3: Sémiologie

Chapitre 3 Sémiologie




Microanévrismes




Diagnostic


Les microanévrismes se présentent sous forme de lésions punctiformes rouges, de diamètre variable, habituellement compris entre 10 et 100 μm, toujours inférieur à 125 μm. Ils peuvent être difficiles à distinguer ophtalmoscopiquement des hémorragies rétiniennes punctiformes superficielles (Fig. 3.1). Ils prennent parfois une coloration blanche par hyalinisation de leur paroi. Parfois isolés, ils avoisinent habituellement une microzone d’ occlusion capillaire. Les microanévrismes siègent le plus souvent au niveau du pôle postérieur.



En angiographie en fluorescence, les microanévrismes apparaissent sous forme de lésions punctiformes hyperfluorescentes, à bords nets, dont la fluorescence est maximale au temps artérioveineux. La paroi du microanévrisme peut être imperméable à la fluorescéine ou au contraire la laisser diffuser aux temps tardifs de l’angiographie.


Les microanévrismes doivent être distingués des anomalies microvasculaires intrarétiniennes (AMIR) et des dilatations capillaires, auxquelles ils peuvent être associés (Fig. 3.2 et 3.3).





Évolution


Le nombre de microanévrismes augmente progressivement au cours de l’évolution de la rétinopathie diabétique. Cette augmentation est un bon indice de sa progression dans ses stades initiaux. Plusieurs études ont montré que le nombre initial de microanévrismes et leur taux d’augmentation étaient de bons facteurs prédictifs de l’aggravation de la rétinopathie diabétique [1, 2].


Cependant, il existe un turn-over important des microanévrismes. En effet, certains peuvent s’occlure spontanément, tandis que d’autres apparaissent. La disparition d’un microanévrisme peut être due à son occlusion isolée ou à l’occlusion du capillaire qui le porte (Fig. 3.4).



La barrière hématorétinienne au niveau de la paroi du microanévrisme, constituée de cellules endothéliales, peut être normale ou altérée. Dans ce dernier cas, il se produit une diffusion plasmatique à travers la paroi ; le microanévrisme peut alors s’associer à une zone d’ œdème focal bordée le plus souvent d’exsudats qui s’organisent en « couronne » (exsudats circinés, Fig. 3.5). Il arrive que l’occlusion spontanée du microanévrisme s’accompagne de la disparition de l’œdème focal.




Histologie – Pathogénie


Même s’il peut se retrouver dans la conjonctive, le rein ou le myocarde du diabétique, le microanévrisme est assez caractéristique, mais non pathognomonique, de la rétinopathie diabétique. Les microanévrismes se développent à partir du réseau capillaire rétinien superficiel ou profond, au niveau de la portion veineuse du capillaire. Ils ont un aspect le plus souvent sacculaire, rarement fusiforme, et sont développés aux dépens de la paroi du capillaire. Leur paroi peut être hypercellulaire ou au contraire acellulaire. Yanoff en décrit deux types : les microanévrismes « jeunes » qui ont une paroi fine, constituée de cellules endothéliales, et les plus anciens qui ont une paroi épaisse, dont la lumière est occluse partiellement ou complètement par du matériel PAS positif (acide périodique Schiff) [3].


La pathogénie exacte du microanévrisme est mal connue. Ce pourrait être une ectasie pariétale favorisée par l’affaiblissement de la paroi des capillaires rétiniens dû à la perte des péricytes (théorie murale) [4]. Plus probablement, le microanévrisme serait un début de réponse néovasculaire à l’ischémie locale, les microanévrismes se développant dans la majorité des cas au voisinage d’une zone d’occlusion capillaire (Fig. 3.6 et 3.7) [5]. La disparition précoce des péricytes, les stimuli engendrés par l’ischémie focale, stimuleraient une prolifération des cellules endothéliales de certains capillaires, le bourgeonnement s’arrêtant au stade de microanévrisme [6].




L’occlusion spontanée du microanévrisme pourrait être due à la formation d’un thrombus au sein du microanévrisme, à l’occlusion de la totalité de la lumière du capillaire sur lequel il est développé par prolifération endothéliale ou à l’adhérence provisoire de plaquettes ou de leucocytes à sa paroi.




Hémorragies rétiniennes




Diagnostic


On distingue trois types d’hémorragies rétiniennes d’après leur aspect : les hémorragies punctiformes, les hémorragies en « flammèches » et les hémorragies en « taches » (Fig. 3.8 et 3.9).




Les hémorragies punctiformes sont superficielles, de petite taille (le plus souvent inférieure à 200 μm), en forme de « tête d’épingle », à limites nettes, parfois difficiles à distinguer des microanévrismes. On les observe dès les stades initiaux de la rétinopathie diabétique. En angiographie, elles restent hypofluorescentes, contrairement aux microanévrismes, réalisant un masquage localisé de la fluorescence sous-jacente.


Les hémorragies en « flammèches » sont également superficielles mais localisées dans la couche des fibres optiques ; elles suivent la direction des fibres optiques. Elles sont préférentiellement localisées dans la région péripapillaire. Lorsqu’elles sont nombreuses, elles incitent à rechercher une hypertension artérielle associée à la rétinopathie diabétique.


Les hémorragies en « taches » sont plus profondes, de plus grande taille, à bords irréguliers. Elles peuvent siéger au pôle postérieur aussi bien qu’en périphérie rétinienne (Fig. 3.9 et 3.10). Elles sont localisées en bordure ou au sein de territoires rétiniens ischémiques. En grand nombre, elles témoignent indirectement d’une ischémie rétinienne étendue. Cette valeur sémiologique est importante à connaître.






