8 Fièvre aiguë du nourrisson La fièvre constitue le premier motif de consultation de l’enfant en soins primaires. Il s’agit ainsi d’un symptôme d’une grande banalité, en rapport le plus souvent avec une infection virale bénigne spontanément résolutive. Dans environ 80 % des cas, la fièvre s’accompagne de symptômes permettant un diagnostic étiologique plus facile (angine, éruption, diarrhée, anomalies auscultatoires, etc.). Le cas de la fièvre isolée chez l’enfant de moins de 5 ans constitue une difficulté, car possiblement en rapport avec une infection bactérienne dite occulte, impossible à diagnostiquer précocement sans recours aux examens complémentaires. Ainsi, une étude récente menée à partir d’une cohorte australienne de 15 781 enfants de moins de 5 ans consultant aux urgences pédiatriques pour fièvre isolée rapporte une prévalence d’infections bactériennes sévères (IBS) de 7,2 % [1]. Ces infections bactériennes se composent pour 3,4 % d’infections urinaires, 3,4 % de pneumonies, 0,4 % de bactériémie et 0,1 % de méningites. Les auteurs soulignent toute la difficulté du diagnostic dans cette situation en précisant que seuls 68 % des enfants porteurs d’une infection bactérienne sévère ont fait l’objet d’une prescription antibiotique lors leur première consultation, alors qu’à l’inverse 20 % des enfants indemnes d’infection bactérienne en ont pourtant reçu. Identifier parmi tous les enfants consultant pour fièvre les rares cas en rapport avec une infection bactérienne sévère et justifiant d’une antibiothérapie urgente constitue ainsi une véritable difficulté pour le médecin en soins primaires comme aux urgences, étant établi qu’un diagnostic et un traitement adapté précoces sont associés à un meilleur pronostic de l’infection bactérienne [2]. Le clinicien est donc tenu, devant tout enfant fébrile, d’évaluer la probabilité d’IBS en combinant les informations issues : • de ses connaissances épidémiologiques ; • de l’interrogatoire de l’enfant et/ou de sa famille ; • de l’examen clinique à la recherche de signes de gravité et d’un point d’appel à cette fièvre ; • des résultats des examens complémentaires si jugés nécessaires. L’estimation rationnelle du risque d’IBS conditionne alors la démarche thérapeutique. • L’existence de signes de gravité : – purpura (à rechercher chez l’enfant entièrement dévêtu) extensif, nécrotique, de diamètre supérieur à 3 mm. Un purpura même pétéchial est pourtant rapporté avec une grande valeur diagnostique (rapport de vraisemblance > 5) dans la plupart des études publiées [3] ; – signes hémodynamiques : tachycardie inexpliquée, bradycardie inexpliquée avant 1 an, hypotension artérielle, signes d’insuffisance circulatoire périphérique (allongement du temps de recoloration cutanée, teint gris, marbrures, froideur des extrémités), oligurie. Il est indispensable de chiffrer la fréquence cardiaque avant de pouvoir l’interpréter en tenant compte de l’âge de l’enfant ; – signes neurologiques : somnolence, léthargie, hyporéactivité, score de Glasgow ≤ 14. • Les signes « toxiques » [4] : – altération de l’état général ; – signes d’irritation méningée (raideur ou hypotonie, photo-phonophobie, geignement), convulsion, absence de contact, fontanelle bombante, ne marche plus ; – polypnée > 40-60/min, cyanose, hypoxie (mesure de la SpO2 par oxymétrie pulsée indispensable), signes de lutte ; – déshydratation, pâleur, cris inhabituels ; – anorexie, vomissements verts ; Ces examens n’apportent aucune aide dans les situations où le diagnostic est évident : • examen clinique parfaitement rassurant ; • existence de signes de gravité (purpura fulminans par exemple !) ; • diagnostic étiologique évident (angine, otite moyenne, méningite ou varicelle… par exemple). Ils sont en