7: Traitement de la rétinopathie diabétique

Chapitre 7 Traitement de la rétinopathie diabétique




Traitement médical



Contrôle glycémique


Le traitement médical de la rétinopathie diabétique est essentiellement celui du diabète. En effet l’utilité d’un bon contrôle glycémique sur l’incidence et la progression de la rétinopathie diabétique a été suggéré par de nombreuses études, et deux études d’intervention ont définitivement démontré l’effet bénéfique d’un bon contrôle glycémique sur la progression de la rétinopathie diabétique, chez les diabétiques de type 1 comme chez les diabétiques de type 2 [1, 2]. Dans le Diabetes Control and Complications Trail (DCCT) [1], 1 441 diabétiques de type 1 sans rétinopathie diabétique (groupe de prévention primaire) ou ayant une rétinopathie diabétique non proliférante minime ou modérée (groupe de prévention secondaire) ont été randomisés et traités, soit par un traitement conventionnel, soit par un traitement intensif [1]. Le traitement conventionnel consistait en une à deux injections d’insuline par jour, avec un autocontrôle glycémique par jour, et une mesure de l’HbA1C tous les 3 mois. Le traitement intensif consistait à obtenir une glycémie normale (HbA1C mensuelle < 6,5 %), par au moins trois injections d’insuline par jour ou la mise sous pompe à insuline, au moins quatre autocontrôles glycémiques par jour, des visites médicales mensuelles et un contact téléphonique au moins hebdomadaire avec le centre médical. Le suivi moyen de l’étude a été de 6,5 ans. L’HbA1C moyenne du groupe soumis au traitement optimal était de 7,2 %, celle du groupe soumis au traitement conventionnel de 9,4 %. Le traitement intensif a permis une réduction de 27 % du risque d’apparition d’une rétinopathie diabétique et une réduction de 75 % du risque de sa progression. Dans le groupe de prévention secondaire, le risque de progression de la rétinopathie diabétique a été diminué de 54 %.


Cet effet bénéfique se maintient dans le temps, même si l’équilibre glycémique devient ultérieurement plus médiocre. En effet, l’étude EDIC (Epidemiology of Diabetes Interventions and Complications) a montré que cet effet bénéfique se maintenait au moins 4 ans après la fin du DCCT, malgré un contrôle glycémique moins strict dans le groupe interventionnel, avec une réduction du risque de progression de la rétinopathie diabétique de 70 % par rapport au groupe contrôle initial du DCCT [1, 3]. La persistance de cet effet bénéfique a été qualifiée de « mémoire glycémique ». Récemment, le suivi 10 ans après la fin du DCCT, montrait la persistance de cette « mémoire glycémique » avec une réduction du risque de progression de la rétinopathie diabétique de 53 à 56 % dans le groupe initialement bien contrôlé, malgré une HbA1c similaire dans les 2 groupes pendant les 10 ans qui ont suivi la fin du DCCT [4]. L’effet bénéfique d’une glycémie initialement bien contrôlée se maintient donc, mais semble s’émousser avec le temps (Fig.7.1).



Chez les diabétiques de type 2, l’UKPDS (UK Prospective Diabetes Study) a montré des résultats comparables [2]. Dans cette étude, 3 867 diabétiques de type 2 dont le diabète avait été découvert récemment ont été randomisés en deux groupes : le premier groupe (traitement intensif) était traité par hypoglycémiants oraux ou insuline (objectif glycémique : glycémie à jeun ≤ 6 mmol/L) ; le deuxième groupe (traitement conventionnel) était traité par régime seul (un traitement était néanmoins institué si la glycémie à jeun était supérieure à 15 mmol/L). Les résultats de cette étude ont montré, après un suivi médian de 10 ans, et une réduction moyenne de 0,9 % du taux d’HbA1c, une réduction de 25 % des complications microvasculaires et notamment une réduction de la progression de la rétinopathie diabétique de 21 %. Dix ans plus tard, malgré un contrôle glycémique plus médiocre, cet effet bénéfique se maintenait chez les patients dont le diabète avait été initialement bien contrôlé avec une réduction du risque de complications microvasculaires de 24 % [5].


