7: Cancer du col

Chapitre 7 Cancer du col





Cancer du col


Le cancer du col touche tous les ans dans le monde près de 500 000 femmes dont 80 % dans les pays en voie de développement. C’est la deuxième cause de cancer chez la femme : 270 000 en meurent tous les ans.


En France, l’incidence de ce cancer a diminué de moitié en 20 ans grâce au dépistage, mais il touche encore 3 000 femmes et provoque 1000 décès par an le situant au 15e rang des cancers féminins pour la mortalité loin derrière le cancer du sein (10 800 décès).


Il a le gros avantage d’être précédé pendant plusieurs années de lésions précancéreuses ou intra-épithéliales, d’être accessible au dépistage. Il est donc de ce fait hautement curable car diagnostiqué à son début. Encore faudrait-il le chercher !




Histoire naturelle du cancer du col (figure 7.1)



L’infection à HPV précède de 20 ans le cancer


Nous avons vu que l’infection par les papilloma virus humains (HPV) génitaux est une infection sexuellement transmissible touchant principalement les femmes jeunes entre 20 et 30 ans et acquise précocement dans les 2 ans qui suivent le premier rapport sexuel. La précocité des rapports, la multiplicité des partenaires, le tabac favorisent ces infections. Le plus souvent l’infection guérit spontanément en 1 à 3 ans. Le virus disparaît la femme développant spontanément des anticorps. Dans trois à dix pour cent des cas, l’infection persiste et peut évoluer entraînant des lésions précancéreuses ou cancéreuses. Les papilloma virus humains comportent plus de 120 génotypes chacun ayant un tropisme épithélial particulier cutané ou muqueux. Les virus 6-11 sont à faible risque et donnent des condylomes ou des lésions intra-épithéliales de bas grade, qui disparaissent spontanément dans la plupart des cas (cf. chap. 6). Les virus de type 16-18, 31-33-45 ont un pouvoir oncogène et sont associés à des lésions intra-épithéliales de haut grade qui peuvent évoluer en cancer invasif. Les lésions de bas grade régressent dans près de 50 % des cas en moins de 2 ans. Si elles persistent, elles peuvent évoluer en 2 ou 3 ans vers les lésions de haut grade qui peuvent à leur tour régresser ou, en une dizaine d’années, devenir un cancer invasif. L’évolution, on le voit, est généralement lente et le cancer ne survient que vers l’âge de 40 ans, alors que l’infection HPV est survenue dans les 2 ans qui suivent les premiers rapports (figures 7.2 et 7.3). On a donc largement le temps de dépister, surveiller et traiter les lésions précancéreuses pour éviter l’apparition de lésions invasives.






Intégration du génome de l’HPV oncogène dans les cellules de la jonction squamocylindrique


L’homme est porteur d’HPV le plus souvent de façon asymptomatique. Chez la femme, la zone de jonction pavimentocylindrique du col est particulièrement fragile du fait des remaniements et permet l’entrée du virus. Nous avons vu que lorsqu’un ectropion existe au niveau du col, celui-ci a tendance à disparaître spontanément :



Ce processus de métaplasie peut se vicier et conduire à un épithélium malpighien anormal ou néoplasie intra-épithéliale, au lieu d’un épithélium malpighien normal identique à celui de l’exocol.


Les cellules infectées par HPV peuvent se transformer en lésions de bas grade qui peuvent régresser ou évoluer vers le haut grade, voire le cancer (cf. figure 7.2). La plupart des infections étant subcliniques l’évolution vers un cancer est liée à la persistance de l’ADN viral et plus précisément à l’intégration du génome viral au sein du génome des cellules hôtes. L’intégration de l’ADN viral conduit à une hyperexpression des gènes E6 et E7. Les protéines virales E6 et E7 sont capables de se lier aux protéines cellulaires p53 et pRb et ainsi inactiver les deux protéines qui contrôlent le cycle cellulaire et l’apoptose (Collot Texeira, 2004). Les virus de type 16-18 mais aussi 31-33, 35, 39, 45, 51 sont dits oncogènes et liés aux lésions de haut grade ou aux cancers. À lui seul, HPV 16 serait à l’origine de 50 % des tumeurs et 80 % des cancers sont dus aux HPV dits à haut risque, types 16-18, 31, 45. Les virus 16 et 18 sont les génotypes à haut risque les plus fréquemment trouvés quelle que soit la zone géographique. La répartition des types des autres virus varie selon les régions avec prédominance du type 33 en Europe et en Amérique du Nord, 31 en Amérique centrale et du Sud, 45 en Asie et en Afrique (Munoz et al., 2004).


Le risque d’avoir une lésion intra-épithéliale est de 3 pour les femmes entre 20 et 40 ans.


