Chapitre 8 Accidents musculaires
Lors de la pratique sportive, le muscle doit posséder des qualités de force, de puissance, d’endurance, de vigilance, de vitesse et d’extensibilité acquises au cours d’un entraînement spécifique souvent long et intensif. Ces différentes qualités reposent sur trois systèmes étroitement liés :
1. la structure biomécanique du muscle (fig. 8.1) (filaments d’actine, de myosine et aponévroses d’enveloppe) lui confère des propriétés viscoélastiques et contractiles ;
2. l’activité métabolique et les différents types de fibres (types I, IIa et IIb) conditionnent la puissance, la durée et l’inertie de l’activité musculaire ;
3. le système neuromusculaire permet de réguler les activités volontaires, automatiques ou réflexes intervenant dans le contrôle postural et gestuel propre à chaque sport.
Parmi les accidents musculaires, il faut distinguer, d’une part les atteintes s’accompagnant ou non d’une lésion anatomique et, d’autre part, les atteintes liées à une cause intrinsèque ou extrinsèque (tableau 8.1).
Cause intrinsèque | Cause extrinsèque | |
---|---|---|
Sans lésion anatomique apparente | Avec lésion anatomique | Avec lésion anatomique |
Crampe Courbature Contracture | Contusion Hernie Hématome |
Accidents musculaires sans lésion anatomique apparente, liés à une cause intrinsèque
Ces affections musculaires, crampes, courbatures, contractures (tableau 8.2), extrêmement fréquentes en pratique courante, sont plus à redouter par la gêne qu’elles occasionnent au sportif que par leur gravité. II s’agit donc davantage d’incidents que d’accidents musculaires.
Crampe
• les crampes à l’effort, sur un muscle chaud en plein travail : la crampe résulte généralement d’une contraction musculaire isométrique ou de longue durée dans une position segmentaire particulière (grasp des doigts sur un cordage ou un manche, attitude en triple flexion en course automobile, etc.) entraînant une ischémie transitoire chez un sujet insuffisamment préparé. Le sujet sent la crampe s’installer et étire spontanément son muscle, faisant ainsi céder la contraction et les phénomènes douloureux ;
• les crampes survenant au repos, sur un muscle froid, la plupart du temps la nuit. Si la crampe survient pendant le sommeil profond, elle peut être excessivement violente et créer des lésions allant jusqu’à la déchirure musculaire mais le plus souvent le sujet est réveillé par l’intensité de la douleur, étire son muscle, marche et réalise quelques mouvements qui éliminent la crampe : les localisations les plus caractéristiques sont le mollet (entraînant une attitude caractéristique en varus équin du pied) et les intrinsèques du pied (attitude des orteils en griffe avec douleur exquise de la partie interne de la voûte plantaire). Les crampes rencontrées en pratique sportive apparaissent généralement lors des périodes d’activité physique excessive (entraînement surdosé, période de compétition, sujet fatigué, reprise de l’entraînement) et peuvent être secondaires à un échauffement insuffisant, un temps de récupération active post-exercice trop court (stagnation des déchets métaboliques), un geste technique défectueux effectué en force, un effort anaérobie à forte intensité (production d’acide lactique), une inadéquation entre l’effort demandé et le type de fibre musculaire concerné, un défaut d’hydratation, un manque de potassium, de calcium ou de magnésium. Le traitement consiste à étirer progressivement le muscle et à effectuer dans cette posture d’étirement un massage local (pétrissages profonds, traits tirés, application de pommades révulsives et décontracturantes), tout ceci étant suivi de mouvements rapides et de grande amplitude. Ce traitement peut être complété par la prescription d’un décontracturant per os et accompagné de conseils visant à évincer les facteurs favorisants précités. Ce traitement accompagné de mesures prophylactiques adaptées est efficace dans la grande majorité des cas rencontrés en pratique sportive et ce n’est qu’en cas de crampes persistantes et rebelles qu’il faudra évoquer d’autres étiologies comme les troubles hydro-électrolytiques, les pathologies vasculaires, neurologiques ou endocriniennes.
Courbatures
Il convient d’insister particulièrement sur la prophylaxie qui consiste à avoir un entraînement régulier tout au long de l’année qui ne soit pas haché par des périodes intempestives d’arrêt et sur la progressivité de cette mise en condition physique. De plus, il ne faut pas interrompre brutalement un effort intense (temps de récupération active suffisant) de manière à ce que le muscle ne reste pas engorgé par les déchets du métabolisme.