Enfin, les deux études DCCT et UKPDS ont montré que la baisse de la glycémie est bénéfique quelle que soit son intensité, et qu’il n’existe pas de seuil en dessous duquel une réduction des complications microvasculaires ne serait pas observée.



Contrôle de la pression artérielle


L’ hypertension artérielle est très fréquente chez les diabétiques de type 2 : 40 % d’entre eux sont hypertendus à l’âge de 45 ans et 60 % après 75 ans [6]. L’UKPDS a montré l’effet bénéfique de la baisse de la pression artérielle sur la progression de la rétinopathie diabétique [7] : 1 148 patients hypertendus, âgés en moyenne de 56 ± 8,1 ans, avec une pression artérielle moyenne à l’inclusion de 160–95 mmHg ont été randomisés en deux groupes. Un premier groupe, ou « contrôle optimal », était traité par aténolol ou captopril, avec pour but d’atteindre une pression artérielle inférieure à 150–85 mmHg. Le second groupe, ou « contrôle sous-optimal », avait pour objectif une pression artérielle inférieure à 180105 mmHg. Après un suivi moyen de 7,5 ans, une différence de 10 mmHg de la pression artérielle systolique (PAS) et de 5 mmHg de la pression artérielle diastolique a réduit de 37 % l’incidence des complications microvasculaires, de 34 % la progression de la rétinopathie diabétique, et de 47 % la baisse visuelle à 9 ans [7]. Cette réduction de la baisse visuelle semble avoir été principalement obtenue grâce à la réduction de l’incidence de l’œdème maculaire. Il ne semble pas exister de « mémoire pressionnelle », puisque 10 ans plus tard, alors que le contrôle pressionnel était plus médiocre dans le groupe traité initialement de façon intensive, la réduction du risque de complications microvasculaires observée à la fin de l’UKPDS, n’existait plus [8]. Enfin, dans l’étude de l’UKPDS, il n’a pas été mis en évidence de différence de résultats en fonction du type d’antihypertenseurs utilisés.


L’effet bénéfique d’un bon contrôle pressionnel sur la pression artérielle a été confirmé par d’autres études. Ainsi, dans l’Appropriate Blood Pressure Control in Diabetes (ABCD trial), le contrôle strict de la pression artérielle chez des diabétiques de type 2 normotendus a réduit la progression de la rétinopathie diabétique à 5 ans par rapport à un contrôle plus modeste [9]. Enfin, le contrôle associé de la glycémie et de la pression artérielle a un effet additif sur le risque microvasculaire, avec une réduction de ce risque de 21 % par diminution de 1 % de l’HbA1c et de 11 % par réduction de 10 mmHg de la PAS [10].


En revanche, les résultats de l’étude ADVANCE, comparant l’effet d’un traitement combiné par un inhibiteur du système rénine angiotensine et d’un diurétique à un placébo, quel que soit le chiffre de tension artérielle initial, semblent décevants, puisque aucun effet n’a été observé sur la rétinopathie [11]. Mais les critères d’évaluation de la rétinopathie choisis (nécessité de laser, cécité) n’étaient probablement pas assez sensibles, et il faut attendre, pour conclure définitivement, les résultats de l’étude AdRem sur un échantillon de patients chez lesquels la progression de la rétinopathie diabétique a été évaluée par des photographies du fond d’œil.



Contrôle lipidique


L’étude FIELD (Fenofibrate Intervention and Event Lowering in Diabetes) évaluant l’effet du fénofibrate sur les complications macro- et microvasculaires du diabète, a montré une réduction de 30 % du recours au traitement par laser dans le groupe traité par fénofibrate [12]. Dans le sous-groupe de 1 012 patients ayant bénéficié de photographies du fond d’œil, le traitement par fénofibrate n’a pas eu d’effet sur l’incidence ou la progression de la rétinopathie diabétique. Néanmoins, une moindre progression de la rétino pathie diabétique a été observée chez les patients ayant initialement une rétinopathie diabétique, mais le nombre d’événements a été faible (14 dans le groupe traité contre 3 dans le groupe non traité). Ces résultats méritent d’être confirmés par d’autres études. Enfin, aucun effet des statines sur la rétinopathie diabétique n’a à ce jour été démontré [13].