Anomalies de la zone avasculaire centrale et de la maille capillaire maculaire




Diagnostic


La zone avasculaire centrale est la région située au centre de la macula, dépourvue de capillaires. Son diamètre normal est compris entre 350 et 750 μm, mais est en fait très variable d’un individu à l’autre. Sur ses bords, les capillaires périfovéolaires forment deux à trois rangées d’arcades et sont disposés en une couche unique, ce qui permet de bien analyser leur morphologie. Sur les bords de la macula, et au-delà, on retrouve la structure habituelle de superposition des capillaires superficiels (dans la couche des fibres nerveuses) et profonds (dans la couche plexiforme externe).


L’appréciation des modifications de la zone avasculaire centrale ne peut se faire que sur une angiographie en fluorescence.


Au cours de la rétinopathie diabétique, on observe une dilatation capillaire anormale, des occlusions capillaires au sein de l’arcade anastomotique périfovéolaire, donnant un aspect irrégulier à la zone avasculaire centrale, et un agrandissement des espaces intercapillaires maculaires. L’extension des zones d’ occlusion capillaire résulte en un agrandissement progressif de la zone avasculaire centrale (Fig. 3.12 et 3.13).




On observe parfois, sur les clichés en lumière bleue, des zones plus sombres dans la macula, correspondant à des microzones d’occlusion capillaire : elles traduisent une hyperréflectivité de la lumière bleue au niveau de la rétine amincie ischémique (Fig. 3.14) [11].





Nodules cotonneux




Diagnostic


Le nodule cotonneux se présente sous forme d’un épaississement blanc, focal, dans la couche des fibres optiques, de grand axe perpendiculaire à l’axe des fibres optiques, de taille variable, dont les extrémités ont parfois un aspect peigné (Fig. 3.17). Il est parfois accompagné d’une hémorragie rétinienne superficielle en « flammèches ».



En angiographie, il apparaît typiquement sous forme d’une zone hypofluorescente, à la fois par masquage lié à l’opacification blanche des axones par le matériel axoplasmique et par non-perfusion capillaire secondaire à l’occlusion d’une artériole précapillaire. Aux temps tardifs de l’angiographie, l’aspect est variable. Lorsque le nodule cotonneux est récent, il y a peu de coloration tardive. Lorsqu’il est plus ancien, il y a souvent une dilatation des capillaires de voisinage et une coloration tardive par les bords.


Sur les clichés en lumière bleue, on observe fréquemment, en regard du nodule cotonneux, un déficit arciforme des fibres optiques traduisant leur amincissement secondaire à l’ischémie. Cet aspect est définitif et persiste même après disparition du nodule cotonneux.




Histologie – Pathogénie


Les nodules cotonneux traduisent une ischémie localisée des fibres optiques secondaire à l’occlusion d’une artériole rétinienne précapillaire (Fig. 3.20) [17]. En histologie, le nodule cotonneux est constitué d’un agrégat de corpuscules allongés ou sphériques appelés corps cystoïdes, contenant un pseudo-noyau [18]. L’examen en microscopie électronique a montré que ces corpuscules correspondent en fait aux extrémités globulisées des axones nerveux interrompus. Ils contiennent un matériel amorphe dense fait de débris d’organelles cytoplasmiques telles que des mitochondries, du réticulum endoplasmique et des neurofilaments. Cette accumulation de matériel traduit l’interruption localisée du flux axoplasmique antérograde et rétrograde.





Anomalies microvasculaires intrarétiniennes (AMIR)








Anomalies veineuses




Diagnostic


Les anomalies veineuses au cours de la rétinopathie diabétique peuvent prendre plusieurs formes : veines en « chapelet » ou moniliformes, boucles veineuses ou zone de duplication veineuse.


Les veines en « chapelet » ou moniliformes représentent des segments de veinules ou de veines rétiniennes dilatées associées à des zones de rétrécissement veineux (Fig. 3.26, 3.27 et 3.28). Elles sont bien visibles en ophtalmoscopie et représentent des signes indirects d’ischémie rétinienne. En angiographie, leur paroi est souvent hyperfluorescente ; ces anomalies s’observent toujours au sein de territoires étendus de non-perfusion rétinienne.





Les boucles veineuses ou les segments de veines en forme d’« oméga » sont plus rares, ainsi que les duplications veineuses. Elles se développent sur les veines de moyen ou gros calibre (Fig. 3.28, 3.29 et 3.30). Elles apparaissent également dans les zones de non-perfusion. Elles n’ont pas de valeur prédictive quant à la survenue d’une néovascularisation.







Ischémie rétinienne




Diagnostic


L’ischémie rétinienne peut être diagnostiquée cliniquement au biomicroscope, et sur les photographies du fond d’œil par des signes indirects : hémorragies intrarétiniennes en « taches », anomalies veineuses telles que veines en « chapelet », boucles veineuses rétiniennes, AMIR (Fig. 3.31 et 3.32). Les nodules cotonneux traduisent une ischémie focale des fibres optiques secondaire à l’occlusion d’une artériole précapillaire. Le nombre et l’extension de ces signes permettent de quantifier l’étendue de l’ischémie rétinienne. Parfois, au sein de vastes territoires d’ ischémie rétinienne, on peut observer des vaisseaux blancs déshabités, correspondant à des vaisseaux artériolaires ou artériels occlus (Fig. 3.33 et 3.34).





Jul 20, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 3: Sémiologie

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