Chapitre 7 Cancer du col
• Dépister un cancer du col. (A)
• Diagnostiquer une lésion de bas ou haut grade du col. (A)
• Diagnostiquer un cancer invasif du col. (A)
• Préciser le bilan nécessaire avant la mise en route du protocole thérapeutique d’un cancer invasif du col. (C)
• Expliquer à la patiente, ou sa famille, les principales modalités thérapeutiques d’un cancer in situ du col. (B)
• Expliquer à la patiente, ou sa famille, les principales modalités thérapeutiques d’un cancer invasif du col au début. (C)
• Décrire la classification internationale des cancers du col et les chances de survie à 5 ans, en fonction du stade, après un traitement correct. (C)
• Surveiller une femme ayant subi le traitement d’un cancer du col. (A)
Cancer du col
Le cancer du col touche tous les ans dans le monde près de 500 000 femmes dont 80 % dans les pays en voie de développement. C’est la deuxième cause de cancer chez la femme : 270 000 en meurent tous les ans.
Fréquence du cancer du col
L’incidence du cancer invasif du col en France est aujourd’hui de 8/100 000 femmes (Francim, 2000) en 6e position après :
le cancer du sein : 89/10 000 (44 000 cas) ;
le cancer du côlon : 25/100 000 (17 000 cas) ;
le cancer de l’endomètre : 9,2/100 000 (5000 cas) ;
le cancer de l’ovaire : 9/100 000;
L’incidence des lésions intra-épithéliales est plus élevée et on estime que ce sont aussi 85 000 femmes qui ont un frottis anormal, 69 000 femmes qui ont une lésion de bas grade ou 15 000 qui ont une lésion de haut grade tous les ans. Cette incidence augmente chez les femmes VIH positives pour atteindre près de 50 % dans certaines populations (Drapkin et al., 1997).
Histoire naturelle du cancer du col (figure 7.1)
L’infection à HPV précède de 20 ans le cancer
Nous avons vu que l’infection par les papilloma virus humains (HPV) génitaux est une infection sexuellement transmissible touchant principalement les femmes jeunes entre 20 et 30 ans et acquise précocement dans les 2 ans qui suivent le premier rapport sexuel. La précocité des rapports, la multiplicité des partenaires, le tabac favorisent ces infections. Le plus souvent l’infection guérit spontanément en 1 à 3 ans. Le virus disparaît la femme développant spontanément des anticorps. Dans trois à dix pour cent des cas, l’infection persiste et peut évoluer entraînant des lésions précancéreuses ou cancéreuses. Les papilloma virus humains comportent plus de 120 génotypes chacun ayant un tropisme épithélial particulier cutané ou muqueux. Les virus 6-11 sont à faible risque et donnent des condylomes ou des lésions intra-épithéliales de bas grade, qui disparaissent spontanément dans la plupart des cas (cf. chap. 6). Les virus de type 16-18, 31-33-45 ont un pouvoir oncogène et sont associés à des lésions intra-épithéliales de haut grade qui peuvent évoluer en cancer invasif. Les lésions de bas grade régressent dans près de 50 % des cas en moins de 2 ans. Si elles persistent, elles peuvent évoluer en 2 ou 3 ans vers les lésions de haut grade qui peuvent à leur tour régresser ou, en une dizaine d’années, devenir un cancer invasif. L’évolution, on le voit, est généralement lente et le cancer ne survient que vers l’âge de 40 ans, alors que l’infection HPV est survenue dans les 2 ans qui suivent les premiers rapports (figures 7.2 et 7.3). On a donc largement le temps de dépister, surveiller et traiter les lésions précancéreuses pour éviter l’apparition de lésions invasives.
Figure 7.1 Histoire naturelle du col : du papilloma virus au cancer.
(adapté de Zur Hausen et al., 2002)
Intégration du génome de l’HPV oncogène dans les cellules de la jonction squamocylindrique
soit par recouvrement d’un épithélium malpighien ;
soit par métaplasie ou transformation des cellules de réserve de l’épithélium cylindrique en cellules d’épithélium malpighien.
Les cellules infectées par HPV peuvent se transformer en lésions de bas grade qui peuvent régresser ou évoluer vers le haut grade, voire le cancer (cf. figure 7.2). La plupart des infections étant subcliniques l’évolution vers un cancer est liée à la persistance de l’ADN viral et plus précisément à l’intégration du génome viral au sein du génome des cellules hôtes. L’intégration de l’ADN viral conduit à une hyperexpression des gènes E6 et E7. Les protéines virales E6 et E7 sont capables de se lier aux protéines cellulaires p53 et pRb et ainsi inactiver les deux protéines qui contrôlent le cycle cellulaire et l’apoptose (Collot Texeira, 2004). Les virus de type 16-18 mais aussi 31-33, 35, 39, 45, 51 sont dits oncogènes et liés aux lésions de haut grade ou aux cancers. À lui seul, HPV 16 serait à l’origine de 50 % des tumeurs et 80 % des cancers sont dus aux HPV dits à haut risque, types 16-18, 31, 45. Les virus 16 et 18 sont les génotypes à haut risque les plus fréquemment trouvés quelle que soit la zone géographique. La répartition des types des autres virus varie selon les régions avec prédominance du type 33 en Europe et en Amérique du Nord, 31 en Amérique centrale et du Sud, 45 en Asie et en Afrique (Munoz et al., 2004).
