14: Droits du patient en psychiatrie


Droits du patient en psychiatrie



La question du droit des patients peut paraître théorique et n’avoir qu’une incidence mineure sur la pratique. Chacun sait qu’en psychiatrie, il n’en est rien et l’application des nouvelles dispositions relatives aux soins sans consentement (cf. supra) apporte une actualité nouvelle à cet aspect de la prise en charge. Dans le court chapitre d’un ouvrage généraliste comme celui-ci, il n’est pas envisageable d’étudier l’ensemble du droit dont un patient bénéficie (Jonas, Senon, 2012). Il est cependant utile à travers la compréhension des principes qui sont à l’œuvre et des principales sources qui fondent ces droits, de comprendre la logique qui préside aux soins dispensés aux patients présentant des troubles mentaux dans la mesure où cela a une incidence directe sur la pratique psychiatrique.



Principes et sources



Les principes


Notre époque se situe à la charnière entre une dialectique dans laquelle le soin est considéré comme un devoir de la collectivité envers les plus faibles et une autre qui met en avant la liberté de chacun et l’importance du libre choix. Après des siècles marqués dans notre pays et sur le continent européen par la primauté d’un principe de bienfaisance (encore appelé paternalisme) reposant notamment en matière de santé sur le fait que c’était les ordres religieux qui prenaient en charge cet aspect de la vie sociale, est apparue progressivement une conception plus égalitariste des rapports entre soignants et soignés, reposant sur le principe dit du consensualisme mais supposant l’autonomie de chaque sujet dans les décisions qu’il prend. C’est l’opinion qui prévaut à l’heure actuelle comme on pourra le voir dans les principaux textes nationaux et internationaux encadrant les relations interhumaines, mais en France il existe toujours des éléments reposant sur la philosophie de la bienfaisance dont un des témoins les plus emblématiques est la loi autorisant les soins sans consentement. En effet, à côté des situations où les soins sont imposés parce que le sujet pourrait porter préjudice à autrui, existent toujours les cas dans lesquels c’est dans l’intérêt même du sujet qu’une prise en charge est décidée car on fait l’hypothèse que la personne n’est pas suffisamment autonome pour prendre la décision et on ne veut pas la laisser livrer à elle-même.


Le principe de liberté est le plus important. Il a été décliné dans de très nombreux textes internationaux émanant des Nations Unies, du Conseil de l’Europe, de l’association médicale mondiale et bien d’autres encore. Actuellement en France, la Constitution du 4 octobre 1958 fait référence dans son préambule (qui a valeur constitutionnelle) à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dont l’article 1er précise bien « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » mais il inclut également le préambule de la précédente constitution du 27 octobre 1946 qui affirmait notamment que la République « garantit à tous (…) la protection de la santé (…) ». C’est ainsi que dans ses récentes décisions, le Conseil constitutionnel rappelle clairement à propos des hospitalisations sans consentement qu’il incombe au législateur de concilier d’une part la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux, ainsi que la prévention des atteintes à l’ordre public nécessaires à la sauvegarde des droits et principes de valeurs constitutionnelles et d’autre part l’exercice des libertés constitutionnellement garanties. Ainsi existe-t-il en droit français la nécessité de maintenir un équilibre entre la liberté du patient, sa protection et celle des tiers. Parmi les libertés reconnues par la Constitution, figure celle d’aller et de venir mais également du respect de sa vie privée (articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789).



Les principaux textes protégeant les droits des patients


On a d’abord considéré que la liberté de chacun étant un principe supraconstitutionnel, elle n’avait pas besoin d’être inscrite dans la loi. Puis progressivement, elle y a fait son entrée pour préciser un certain nombre de droits.


De façon très générale, l’article 9 du Code civil affirme « chacun a droit au respect de sa vie privée ». En découlent notamment dans l’exercice de la médecine les principes sur lesquels repose par ailleurs la notion de secret professionnel (cf. infra).


Sont venus ensuite (loi du 29 juillet 1994) divers principes de protection de la personne et du corps humain qui figurent aux articles 16 et suivants du Code civil et par exemple :



Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ».


Ce très important article fonde les obligations de consentement et donc corrélativement d’information qui sont un des droits fondamentaux du patient.


En psychiatrie, il est également nécessaire de citer parmi les sources encadrant le droit des patients l’article L3211-3 du Code de la santé publique, qui détaille les droits minimaux dont les patients doivent bénéficier lors de leurs soins en psychiatrie (cf. chapitre 11).


Le mouvement législatif entamé dans les années 1990 a trouvé son couronnement en matière de soins dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, connue sous le nom de loi Kouchner, qui détaille les droits de la personne malade.



On le voit, ce texte ne fait que traduire et préciser les grands principes que nous venons de balayer rapidement.


Pour être complet, il faudrait y ajouter beaucoup d’autres textes mais on retiendra seulement le Code de déontologie médicale qui, indirectement, apporte des précisions sur la manière dont le médecin doit préserver les droits des patients.