revanche utiles dans les situations intermédiaires où le clinicien a du mal à évaluer la gravité des symptômes, ou en cas de symptômes discordants. La réalisation d’un dosage de CRP et/ou d’un dosage de procalcitonine (PCT) peut alors aider à l’évaluation de la probabilité d’IBS. L’apport de chaque marqueur est variable, et fonction de la prévalence de la maladie dans la population (probabilité pré-test). L’apport de la NFS-plaquette semble aujourd’hui très modeste [5]. Ainsi, une équipe suisse [6] rapporte au sein d’une population d’enfants de moins de 3 ans consultant pour fièvre aux urgences une prévalence de 30 % d’IBS et évalue à 85 % la probabilité d’IBS en cas de CRP > 100 mg/L et 68 % en cas de PCT > 2 ng/mL. À l’inverse, la probabilité d’IBS n’est plus que de 3 % en cas de PCT < 0,5 ng/mL. La combinaison des marqueurs entre eux (CRP, PCT et bandelette urinaire) s’annonce comme une approche prometteuse. La prise en charge diagnostique et thérapeutique de l’enfant consultant aux urgences pour une fièvre isolée (en dehors d’une fièvre au retour de zone d’endémie palustre ou d’une immunodépression congénitale ou acquise) est résumée à la figure 8.1. Figure 8.1 Orientation diagnostique puis thérapeutique devant un enfant de moins de 5 ans consultant pour une fièvre aiguë (à l’exclusion de l’enfant immunodéprimé ou de retour d’un pays d’endémie palustre). 1. Interrogatoire et examen clinique minutieux à la recherche de : 3. Bandelette urinaire ± ECBU pour tous les enfants fébriles : 4. Bilan biologique dans les situations où les données de l’examen clinique ne suffisent pas à statuer sur l’existence d’une IBS : 5. Antibiothérapie adaptée quand le diagnostic étiologique est possible (méningite bactérienne, pneumopathie, mastoïdite, pyélonéphrite, pleurésie…). 6. À ce stade, la pyélonéphrite, la pneumopathie et la méningite ont été éliminées. En attendant 24-48 heures le résultat de l’hémoculture, on prescrit alors une antibiothérapie probabiliste active contre les bactéries en cause dans les bactériémies occultes (méningocoque et pneumocoque) s’il existe des signes de gravité, ou une ou plusieurs anomalies si un bilan biologique a été prescrit : [1] Craig, J.C., Williams, G.J., Jones, M., et al. The accuracy of clinical symptoms and signs for the diagnosis of serious bacterial infection in young febrile children: prospective cohort study of 15781 febrile illnesses. BMJ. 2010;340:c1594. [2] Kumar, A., Roberts, D., Wood, K.E., et al. Duration of hypotension before initiation of effective antimicrobial therapy is the critical determinant of survival in human septic shock. Crit Care Med. 2006;34:1589–1596. [3] Thompson, M., Van den Bruel, A., Verbakel, J., et al. Systematic review and validation of prediction rules for identifying children with serious infections in emergency departments and urgent-access primary care. Health Technol Assess. 2012;16:15. [4] Baraff, L.J. Management of Infants and Young Children With Fever Without Source. Pediatr Ann. 2008;37:673–679. [5] Van den Bruel, A., Thompson, M.J., Haj-Hassan, T., et al. Diagnostic value of laboratory tests in identifying serious infections in febrile children: systematic review. BMJ. 2011;342:d3082. [6] Galetto-Lacour, A., Zamora, S.A., Andreola, B. Validation of a laboratory risk index score for the identification of severe bacterial infection in children with fever without source. Arch Dis Child. 2010;95:968–973.
Fièvres
Quels sont les symptômes qui doivent alerter le clinicien ?
Quelle aide diagnostique peut-on attendre des examens complémentaires ?
Quelle conduite à tenir devant un enfant fébrile ?
IBS : infection bactérienne sévère.
Références
Stay updated, free articles. Join our Telegram channel
Full access? Get Clinical Tree