Le rôle de ces différents facteurs médicaux dans les préventions primaire et secondaire de la rétinopathie diabétique a été confirmé par l’étude STENO [14]. Dans cette étude randomisée, un groupe de patients diabétiques de type 2 a été traité par une approche multifactorielle intensive, mise en œuvre par une équipe multidisciplinaire, visant à obtenir un équilibre glycémique et tensionnel optimal, un bilan lipidique normal, l’arrêt du tabac, et un exercice physique quotidien. Le groupe contrôle était traité de façon conventionnelle, suivi par le médecin généraliste. Cette approche multifactorielle a permis de réduire de façon très significative le taux de complications microvasculaires, et a notamment réduit de 58 % la progression de la rétinopathie diabétique sur une période de 8 ans.




Autres traitements médicamenteux


L’effet de plusieurs traitements médicamenteux sur les stades initiaux de la rétinopathie diabétique a été évalué. Il n’a pas été démontré d’effet bénéfique des inhibiteurs de l’aldose réductase tels que le sorbinil sur la progression de la rétinopathie diabétique [16].


Deux études ont montré l’effet bénéfique des antiagrégants plaquettaires (ticlopidine et aspirine à 1 g/j) pour ralentir l’augmentation du nombre des microanévrismes, l’effet de la ticlopidine n’étant observé que chez les diabétiques insulinodépendants [17, 18]. Mais l’effet observé n’a pas été considéré comme suffisamment cliniquement significatif pour que ces traitements soient recommandés pour la rétinopathie diabétique. L’ETDRS n’a pas démontré d’effet bénéfique de l’ aspirine (à 650 mg/j) sur l’évolution de la rétinopathie diabétique évoluée ; cependant, il n’existe pas d’effet délétère de l’aspirine, notamment pas de risque majoré d’hémorragie en cas de rétinopathie diabétique proliférante [19].


Deux autres classes médicamenteuses sont en cours d’évaluation en prévention primaire et secondaire de la rétinopathie diabétique : les inhibiteurs de l’isoforme ß de la protéine kinase C, et les inhibiteurs du système rénine-angiotensine.



Inhibiteurs de l’isoforme ß de la protéine kinase C (ruboxistaurine)


La ruboxistaurine (RBX), inhibiteur spécifique de la PKC-β a maintenant été évaluée dans plusieurs études, et peu d’effets secondaires ont été observés. Elle est administrée par oral, à raison d’une prise par jour. Les résultats de trois essais de phase 3 ont été publiés. Le premier, l’étude PKC-Diabetic Retinopathy Study (PKC-DRS) a évalué les effets de 3 doses différentes de RBX versus placebo sur la progression de la rétinopathie diabétique, alors que l’étude PKC-Diabetic Macular Edema (PKC-DME) évaluait l’effet des mêmes doses de RBX versus placebo sur la progression de l’œdème maculaire [20, 21]. Aucune de ces études n’a démontré d’effet significatif sur le critère principal d’évaluation. Cependant, dans la PKC-DRS, une moindre baisse visuelle a été observée avec la RBX, dans le groupe traité par 32 mg/jour comparée au placebo, du fait probablement d’un effet sur l’œdème maculaire. Ces résultats ont été confirmés par l’étude PKC-DRS 2, dans laquelle le risque de baisse visuelle modérée a été réduit de 40 % après 3 ans de traitement [22]. Et, dans cette étude, comme dans l’étude PKC-DME, une sous-analyse a montré une moindre progression de l’œdème maculaire vers le centre de la macula et un moindre recours au laser, ainsi qu’une relative protection contre la perte visuelle chez les patients présentant un œdème maculaire chronique [23]. D’autres études de phase III sur l’œdème maculaire diabétique sont en cours.