Les facteurs favorisant l’apparition de ces lésions sont connus. Outre le rôle d’HPV, on insiste actuellement sur le tabac et l’immunodéficience. En cas de séropositivité au VIH, l’incidence des CIN varie de 20 à 40 % ; les femmes séropositives ont donc 5 fois plus de chances d’avoir une CIN. Elles doivent être particulièrement surveillées (Mandelblatt, 1992).





Diagnostic du cancer du col infraclinique ou dépistage du cancer du col


Le cancer du col au début n’a pas de signes cliniques mais, le col étant facilement accessible, il peut être dépisté au stade de lésions intra-épithéliales.



Pourquoi faire le dépistage du cancer du col ?


La réponse est très simple, les lésions intra-épithéliales guérissent à 100 % avec un traitement minime : résection à l’anse diathermique, laser, conisation ou hystérectomie. Par contre, le cancer invasif aux stades peu avancés I et IIa ne guérit que dans 80 à 85 % des cas à 5 ans avec un traitement lourd et mutilant comportant le plus souvent : curiethérapie, colpohystérectomie élargie avec lymphadénectomie et éventuellement une irradiation complémentaire. Pour les cancers au stade IIb, le taux de guérison n’est plus que de 55 % à 5 ans, pour les stades III de 25 %.


Le dépistage a donc pour but d’amener au thérapeute des patientes ayant une lésion encore intra-épithéliale, dont le traitement empêchera l’apparition du cancer invasif, ou un cancer invasif débutant permettant un traitement efficace.


Le principe du dépistage du cancer du col repose sur l’histoire naturelle du cancer du col. Il suppose que la lésion intra-épithéliale de bas puis de haut grade précède le cancer in situ et que ce dernier précède le cancer invasif, l’ensemble de ces phénomènes s’étalant en moyenne sur 15 ans. On a calculé que le taux normal de progression de la lésion intra-épithéliale de haut grade vers le cancer invasif est approximativement de 5 à 6, qu’il faut 3 ans à une lésion de bas grade pour devenir une lésion de haut grade et qu’il faut en moyenne 13 ans à un cancer in situ pour se transformer en cancer invasif. Une lésion intra-épithéliale surtout de bas grade peut régresser spontanément dans 30 à 40 % des cas.




À qui faire un frottis du col ?


Nous avons vu en regardant la figure 7.2 que le pic de fréquence d’infections à HPV et des dysplasies est 26–30 ans. Faire un frottis entre 40 et 45 ans est bien, mais trop tardif si l’on veut diagnostiquer le cancer avant qu’il ne soit invasif.


Le rythme de dépistage a été précisé par une conférence de consensus française en 1990. Elles sont reprises par le Code européen contre le cancer, les références médicales opposables de 1997 et l’Anaes en 1994 et 2002 :



Il n’y a pas lieu, chez une femme asymptomatique, sans antécédents d’affection gynécologique, sans facteurs de risque, sans anomalies constatées à l’examen clinique et dont le frottis s’est révélé normal, de répéter ce frottis plus d’une fois tous les 3 ans, une fois les deux premiers réalisés à 1 an d’intervalle. L’examen gynécologique annuel qui est recommandé permettra de vérifier si les conditions cliniques ci-dessus sont toujours réunies.


Si tous ces frottis se sont révélés normaux, le dépistage sera arrêté après 65 ans car les statistiques montrent qu’après cinq frottis négatifs le risque de cancer du col est voisin de zéro.


Ainsi réalisé et surtout étendu à toutes les femmes, ce programme réduirait en France le risque de cancer du col de 91 %.


Ce programme peut être modifié chez des patientes à haut risque (femmes immunodéprimées, femmes traitées et suivies pour une lésion intra-épithéliale).


Il faut cependant se souvenir qu’il vaut mieux des frottis touchant l’ensemble des femmes et espacés, que des frottis rapprochés sur une fraction de la population.


À titre d’exemple, une périodicité annuelle ne ferait passer l’effet du dépistage qu’à 93 % au lieu de 91 %, alors qu’il en triplerait le prix. En commençant le dépistage aux premiers rapports sexuels au lieu de 25 ans, l’efficacité passerait de 91 à 91,5 % seulement. Actuellement en France, 36 % des femmes à qui on découvre un cancer invasif du col n’ont jamais eu de frottis et 34 % en ont eu un qui date de plus de 3 ans (Mubiayi, 2002). Une enquête de la Sofres en 2002 montrait que 73 % des femmes seulement déclaraient avoir eu un frottis dans les 3 ans.


Un programme organisé de dépistage a été organisé dans cinq départements depuis 1998, il a montré de bons résultats notamment dans la région de l’Alsace. En 2010, il a été élargi à neuf autres départements et sa généralisation a été recommandée par la HAS.


Le rôle du médecin traitant est donc essentiel dans le dépistage. Il doit repérer les femmes qui ne se font pas suivre et leur faire lui-même un frottis à l’occasion du renouvellement de leur contraception, des consultations prénuptiale, pré- et postnatale. Il sera fait dans les consultations des CIVG (centre interruption volontaire de grossesse), des centres de planning, des cliniques vénériennes.