Sans être exhaustif, il est indispensable dans ce chapitre de traiter d’une part la nécessité du consentement découlant de l’article 16-3 du Code civil, et donc son corollaire, l’information préalable, et d’autre part le respect de l’intimité du patient qui se traduit dans l’exercice médical par une obligation très stricte au secret professionnel. À l’intersection de l’un et l’autre de ces droits, figure un document fondamental de l’exercice professionnel qui est le dossier du patient colligeant les informations sur la santé et devant être protégé contre la curiosité des tiers. Ce point doit également être abordé dans ce chapitre.



Information et consentement du patient



Généralités


Si pendant longtemps la nécessité de consentement et surtout la définition de l’information ont été imprécises, depuis maintenant plus d’une vingtaine d’années, la situation est nettement clarifiée à la fois en ce qui concerne la loi depuis 2002 et la déontologie, déjà dès 1995.


Actuellement, c’est l’article L1111-4 du Code de la santé publique qui précise l’obligation du consentement « aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment », ce que confirme le Code de déontologie (art. R4127-36 du CSP) « le consentement de la personne examinée ou soigné doit être recherché dans tous les cas ». L’article précise également que lorsque le malade refuse, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences. Lorsque le malade est incapable d’exprimer sa volonté, l’intervention ne peut avoir lieu sans que les proches aient été prévenus et informés sauf urgence ou impossibilité. Pour aller plus loin, on retient que l’article L1111-4 précise que les décisions relatives à la santé sont prises par le patient avec le professionnel de santé. Ces éléments révèlent à la fois la nécessité de recueil préalable d’un consentement avant toute information, quelle qu’elle soit mais aussi le rôle de conseil du médecin. Le consentement n’est valide que s’il a pu être éclairé, c’est-à-dire précédé d’une information dont la qualité a été progressivement définie par la jurisprudence puis par la loi.


L’information est due en toutes circonstances sauf urgence ou impossibilité d’informer. Cette limite est difficile à préciser. On en retrouve un avatar dans certains articles de la loi du 5 juillet 2011 mais les JLD semblent très attentifs à ce que la médecine ne se retranche pas derrière des arguties pour ne donner aucune information au patient.


L’information est due par les professionnels de santé. Chacun doit l’apporter au patient en fonction de l’acte qu’il réalise et du moment. La jurisprudence a maintes fois relevé que l’information apportée par un professionnel de santé n’exonérait pas les autres de leurs propres obligations. L’information doit être délivrée au cours d’un entretien individuel précise l’article L1111-2 du CSP.


Elle porte sur :



• Les investigations, les traitements ou actions de prévention, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles ainsi que les autres solutions possibles et enfin sur les conséquences prévisibles en cas de refus. L’article 35 du Code de déontologie, légèrement modifié en 2012, précise que l’information doit être « loyale, claire et appropriée » mais également que le médecin doit tenir compte de la personnalité du patient dans les explications qu’il donne et veiller à leur compréhension. Tout comme le prévoit la loi, le médecin doit aussi respecter la volonté d’un patient d’être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic et la déontologie rappelle qu’un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection.


• On peut donc souligner quelques aspects importants et souvent oubliés.


• L’obligation de renseigner sur les traitements alternatifs, c’est-à-dire ceux qui pourraient être indiqués dans la maladie en cause mais que le médecin choisit d’écarter. Ceci doit permettre au patient de décider en toute connaissance de cause.


• La nécessité de bien préciser les conséquences qui peuvent advenir lorsque le patient refuse le traitement.


• L’information doit être adaptée à chaque patient en fonction de sa personnalité et des circonstances. Dans notre spécialité, peut être encore plus que dans d’autres, il doit s’agir d’un processus continu et non d’une obligation ponctuelle et formelle.


• Des limites existent à cette obligation qui n’a pas lieu d’être toujours exhaustive. Outre les situations d’extrême urgence, la personnalité fragile d’un patient, les difficultés à apporter des informations précises en raison de son état mental à un moment donné ou encore son refus pure et simple, sont des arguments à prendre en compte.


Cette information doit être apportée au patient avec quelques difficultés particulières pour ce qui concerne les mineurs ou les majeurs protégés. Les principes du secret professionnel interdisent de la donner à des tiers. Cependant des dérogations existent dans des circonstances exceptionnelles et notamment comme on l’a vu en cas de diagnostic ou de pronostic grave. Dans cette situation, la famille, les proches ou la personne de confiance définie à l’article L1111-6 du CSP, peuvent recevoir « les informations nécessaires destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci (la personne) sauf opposition de sa part ». En ce cas, seul un médecin est habilité à délivrer ces informations, ou les faits délivrer sous sa responsabilité (art. L1110-4 du CSP). La loi précise que l’information peut être orale ou écrite. En psychiatrie, sauf exception (ECT car cela suppose une anesthésie), aucun écrit n’est obligatoire pour l’instant.

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May 10, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 14: Droits du patient en psychiatrie

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