1: Épidémiologie de la rétinopathie diabétique

Chapitre 1 Épidémiologie de la rétinopathie diabétique



Les principales données épidémiologiques concernant la rétinopathie diabétique proviennent d’études à base communautaire réalisées en Europe ou aux États-Unis, la plus importante d’entre elles étant la Wisconsin Epidemiologic Study of Diabetic Retinopathy ou WESDR, menée par Klein et al. dans la région du Wisconsin aux États-Unis [1, 6, 7, 14, 15, 2729]. Mais ces données, même si elles restent importantes, sont maintenant anciennes et surestiment probablement les valeurs actuelles de prévalence et d’incidence de la rétinopathie diabétique et de ses complications.



Incidence et prévalence de la cécité liée à la rétinopathie diabétique


Dans la majorité des pays européens, on manque d’informations fiables sur la prévalence et l’incidence de la cécité du fait notamment de la fréquente absence de registre de cécité. Néanmoins, la plupart des études épidémiologiques citent la rétinopathie diabétique parmi les cinq premières causes de cécité avec la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), le glaucome, la cataracte et la myopie dégénérative. La rétinopathie diabétique apparaît comme la première cause de cécité avant l’âge de 50 ans [1]. Aux États-Unis, elle est responsable d’environ 12 % des nouveaux cas de cécité annuels. Dans une étude récente, 3,8 % des patients diabétiques américains de plus de 20 ans présentaient une malvoyance contre 1,4 % dans une population non diabétique de même âge [2]. Il existe une différence selon l’origine ethnique des diabétiques : la rétinopathie diabétique est responsable de 5,4 % des cas de cécité et de 4,9 % des cas de malvoyance observés chez des adultes blancs américains de plus de 40 ans, contre 7,3 % et 14,5 % respectivement chez des sujets afro-américains, et 14,3 % et 13 % chez des sujets d’origine hispanique [3]. En Europe, dans une étude danoise, la rétinopathie diabétique était la cause de cécité chez près de 13 % des aveugles nouvellement enregistrés [4]. Globalement, on peut estimer qu’après 15 ans de diabète, 2 % des diabétiques sont aveugles et 10 % souffrent de malvoyance.


Les meilleures estimations de la prévalence de la cécité et de la rétinopathie diabétique proviennent d’études à base communautaire réalisées en Europe ou aux États-Unis, notamment de la Wisconsin Epidemiologic Study of Diabetic Retinopathy ou WESDR, menée par Klein et al., enquête en population générale dans le Wisconsin aux États-Unis [1]. Cette étude a retrouvé une prévalence de cécité liée à la rétinopathie diabétique de 3,6 % chez les diabétiques de type 1, et de 1,6 % chez les diabétiques de type 2. En Europe, l’Eurodiab Study, enquête épidémiologique multicentrique menée sur 3 250 diabétiques de type 1 issus de 31 centres hospitaliers de diabétologie européens, a retrouvé une prévalence de cécité de 2,3 % [4]. En France, il n’y a pas de données épidémiologiques nationales sur la rétinopathie diabétique. Dans une étude menée sur 423 diabétiques de type 2 recrutés dans huit centres, Delcourt a retrouvé une prévalence de cécité de 1,2 % et de malvoyance de 7 %, la cataracte étant la principale cause de cécité [5].


L’incidence de la cécité et de la malvoyance chez les diabétiques a été étudiée dans la WESDR [6, 7] (Tab. 1.1) : l’incidence annuelle de cécité liée au diabète était de 3,3 pour 100 000 habitants. Dans une étude anglaise plus récente, 4,8 % des diabétiques de type 2 âgés de plus de 60 ans ont développé une cécité légale après un suivi médian de 6 ans [8]. La rétinopathie diabétique semble enfin plus grave chez les sujets afro-américains, avec dans une série récente de 483 diabétiques de type 1, une incidence à 6 ans de malvoyance égale à 13,5 % [9].



Des chiffres très différents de prévalence et d’incidence de la cécité liées au diabète sont retrouvés dans les pays qui ont un programme de dépistage. En effet, le dépistage systématique de la rétinopathie diabétique permet de réduire à quasiment zéro l’incidence annuelle de cécité [10, 11]. Il n’existe aucune étude française sur l’incidence annuelle de la cécité liée au diabète. Cependant, des études récentes réalisées par nos voisins européens, chez lesquels, comme chez nous, il n’existe pas de programme de dépistage systématique de la rétinopathie diabétique, montrent des taux d’incidence annuelle de la cécité liée à la rétinopathie diabétique encore élevés : 1,55 pour 100 000 habitants dans la région de Turin en Italie [12], 1,6 pour 100 000 habitants dans la région de Wurttemberg-Hohenzollern en Allemagne [13]. On peut donc estimer qu’en France, environ 1 000 personnes deviennent aveugles chaque année du fait d’une rétinopathie diabétique.



