l’intérieur du myomètre. La survie après le traitement est inversement proportionnelle à cette propagation dans le myomètre.
Extension lymphatique
Il faut d’emblée opposer les cancers du fond utérin, qui sont moins lymphophiles et proche des cancers de l’ovaire avec atteinte lombo-aortique, et les cancers de l’isthme qui se rapprochent par leur extension lymphatique du cancer du col par l’atteinte des chaînes iliaques, voire lombaires (Descamps, 1991).
Dépistage du cancer de l’endomètre
Le cancer de l’endomètre a les qualités requises pour bénéficier d’un dépistage : fréquence élevée, gravité suffisante, évolution lente, présence d’état précancéreux précédant le cancer de 5 ans en moyenne dans un cas sur deux. À ce jour, il n’est pas encore recommandé un dépistage par échographie endovaginale même pour les populations à risque ou sous tamoxifène (INCa 2010 ; Jacobs et coll., 2011). Le seuil de 5 mm de l’épaisseur de l’endomètre présente une bonne sensibilité de l’ordre de 85 % pour une spécificité presque identique chez les patientes ménopausées. Le dépistage est donc possible mais quelques inconnues demeurent encore qui en limitent la diffusion : le coût, la rentabilité en population générale, et l’effet sur la survie des patientes (Jacobs, 2011).
Il est probable qu’un dépistage ciblé sur l’hyperestrogénie serait plus productif (Descamps, 1997 ).
Clinique
Métrorragie postménopausique
de sang noir, avec des caillots ;
irrégulière, survenant quelques jours, s’arrêtant, reprenant ensuite.
C’est la répétition des épisodes hémorragiques qui est le paramètre important et évocateur.
Examens complémentaires
Ils sont indispensables pour faire le diagnostic.