Inhibiteurs du système rénine angiotensine (SRA)


L’inhibition du SRA pourrait avoir un rôle protecteur contre la rétinopathie diabétique, au-delà de la baisse de la pression artérielle. L’étude EURODIAB Controlled Trial of Lisinopril in insulin-dependent Diabetes Mellitus (EUCLID) avait montré une réduction de la progression de la rétinopathie diabétique de 50 % chez des diabétiques de type 1, ainsi qu’une réduction de 80 % de l’évolution vers une rétinopathie diabétique proliférante par un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, le lisinopril, après 2 ans de suivi [24]. Mais les patients traités par lisinopril ayant eu un meilleur équilibre glycémique, et surtout une pression artérielle significativement plus basse que le groupe contrôle, il n’était pas possible d’attribuer cet effet bénéfique à une inhibition spécifique du SRA (système rénine angiotensine). Plus récemment, les études DIRECT (DIabetic Retinopathy Candesartan Trials) ont montré que le candesartan à la dose de 32 mg par jour entraînait une réduction de l’incidence de la rétinopathie diabétique de 18 % à 5 ans, à la limite de la significativité, chez les diabétiques de type 1 normotendus et une régression significative de la rétinopathie diabétique débutante chez les diabétiques de type 2, mais pas d’effet sur la progression de la rétinopathie diabétique [25, 26]. Dans une analyse post-hoc, pour un critère d’incidence de la rétinopathie diabétique défini par le franchissement de trois stades (au lieu de deux selon le critère primaire) de l’échelle de l’ETDRS, on a pu observer une diminution de l’incidence de la rétinopathie diabétique significativement plus importante (− 35 %, p = 0,003) chez les diabétiques de type 1 en faveur du groupe candesartan. Enfin, dans l’étude RASS (Renin-Angiotensin System Study), les traitements par enalapril et losartan ont réduit de respectivement 65 % et 70 % la progression de la rétinopathie diabétique, indépendamment de la pression artérielle, alors qu’ils n’ont pas eu d’effet préventif sur la néphropathie diabétique [27]. Cette discordance avec l’étude DIRECT est peut-être liée à la sévérité moindre de la rétinopathie diabétique chez les patients inclus dans RASS, mais ces deux études suggèrent néanmoins qu’un inhibiteur du SRA pourrait avoir sa place dans la prévention primaire voire secondaire des stades précoces de rétinopathie diabétique.




Traitement de la rétinopathie diabétique proliférante



Photocoagulation panrétinienne




Résultats


L’efficacité de la photocoagulation panrétinienne a été démontrée par plusieurs études prospectives [2830] : elle réduit de plus de 50 % le risque de cécité chez les patients présentant une rétinopathie diabétique proliférante et permet la régression de la néovascularisation prérétinienne et/ou prépapillaire dans 70 à 90 % des cas.


La principale de ces études randomisées est la DRS, menée de 1972 à 1979 [31, 32]. Elle avait pour but d’évaluer l’efficacité de la photocoagulation panrétinienne à l’argon ou au xénon pour traiter la rétinopathie diabétique proliférante.


Ont été inclus 1 758 patients ayant une rétinopathie diabétique proliférante dans au moins un œil ou une rétinopathie diabétique non proliférante sévère dans les deux yeux, et une acuité visuelle supérieure ou égale à 2/10. La photocoagulation panrétinienne par laser à l’argon consistait en 800 à 1 600 impacts de 500 μm de 0,1 seconde de temps d’exposition, et était réalisée dans la plupart des cas en une seule séance. Après randomisation, un des deux yeux était traité par laser, l’autre était suivi sans traitement. Devant les résultats favorables obtenus grâce à la photocoagulation panrétinienne, le protocole de traitement a été modifié en 1976, et tous les yeux initialement non traités l’ont été, de préférence par laser à l’argon.


L’étude a montré que le traitement par laser permettait de réduire de 50 % le risque de baisse visuelle sévère des yeux présentant une rétinopathie diabétique proliférante associée à des « facteurs de haut risque ». Ainsi, à 2 ans, 11 % des yeux à « haut risque » traités contre 26 % des yeux à « haut risque » non traités présentaient une baisse visuelle sévère (acuité visuelle inférieure à 5/200) ; à 4 ans, les pourcentages de baisse visuelle sévère étaient respectivement de 20 % contre 44 %.