Épidémiologie de la rétinopathie diabétique



Incidence et prévalence de la rétinopathie diabétique


La prévalence de la rétinopathie diabétique chez les sujets diabétiques de type 1 ou dont le diabète a été diagnostiqué avant 30 ans varie de 47 à 75 % selon les études, et celle de la rétinopathie diabétique proliférante de 10 à 23 % [1426]. Chez les diabétiques de type 2, traités par hypoglycémiants oraux, la prévalence de la rétinopathie diabétique varie de 17 à 65 %, et celle de la rétinopathie diabétique proliférante de 1,4 à 8,8 %. Chez les diabétiques de type 2 traités par insuline, les prévalences de la rétinopathie diabétique et de la rétinopathie diabétique proliférante sont plus élevées et avoisinent les taux de prévalence observés chez les diabétiques de type 1. Les différences de prévalence entre les études sont dues d’une part à la méthode employée pour diagnostiquer la rétinopathie diabétique (l’ophtalmoscopie étant moins sensible que la méthode de référence qui est la photographie des sept champs du fond d’œil). D’autre part, certaines différences peuvent être dues à la date du diagnostic du diabète, notamment chez les diabétiques de type 2 ; ainsi, les prévalences les plus faibles sont observées dans les études de dépistage systématique du diabète chez des sujets asymptomatiques [1618]. Enfin, les taux de prévalence de la rétinopathie diabétique ont décru du fait de la meilleure prise en charge du diabète et des facteurs de risques associés. Ainsi, Delcourt et al. ont repris les huit études de population sur la prévalence de la rétinopathie diabétique, menées dans les pays occidentaux, au cours des vingt dernières années, la rétinopathie diabétique étant diagnostiquée à partir de photographies du fond d’œil (Tab. 1.2). Les résultats de ces études sont concordants et Delcourt conclut à une prévalence actuelle de la rétinopathie diabétique de 28,7 %, une prévalence de la rétinopathie diabétique proliférante de 2,6 % et de l’œdème maculaire de 4,8 % [26]. Enfin, la prévalence de la rétinopathie diabétique est plus élevée chez les Noirs, les Hispaniques, que chez les Caucasiens ou les Chinois [25].



L’incidence de la rétinopathie diabétique à 4 et 10 ans avait été donnée dans la Wisconsin Study [2729]. Dans cette étude, l’incidence cumulée à 4 ans de la rétinopathie diabétique était de l’ordre de 60 % pour les diabétiques de type 1, et de 40 % pour les diabétiques de type 2 ; celle de la rétinopathie diabétique proliférante était respectivement de 10,5 % et 5 % pour les deux groupes de patients. Dans les études les plus récentes, portant sur des diabétiques dont le diabète a été diagnostiqué à la fin des années 1980, les taux d’incidence de la rétinopathie diabétique sont plus faibles. Ainsi, l’incidence de la rétinopathie diabétique a été évaluée dans trois études réalisées en population générale ; l’incidence cumulée à 5 ans de la rétinopathie diabétique était respectivement de 11 % (95 % CI : 3,8-18,1), de 22,2 % (95 % CI : 14,1-32,2) et de 13,9 % dans les études des Melbourne VIP [30], Blue Mountains Eye Study [31] et AusDiab Study [32]. Dans la Liverpool Diabetic Eye Study, qui a suivi une large cohorte de patients diabétiques dans le cadre d’un programme de dépistage systématique, l’incidence cumulée à 5 ans de formes sévères de rétinopathie diabétique menaçant la vision chez des patients sans rétinopathie diabétique initiale est de 3,9 %, tant chez les diabétiques de type 1 que de type 2 (Tab. 1.3) [33, 34]. Cela traduit encore l’effet de la meilleure prise en charge des diabétiques, et d’un traitement plus intensif du diabète, suite notamment aux résultats du DCCT [35]. Ainsi, dans l’étude suédoise (Diabetes Incidence Study in Sweden), l’incidence de la rétinopathie diabétique chez les diabétiques de type 1 à 10 ans est de 39 %, celle de la rétinopathie diabétique proliférante étant de 1,8 % [36], et dans l’étude DIRECT qui a évalué l’effet du candesartan sur l’incidence de la rétinopathie diabétique chez les diabétiques de type 1, l’incidence de la rétinopathie diabétique à 4,7 ans a été de 31 % chez les patients sous placébo [37]. Enfin, Hovind a comparé l’incidence de la rétinopathie diabétique dans quatre groupes de diabétiques (majoritairement de type 1), suivis dans le même centre, classés selon la date de début du diabète [38]. Il apparaît clairement une réduction significative de l’incidence à 20 ans de la rétinopathie diabétique proliférante et de l’œdème maculaire dans le groupe de patients dont le diabète a débuté en 1979/1980 par rapport aux autres groupes ; ceci s’accompagne d’un contrôle glycémique significativement meilleur, mais aussi d’un meilleur contrôle tensionnel et d’un traitement hypotenseur débuté plus précocement (Fig. 1.1). Enfin, Delcourt et al. estiment, d’après les études les plus récentes, l’incidence annuelle de la rétinopathie diabétique comprise entre 2 et 6 % [26].


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Jul 20, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 1: Épidémiologie de la rétinopathie diabétique

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