Le risque d’avoir une lésion intra-épithéliale est de 3 pour les femmes entre 20 et 40 ans.
Les facteurs favorisant l’apparition de ces lésions sont connus. Outre le rôle d’HPV, on insiste actuellement sur le tabac et l’immunodéficience. En cas de séropositivité au VIH, l’incidence des CIN varie de 20 à 40 % ; les femmes séropositives ont donc 5 fois plus de chances d’avoir une CIN. Elles doivent être particulièrement surveillées (Mandelblatt, 1992).
Population à risque du cancer du col
Il s’agit de femmes ayant eu des rapports sexuels précoces (le risque est multiplié par deux si les rapports ont eu lieu entre 15 et 17 ans), de multiples partenaires et des infections génitales en particulier à papilloma virus 16-18, 31-33, 35, 39, 45, 51. La consommation de tabac joue un rôle favorisant, de même que l’immunodépression liée au VIH ou à un traitement immunosuppresseur. La prise d’une contraception orale chez les femmes porteuses d’un HPV oncogène multiple par quatre le risque d’évolution vers le cancer malpighien (Moreno et al., 2002) et les adénocarcinomes (Ursin et al., 1994). Les femmes vierges n’ont quasiment jamais de cancer du col.
Qui fera un cancer du col ?
La population à haut risque de cancer du col est constituée par les femmes qui ont :
Diagnostic du cancer du col infraclinique ou dépistage du cancer du col
Pourquoi faire le dépistage du cancer du col ?
La réponse est très simple, les lésions intra-épithéliales guérissent à 100 % avec un traitement minime : résection à l’anse diathermique, laser, conisation ou hystérectomie. Par contre, le cancer invasif aux stades peu avancés I et IIa ne guérit que dans 80 à 85 % des cas à 5 ans avec un traitement lourd et mutilant comportant le plus souvent : curiethérapie, colpohystérectomie élargie avec lymphadénectomie et éventuellement une irradiation complémentaire. Pour les cancers au stade IIb, le taux de guérison n’est plus que de 55 % à 5 ans, pour les stades III de 25 %.
Comment réaliser le dépistage du cancer du col ?
Il suffit que le praticien s’astreigne à la pratique du frottis cervical dont la technique a été décrite au début de cet ouvrage (cf. chap. 2, p. 21).
À qui faire un frottis du col ?
Nous avons vu en regardant la figure 7.2 que le pic de fréquence d’infections à HPV et des dysplasies est 26–30 ans. Faire un frottis entre 40 et 45 ans est bien, mais trop tardif si l’on veut diagnostiquer le cancer avant qu’il ne soit invasif.
un frottis n° 1 doit être réalisé chez toutes les femmes actives sexuellement à partir de 25 ans ;
un frottis n° 2 doit être réalisé 1 an après pour éviter les faux négatifs (10 %) ;
si les frottis n° 1 et n° 2 sont normaux, on refera un frottis tous les 3 ans jusqu’à 65 ans.
À titre d’exemple, une périodicité annuelle ne ferait passer l’effet du dépistage qu’à 93 % au lieu de 91 %, alors qu’il en triplerait le prix. En commençant le dépistage aux premiers rapports sexuels au lieu de 25 ans, l’efficacité passerait de 91 à 91,5 % seulement. Actuellement en France, 36 % des femmes à qui on découvre un cancer invasif du col n’ont jamais eu de frottis et 34 % en ont eu un qui date de plus de 3 ans (Mubiayi, 2002). Une enquête de la Sofres en 2002 montrait que 73 % des femmes seulement déclaraient avoir eu un frottis dans les 3 ans.
À qui ne pas faire de frottis
Le frottis est inutile chez les femmes vierges et chez les femmes ayant eu une hystérectomie totale pour lésion bénigne (Pearce, 1996).
Frottis classique ou en phase liquide
Le prélèvement peut être fait avec une spatule et fixé sur une lame, procédé classique en couche mince (cf. chap. 2) ou monocouche en phase liquide. On utilise alors la petite brosse ou une spatule fournie avec le flacon de liquide. Le prélèvement est fait par rotation de la spatule ou de la brossette sur la zone de jonction. On fait ensuite tourner celle-ci dans le flacon de liquide en pressant l’instrument sur les parois pour favoriser le transfert des cellules dans le liquide. Il n’y a pas d’étalement à faire et ce type de prélèvement est moins préleveur dépendant. Il réduit le nombre de frottis ininterprétables. Sa sensibilité est augmentée par rapport au frottis classique mais il ne change pas le taux d’anomalies indéterminées. Il permet la recherche de virus HPV sur le même prélèvement. Plus cher, il ne semble pas supérieur à la cytologie classique dans la mesure où le problème principal est que 30 % des femmes n’ont pas de frottis tous les 3 ans. Il n’est pas recommandé en routine par la HAS (2010), NICE en Angleterre ou l’ACOG (ACOG, 2003). Il peut être utile pour la recherche de virus oncogènes en cas de frottis indéterminés (Anaes, 2004).