Pour les yeux présentant une rétinopathie diabétique proliférante sans « facteur de haut risque », ou une rétinopathie diabétique non proliférante sévère, le bénéfice lié au traitement était moins net (Tab. 7.1).



Les conclusions de la DRS étaient les suivantes :



pour les rétinopathies diabétiques proliférantes sans « facteur de haut risque » et pour les rétinopathies diabétiques non proliférantes sévères, les résultats de la DRS n’ont pas prouvé qu’il existait un bénéfice visuel à traiter avant l’apparition de « facteurs de haut risque ». Une deuxième étude prospective, l’Early Treatment Diabetic Retinopathy Study (ETDRS), a été menée dans les années 1980 aux États-Unis. Elle avait pour but de rechercher s’il existait un intérêt en termes d’acuité visuelle à réaliser une photocoagulation panrétinienne précoce, c’est-à-dire avant l’apparition d’une rétinopathie diabétique proliférante compliquée de « facteurs de haut risque » [28]. Environ 3 500 patients ayant une rétinopathie diabétique bilatérale non proliférante, associée on non à un œdème maculaire minime à sévère ou proliférante débutante ont été inclus dans cette étude. Un œil de chaque patient a été randomisé pour une des quatre stratégies thérapeutiques combinant une photocoagulation panrétinienne immédiate (plus ou moins dense) et un traitement focal immédiat de l’œdème maculaire ou une photocoagulation panrétinienne différée jusqu’à l’apparition de « facteurs de haut risque ».

Les résultats ont été les suivants :



le risque de baisse sévère de la vision était faible pout tous les groupes, y compris pour les yeux non traités (Tab. 7.2). En effet, en l’absence de traitement immédiat, le risque de baisse sévère de la vision à 5 ans pour les yeux ayant une rétinopathie diabétique non proliférante sévère ou proliférante débutante et un œdème maculaire n’était que de 6,5 %. La photocoagulation précoce permettait de réduire ce risque à 3,8 et 4,7 % selon la stratégie utilisée, mais la différence n’était pas statistiquement significative ;



Les recommandations de l’ETDRS étaient les suivantes :




Commentaires. L’indication à réaliser une photocoagulation panrétinienne lorsqu’existe une rétinopathie diabétique proliférante compliquée de néovascularisation sévère exposant au risque de cécité à court terme est indiscutable pour tous. En revanche, lorsque la néovascularisation est moins sévère ou au stade de préprolifération, le bénéfice fonctionnel lié à la photocoagulation panrétinienne est moins net, et l’indication de laser est, d’après ces études, plus discutable.


Néanmoins, il nous paraît justifié de proposer un traitement par laser avant qu’apparaissent les complications de la néovascularisation : en effet, la survenue d’une hémor- ragie du vitré marque un tournant dans l’évolution de la rétinopathie diabétique et risque de rendre plus difficile la réalisation de la photocoagulation panrétinienne.


Il paraît donc raisonnable de traiter toute rétinopathie diabétique proliférante et de discuter du traitement par laser au stade de rétinopathie diabétique préproliférante. Cependant, à ces stades, le traitement est mené en prévention de la baisse visuelle susceptible de survenir à moyen terme : il est donc important de limiter les effets secondaires du traitement et d’en prévenir les patients. Il est également important de tenir compte de certaines circonstances particulières telles qu’une grossesse, la mise sous pompe à insuline… et surtout de la compliance du patient pour décider de l’indication du traitement par laser.



Technique et mode de réalisation


La photocoagulation panrétinienne est réalisée en ambulatoire sous anesthésie topique, après dilatation pupillaire maximale. Une anesthésie péribulbaire est exceptionnellement nécessaire chez certains sujets supportant mal la photocoagulation. En cas de douleurs importantes et d’anxiété, il peut être utile de prescrire des antalgiques et des anxiolytiques avant la session de laser.