Contracture
• les contractures dues à la surutilisation du muscle lors d’activités intenses localisées (jumeau interne après une séance de sauts, adducteurs chez un cavalier débutant). Le mécanisme rejoint alors celui des courbatures mais la douleur est très localisée, le spasme est important avec impression de dureté sous les doigts par rapport aux tissus adjacents, la palpation mettant en évidence de véritables cordes ou nodules indurés au sein du muscle. Le traitement se rapproche de celui des contractures avec application de chaleur (ultrasons en application continue en balayage avec une intensité de 1,5 à 2 W/cm2), étirements, décordages, ponçages et utilisation de techniques de contracté-relâché ;
• les contractures de défense reflétant et accompagnant un dysfonctionnement ostéoarticulaire induit par la pratique du sport (entorse, torticolis, lumbago). Il ne s’agit plus alors d’une pathologie proprement musculaire, mais d’une contraction réflexe de défense visant à immobiliser les segments atteints en réponse à un stimulus nociceptif. Le muscle ne doit être agressé en aucun cas et toute manœuvre directe sur le muscle ne peut que renforcer le spasme. Le traitement doit s’intéresser à la lésion causale (lésion intervertébrale, entorse périphérique, etc.) et tendre à inhiber l’arc réflexe douloureux (antalgiques, décontracturants, per os, électrothérapie de basse fréquence à visée antalgique, cryothérapie locale).
Les DOMS remettent en question le fait que les contractures ou les courbatures seraient des incidents musculaires sans lésion anatomique.
Ces DOMS résultent de lésions des myofibrilles et/ou du tissu conjonctif de soutien.
Accidents musculaires avec lésion anatomique, liés à une cause intrinsèque le plus souvent
Le terme de « claquage », d’origine journalistique, peut s’appliquer à différentes lésions anatomiques : élongation, déchirure, rupture, désinsertion (tableau 8.3, fig. 8.2), car il correspond à une description clinique qui associe une sensation de claquement et une douleur brutale, en coup de fouet, qui impose l’arrêt de l’effort. Grâce à l’échographie, Zuinen a pu démembrer ce terme en trois stades selon l’importance de la lésion anatomique observée (élongation, déchirure partielle, rupture) auxquels nous avons associé la désinsertion qui donne des lésions comparables.
Figure 8.2 Accidents musculaires avec lésion anatomique liés à une cause intrinsèque le plus souvent.
Élongation (1), déchirure (2), rupture (3), désinsertion (4).
Stade I : élongation
Cette lésion survient lors de la sollicitation excessive et brutale d’un muscle préalablement étiré (démarrage, changement de direction) : l’élongation se traduit par une douleur vive, brutale qui n’empêche généralement pas la poursuite de la compétition, bien que le sujet soit un peu gêné.
La compétition peut être reprise en 10 à 15 jours sous couvert d’un échauffement préalable sérieux.
Stade II : déchirure
Cette lésion peut survenir dans deux circonstances :
• soit à la suite d’une contraction musculaire intense et violente non contrôlée (shoot dans le vide) ou contrée ;
• soit à la suite d’une agression externe sur un muscle contracté. La douleur est d’emblée fulgurante, imposant l’arrêt immédiat de l’effort. L’impotence fonctionnelle est très importante et la poursuite de la compétition impossible.
Le traitement consiste en l’application locale de glace associée à la déclive du segment et au repos sportif absolu de 30 jours, complété par une contention adhésive inextensible, voire une attelle en matériau thermoplastique mettant le muscle au repos. Les massages, applications de chaleur, ou sollicitations musculaires ne seront pas entrepris avant 21 jours. Avant cette date, le traitement associera la physiothérapie à visée antalgique et anti-inflammatoire, la cryothérapie, l’application de cataplasme d’alumine en pansement compressif ou de pâtes antiphlogistiques, ainsi que de pommades fibrinolytiques.
Stade III : rupture
Ce stade correspond à une véritable fracture musculaire (déchirure totale des différents faisceaux musculaires) donnant à l’échographie deux régions hyperéchogènes (rétraction des deux faisceaux) séparées par une vaste poche séro-hématique.
Désinsertion musculaire
À l’examen, le segment est tendu et la palpation permet de percevoir la masse rétractile du muscle qui surplombe une encoche rapidement comblée et masquée par un hématome fluctuant. L’étirement passif du muscle est douloureux et la mobilité active, bien que possible, s’effectue, aussi avec des douleurs vives. Dans les jours qui suivent, une échographie confirme le diagnostic, montrant un remaniement hétérogène de l’hématome organisé nettement distinct du muscle rétracté. Elle permet de distinguer les désinsertions partielles qui seront traitées comme des déchirures stade II (cf. ci-dessus), des désinsertions totales qui seront traitées comme des ruptures (cf. ci-dessus).
Accidents musculaires avec lésion anatomique, liés à une cause extrinsèque le plus souvent
Différents accidents musculaires, contusions, dilacérations, hernies, hématome (tableau 8.4, fig. 8.3), sont dus à des traumatismes directs du muscle soit lors de contacts violents entre sportifs (football, rugby, handball, full-contact, canne de combat, etc.), soit lors de chocs violents contre un objet contondant (chute de cheval, de moto, accident d’escalade, etc.).