Frottis classique ou en phase liquide


Le prélèvement peut être fait avec une spatule et fixé sur une lame, procédé classique en couche mince (cf. chap. 2) ou monocouche en phase liquide. On utilise alors la petite brosse ou une spatule fournie avec le flacon de liquide. Le prélèvement est fait par rotation de la spatule ou de la brossette sur la zone de jonction. On fait ensuite tourner celle-ci dans le flacon de liquide en pressant l’instrument sur les parois pour favoriser le transfert des cellules dans le liquide. Il n’y a pas d’étalement à faire et ce type de prélèvement est moins préleveur dépendant. Il réduit le nombre de frottis ininterprétables. Sa sensibilité est augmentée par rapport au frottis classique mais il ne change pas le taux d’anomalies indéterminées. Il permet la recherche de virus HPV sur le même prélèvement. Plus cher, il ne semble pas supérieur à la cytologie classique dans la mesure où le problème principal est que 30 % des femmes n’ont pas de frottis tous les 3 ans. Il n’est pas recommandé en routine par la HAS (2010), NICE en Angleterre ou l’ACOG (ACOG, 2003). Il peut être utile pour la recherche de virus oncogènes en cas de frottis indéterminés (Anaes, 2004).



Effet du dépistage sur l’incidence de la maladie et sa mortalité


Le dépistage est introduit lentement dans une population où, du fait des progrès de l’hygiène, l’évolution spontanée de l’incidence du cancer du col est en baisse. On peut donc se demander si le dépistage ne permet pas de découvrir seulement les formes à évolution lente et de bon pronostic en laissant passer les formes à évolution rapide.


Cependant, des expériences de dépistage généralisé, comme celles de la Colombie britannique ou de la Suède qui, avec un programme de dépistage comportant un frottis tous les 5 ans, ont fait disparaître 75 % des cancers invasifs du col, sont impressionnantes. On trouvera figures 7.4 et 7.5 à titre d’exemple, les résultats de l’expérience finlandaise et anglaise montrant là aussi l’influence d’un programme bien organisé et évalué, ce qui n’est malheureusement pas le cas en France.




Si plus personne ne conteste aujourd’hui l’efficacité du dépistage par frottis, il persiste néanmoins 20 à 30 % de faux négatifs. La sensibilité du frottis étant médiocre. C’est la répétition des frottis qui en fournit les bons résultats. Des améliorations ont été proposées pour perfectionner l’efficacité du dépistage : prélèvements en milieux liquides, lecture automatique des lames, typage des virus HPV afin d’identifier les femmes à risque. Il est trop tôt pour en tirer des conclusions en vue d’une éventuelle modification des règles du dépistage de masse (Sasco, 2000). L’association à l’HPV représente la meilleure des solutions permettant la sélection des femmes à risque par le virus et le diagnostic des lésions par le frottis, néanmoins cette solution retenue aux États-Unis pose le problème des femmes qui ont un dépistage du virus oncogène positif et un frottis normal et majore le coût de manière importante (Lavoué et al., 2010). La HAS dans ses recommandations de 2010 ne propose pas de modifier les modalités du dépistage mais d’organiser celui-ci.



Interprétation du résultat du frottis vaginal


L’interprétation du résultat du frottis reposait jusqu’en 1989 sur la classification de Papanicolaou en cinq classes. Ces classes ne correspondent plus aux connaissances que nous avons sur les lésions précancéreuses et les lésions dues à HPV. C’est pourquoi les cytologistes, lors de la conférence de consensus de Bethesda en 1988, actualisée en 2003 (Berck, 2003), ont décidé de simplifier la terminologie cytologique et de proposer un canevas de rédaction du compte rendu. Le médecin se doit donc de lire ce compte rendu qui est une interprétation de ce qu’a vu le cytologiste et ne pas se contenter de la lecture d’une classe cotée de 1 à 5 qui doit disparaître. Le compte rendu doit comporter des informations sur :


La qualité du prélèvement :



L’interprétation et le résultat :



image absence de lésion malpighienne intra-épithéliale ou de signes de malignité. S’il y a lieu, le cytologiste précisera la présence de micro-organismes : Trichomonas vaginalis, éléments mycéliens évoquant le Candida, anomalies de la flore évoquant une vaginose bactérienne ; bactéries de type actinomyces ; modifications cellulaires évoquant un herpès simplex. D’autres modifications non néoplasiques peuvent être notées : modifications réactionnelles (inflammation, irradiation, ou présence de dispositif intra-utérin), présence de cellules glandulaires post-hystérectomies ; atrophie ;


image anomalies de cellules malpighiennes :







image anomalies des cellules glandulaires :








La conclusion :



Apr 23, 2017 | Posted by in GYNÉCOLOGIE-OBSTÉTRIQUE | Comments Off on 7: Cancer du col

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