Réalisation pratique


La photocoagulation panrétinienne est habituellement réalisée en six à huit séances, chaque séance comportant l’application de 350 à 500 impacts. Avec le laser Pascal, on réalise un plus grand nombre d’impacts par session (cf. plus loin). La photocoagulation est habituellement débutée au niveau de la rétine inférieure (qui sera ainsi traitée si survient une hémorragie du vitré), puis est poursuivie en nasal de la papille, en périphérie supérieure et terminée en périphérie temporale. Les impacts sont disposés de l’arcade des vaisseaux temporaux (en débutant habituellement à 1/2 diamètre papillaire des vaisseaux temporaux), jusqu’à l’équateur (repéré par le golfe des veines vortiqueuses) (Fig.7.2 et 7.3).




La taille des impacts sur la rétine varie selon le verre utilisé (Tab. 7.3). Avec un verre de Goldmann, le diamètre des impacts rétiniens est à peu près celui affiché sur la lampe à fente ; il est habituel d’utiliser un diamètre de 400 à 500 μm. Pour les verres Panfundoscope® et QuadrAsphéric®, la taille des impacts est le double du diamètre affiché sur la lampe à fente ; on utilise habituellement un diamètre affiché de 200 à 250 μm.


Le temps d’exposition est de 0,10 à 0,20 seconde. Chez des patients sensibles, il est utile de réduire ce temps d’exposition à 0,05 seconde. L’intensité à utiliser correspond à l’intensité nécessaire pour obtenir des impacts de coloration blanc chamois sur la rétine.


La confluence des impacts est fonction du type de rétinopathie diabétique proliférante à traiter. Dans la plupart des cas, ces impacts sont contigus mais sans chevauchement, ou non confluents séparés par la taille d’un impact. Cependant, dans de rares cas de rétinopathies diabétiques proliférantes sévères telles que les rétinopathies diabétiques florides, les impacts doivent être plus confluents et se chevaucher, jusqu’à l’ora serrata.



Nouvelle technologie


Le laser PASCAL (Pattern Scan Laser) est un nouveau laser de 532 nm semi-automatique, permettant d’un seul coup de pédale, d’appliquer une série de 4 à 56 impacts, de très courte durée (10 à 20 msec), en moins de 1 sec [33, 34]. Il existe plusieurs modalités d’application (en carré, arciformes, en grille complète ou partielle…) (Fig.7.4). La puissance utilisée est supérieure à celle des lasers conventionnels, mais sans effet délétère. La courte durée des impacts permet une moindre diffusion de l’effet thermique vers la choroïde et vers la rétine externe, et réduit la douleur. Grâce à ce laser, il est possible de réaliser les PPR avec un nombre réduit de sessions (d’environ 1 000 impacts) ; ce laser semble aussi efficace que les lasers conventionnels. Le recul est encore faible, mais il ne semble pas davantage majorer l’œdème maculaire que les lasers conventionnels.





Effets secondaires


Des effets secondaires de la photocoagulation panrétinienne peuvent être observés [35] :





le développement de proliférations fibreuses peut être favorisé par la photocoagulation panrétinienne (Fig.7.5). De plus, la photocoagulation panrétinienne peut induire des rétractions vitréennes et causer des saignements à partir des néovaisseaux. Les patients doivent être prévenus de ce risque ;





Indications de la PPR


Rétinopathie diabétique proliférante + rubéose irienne : photocoagulation panrétinienne immédiate et urgente, en 8 à 15 jours.


Rétinopathie diabétique proliférante sévère ou compliquée d’hémorragie pré- ou intravitréenne : photocoagulation panrétinienne en 6 semaines à 2 mois.


Rétinopathie diabétique proliférante modérée : photocoagulation panrétinienne en 6 mois (une séance toutes les 3 à 4 semaines).


Rétinopathie diabétique proliférante minime ou rétinopathie diabétique non proliférante sévère : photocoagulation panrétinienne en 6 à 18 mois (une séance toutes les


En cas d’œdème maculaire associé : traiter l’œdème maculaire d’abord, et différer si possible la photocoagulation panrétinienne (sauf cas particulier, cf chapitre 6). En cas de RD non proliférante sévère, la PPR est préventive ; tenir compte :



de l’œdème maculaire associé : la PPR peut aggraver l’œdème maculaire (cfchapitre 6). La présence d’un OM, surtout chez le diabétique de type 2, conduira à retarder le début de la PPR ;





Traitement chirurgical



Indications


La vitrectomie a considérablement amélioré le pronostic des rétinopathies diabétiques proliférantes graves compliquées d’hémorragies du vitré ou de décollement de rétine tractionnel.