Effet du dépistage sur l’incidence de la maladie et sa mortalité
Le dépistage est introduit lentement dans une population où, du fait des progrès de l’hygiène, l’évolution spontanée de l’incidence du cancer du col est en baisse. On peut donc se demander si le dépistage ne permet pas de découvrir seulement les formes à évolution lente et de bon pronostic en laissant passer les formes à évolution rapide.
Cependant, des expériences de dépistage généralisé, comme celles de la Colombie britannique ou de la Suède qui, avec un programme de dépistage comportant un frottis tous les 5 ans, ont fait disparaître 75 % des cancers invasifs du col, sont impressionnantes. On trouvera figures 7.4 et 7.5 à titre d’exemple, les résultats de l’expérience finlandaise et anglaise montrant là aussi l’influence d’un programme bien organisé et évalué, ce qui n’est malheureusement pas le cas en France.
Figure 7.5 Effet de l’introduction d’un programme de dépistage en Angleterre en 1987.
Source : Ref. national statistics UK. Office for national statistics : Cancer trends in England and Wales 1950–1999.
Si plus personne ne conteste aujourd’hui l’efficacité du dépistage par frottis, il persiste néanmoins 20 à 30 % de faux négatifs. La sensibilité du frottis étant médiocre. C’est la répétition des frottis qui en fournit les bons résultats. Des améliorations ont été proposées pour perfectionner l’efficacité du dépistage : prélèvements en milieux liquides, lecture automatique des lames, typage des virus HPV afin d’identifier les femmes à risque. Il est trop tôt pour en tirer des conclusions en vue d’une éventuelle modification des règles du dépistage de masse (Sasco, 2000). L’association à l’HPV représente la meilleure des solutions permettant la sélection des femmes à risque par le virus et le diagnostic des lésions par le frottis, néanmoins cette solution retenue aux États-Unis pose le problème des femmes qui ont un dépistage du virus oncogène positif et un frottis normal et majore le coût de manière importante (Lavoué et al., 2010). La HAS dans ses recommandations de 2010 ne propose pas de modifier les modalités du dépistage mais d’organiser celui-ci.
Interprétation du résultat du frottis vaginal
L’interprétation du résultat du frottis reposait jusqu’en 1989 sur la classification de Papanicolaou en cinq classes. Ces classes ne correspondent plus aux connaissances que nous avons sur les lésions précancéreuses et les lésions dues à HPV. C’est pourquoi les cytologistes, lors de la conférence de consensus de Bethesda en 1988, actualisée en 2003 (Berck, 2003), ont décidé de simplifier la terminologie cytologique et de proposer un canevas de rédaction du compte rendu. Le médecin se doit donc de lire ce compte rendu qui est une interprétation de ce qu’a vu le cytologiste et ne pas se contenter de la lecture d’une classe cotée de 1 à 5 qui doit disparaître. Le compte rendu doit comporter des informations sur :
bonne avec présence de cellules malpighiennes et glandulaires témoignant d’un frottis fait correctement sur la zone de jonction. L’absence de cellules de type endocervical doit être signalée dans le compte rendu mais ne constitue pas a elle seule un critère de non-interprétabilité. Le clinicien est le seul juge de la nécessité de répéter le frottis ;
mauvaise avec trop peu de cellules, une mauvaise fixation, ou encore des conditions défectueuses rendant l’interprétation difficile du fait de l’utilisation de lubrifiant, de la présence d’une inflammation ou d’une nécrose importante. Dans tous ces cas, le médecin lira les renseignements personnalisés que le cytologiste doit indiquer pour améliorer la qualité des prélèvements. Le frottis sera refait en tenant compte de ces remarques.
L’interprétation et le résultat :
absence de lésion malpighienne intra-épithéliale ou de signes de malignité. S’il y a lieu, le cytologiste précisera la présence de micro-organismes : Trichomonas vaginalis, éléments mycéliens évoquant le Candida, anomalies de la flore évoquant une vaginose bactérienne ; bactéries de type actinomyces ; modifications cellulaires évoquant un herpès simplex. D’autres modifications non néoplasiques peuvent être notées : modifications réactionnelles (inflammation, irradiation, ou présence de dispositif intra-utérin), présence de cellules glandulaires post-hystérectomies ; atrophie ;
anomalies de cellules malpighiennes :
anomalies des cellules glandulaires :