8: La protection de la personne malade, de la loi de 1838 à celle de 2011


La protection de la personne malade, de la loi de 1838 à celle de 2011



Trois textes sur l’hospitalisation sous contrainte se sont succédé : la loi du 30 juin 1838 « sur les aliénés », celle du 27 juin 1990 « relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation » puis celle du 5 juillet 2011 « relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ».


Le changement de siècle a imposé un nouveau vocabulaire. Des aliénés aux personnes atteintes de troubles mentaux, comme de l’asile à l’hôpital psychiatrique. Mais plus qu’un simple changement de terminologie, ce sont les modalités de prise en charge des malades qui ont été substantiellement reconsidérées. L’enjeu, déjà très prégnant lors des débats sur la loi de 1838, est depuis toujours le même : celui de la recherche d’un équilibre, difficile, entre nécessité des soins et autonomie de la volonté, entre sécurité publique et respect de la liberté individuelle.


La loi de 1838 détermine, pour la première fois, les conditions de l’internement qui résonnent comme autant de garanties de la protection des personnes qui en font l’objet : nécessité d’un certificat médical récent délivré par un médecin indépendant préalablement aux placements volontaires, lesquels doivent prendre fin aussitôt la guérison obtenue, exigence que les placements d’office répondent à un risque d’atteinte à l’ordre public ou à la sécurité des personnes, inspections régulières des établissements d’accueil, etc. Parallèlement, deux droits sont formulés. Le premier, réservé au malade interné, est celui de porter réclamation auprès des autorités habilitées à inspecter les lieux : le second, élargi au tuteur, curateur, tout parent et ami, permet de saisir, à tout moment, le juge afin qu’il se prononce sur le bien-fondé de la mesure. Statuant en chambre du conseil et sans délai, celui-ci ordonne s’il y a lieu, sans que sa décision n’ait à être motivée, la sortie immédiate. Insérée dans le Code de la santé publique en 1953, la loi de 1838 est modifiée à plusieurs reprises, notamment par celle du 2 février 1981 dite « Sécurité-Liberté » pour imposer au juge, saisi d’une mainlevée d’une décision d’hospitalisation, de statuer en référé après avoir organisé un débat contradictoire. En revanche, les droits nouvellement reconnus, par le législateur de 1981, aux personnes soignées dans des établissements accueillant des malades atteints de troubles mentaux (art. L353-2 CSP), droit de visite, droit de communication, liberté de la pratique religieuse notamment, ne s’étendent pas, pas encore, à celles reçues dans des « établissements consacrés aux aliénés ».


Il faut attendre la loi du 27 juin 1990. Mettant un terme à plus d’un siècle et demi du texte fondateur, elle porte, comme son intitulé le souligne, l’accent sur les droits des personnes hospitalisées. C’est avec leur énoncé que s’ouvre cette nouvelle législation. Tous les malades hospitalisés en raison de troubles mentaux bénéficient, désormais, des mêmes droits. Leur nombre est enrichi. S’y ajoute, au profit des patients en soins contraints, le droit d’être informés dès leur admission et, par la suite, à leur demande, de leur situation juridique et de leurs droits (art. L326-3 CSP). La loi de 1990 ne modifie, en revanche, que marginalement les conditions dans lesquelles le juge judiciaire peut être amené à se prononcer sur l’hospitalisation, qu’elle était été décidée d’office ou à la demande d’un tiers. L’énumération des personnes en droit de le saisir est corrigée. Sa faculté de se saisir d’office est nouvellement inscrite. Mais son contrôle demeure un contrôle facultatif (art. L351 CSP).


La réévaluation de la loi de 1990 qui devait intervenir dans les 5 ans suivant sa promulgation n’a pas eu lieu. La nouvelle codification du Code de la santé publique, opérée à droit constant en 2000, n’a rien changé.


La réforme a attendu 2011. La jurisprudence, qu’il s’agisse de celle du Conseil d’État ou de la Cour européenne des droits de l’homme, plus la pression du Conseil constitutionnel, ne laissaient d’autres choix au législateur. L’inconstitutionnalité, tour à tour, de l’hospitalisation à la demande d’un tiers puis de l’hospitalisation d’office menaçait de faire disparaître ces dispositions à compter du 1er août 2011. C’est donc à la hâte que la loi du 5 juillet est votée.


La protection du malade en ressort doublement renforcée. L’innovation majeure réside dans l’instauration de règles nouvelles relatives au contrôle du juge sur les décisions de soins contraints. Elle ne doit pas occulter l’élargissement des droits reconnus aux malades.



Des règles nouvelles relatives au contrôle de l’autorité judiciaire


La législation antérieure a été à plusieurs reprises mise en défaut :



• par la Cour européenne des droits de l’homme d’une part. Deux décisions, parmi les plus récentes, méritent d’être rappelées. L’arrêt Baudoin du 18 novembre 2010 condamne la France, sur le fondement de l’article 5 § 4, pour violation du droit au recours effectif en raison de l’articulation des compétences entre juge judiciaire et juge administratif : ce dernier, seul compétent pour statuer sur la légalité de la détention ne peut, s’il l’estime illégale, ordonner la libération que seul le juge judiciaire peut décider. L’arrêt Patoux du 14 avril 2011, sur le même fondement, reproche à la France de ne pas respecter l’exigence du « bref délai » dans le traitement des demandes de sortie immédiate ;


• par le Conseil constitutionnel d’autre part. Les dispositions de la loi de 1990 sont jugées contraires à l’article 66 de la Constitution faute de prévoir l’intervention systématique du juge, non seulement avant l’expiration du 15e jour d’hospitalisation, mais encore en cas de divergence entre l’autorité médicale, qui estime que l’hospitalisation n’est plus justifiée, et l’autorité administrative, qui refuse la levée de la mesure.

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May 10, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 8: La protection de la personne malade, de la loi de 1838 à celle de 2011

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