Les indications classiques de cette chirurgie sont au nombre de trois :






Hémorragie intravitréenne


L’hémorragie intravitréenne persistante empêchant la réalisation d’une photocoagulation panrétinienne efficace est une indication à la vitrectomie. La vitrectomie est réalisée dans un délai variant de 6 semaines à 3 mois après le début de l’hémorragie, et en l’absence d’une résorption spontanée [37] (Fig.7.6). Elle est réalisée d’autant plus précocement que le patient est monophtalme ou que l’hémorragie est bilatérale, qu’il n’y a pas eu de traitement par laser avant la survenue de cette hémorragie, et surtout que le patient est jeune. Il est en effet dangereux de laisser évoluer sans traitement des proliférations fibrovasculaires très actives, telles qu’on les rencontre chez les sujets jeunes, derrière une hémorragie intravitréenne : elles présentent un risque important d’évolution vers la rétraction et le décollement de rétine [38]. Pour ces patients jeunes, il est recommandé de ne pas attendre plus de 6 semaines pour réaliser la vitrectomie, en l’absence de résorption spontanée de l’hémorragie intravitréenne. Une échographie en mode B sera toujours réalisée à la recherche d’un décollement de rétine associé à l’hémorragie intravitréenne.



Une forme particulière d’hémorragie intravitréenne est l’hémorragie rétrohyaloïdienne prémaculaire : elle peut, dans certains cas, surtout lorsqu’elle est associée à des proliférations fibreuses importantes, entraîner rapidement une rétraction maculaire sévère. C’est une indication à une vitrectomie précoce [39].



Décollement de rétine par traction


Le décollement de rétine par traction décollant la macula est une indication à une vitrectomie rapide (Fig.7.7). En revanche, les décollements tractionnels extramaculaires ne sont pas des indications à la chirurgie : en effet, l’extension de ces décollements à la macula est lente : 14 % en 1 an, 21 % en 2 ans, 23 % en 3 ans [40]. Enfin, les décollements tractionnels maculaires de longue durée (supérieure à un an) ne sont plus des indications à la chirurgie, les espoirs d’amélioration fonctionnelle étant infimes.





Autres indications


Il existe d’autres indications chirurgicales plus rares : les fibroses prémaculaires à l’origine d’une rétraction maculaire, les proliférations recouvrant le pôle postérieur (Fig 7.8) ; les proliférations fibrovasculaires évolutives qui se développent malgré la photocoagulation panrétinienne. Elles s’observent chez les diabétiques de type 1 jeunes, souvent dans le cadre de rétinopathie diabétique floride et sont des indications à une vitrectomie rapide [41]. La vitrectomie est également indiquée en cas d’œdème maculaire tractionnel [42, 43].





Résultats


Les résultats visuels sont habituellement satisfaisants après chirurgie pour hémorragie du vitré. Une amélioration de l’acuité visuelle est obtenue dans 60 à 83 % des cas selon les publications, et une acuité supérieure ou égale à 0,2 dans 40 à 62 % des cas [44, 45].


Les résultats fonctionnels sont plus décevants après chirurgie pour décollement de rétine tractionnel, avec une amélioration visuelle dans 60 à 80 % des cas, mais une acuité supérieure ou égale à 0,2 dans 20 à 58 % des cas seulement. Enfin, les résultats sont encore plus médiocres après chirurgie pour décollement mixte avec une amélioration visuelle dans 30 à 50 % des cas, mais une acuité supérieure ou égale à 0,2 dans 20 à 35 % des cas.


Ces résultats fonctionnels décevants sont liés à des altérations maculaires ischémiques et atrophiques souvent présentes en postopératoire (Fig.7.9).


Jul 20, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 7: Traitement de la rétinopathie diabétique

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