7. Autres domaines de la fonction cérébrale

Chapitre 7. Autres domaines de la fonction cérébrale



Remarques préliminaires

Ce chapitre est nécessaire pour comprendre pourquoi et comment des troubles autres que moteurs accompagnent très souvent les lésions hypoxiques-ischémiques périnatales. Les appareils récepteurs, rétine et oreille interne, ne seront pas étudiés ici, mais plutôt le trajet intracrânien et les structures cérébrales réceptives. De même, les mécanismes de régulation des états veille-sommeil, l’attention, la mémoire, les fonctions mentales supérieures seront rapidement décrits, le minimum de bases nécessaires pour comprendre les comorbidités chez un enfant atteint de paralysie cérébrale.


Fonction visuelle

visionLa rétine est l’organe récepteur (figure 7.1). D’un point de vue fonctionnel, elle est faite de deux parties : la partie centrale (ou macula) permet de fixer les objets de façon très précise (vision centrale), la partie périphérique, moins précise, apporte les messages sur l’environnement (on voit avec toute la rétine, mais on regarde avec la macula). Les cônes et bâtonnets détectent la lumière et la transforment en un message électrique : les bâtonnets sont très sensibles, ils sont donc utilisés pour la vision nocturne; les cônes sont moins sensibles à la lumière mais détectent les couleurs, ils sont donc utilisés dans la vision diurne. Les axones s’engagent dans le nerf optique au niveau d’une zone du fond de l’œil appelée «papille», puis passent dans le chiasma et enfin dans les bandelettes optiques (figure 7.1); ils atteignent le corps genouillé externe (partie du thalamus) où, après un dernier relais, l’information sera acheminée par les radiations optiques vers le cortex visuel occipital. Cette dernière partie du trajet des messages visuels dans la substance blanche hémisphérique est la plus vulnérable chez le prématuré en cas de lésions ischémiques. En effet, les radiations optiques longent la corne occipitale du ventricule latéral, où les leucomalacies sont fréquentes. Comme on peut le voir à la figure 7.1, les afférences de la «rétine nasale» croisent la ligne médiane au niveau du chiasma.








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Figure 7.1
Rétine et voies visuelles.a. Globe oculaire en coupe, départ du nerf optique au niveau de la papille. b. Fond de l’œil tel qu’il est visible avec un ophtalmoscope : le disque de la papille est bien visible, les artères et les veines rétiniennes. c. Voies visuelles extracérébrales : nerf optique, chiasma, bandelette optique; puis intracérébrales : corps genouillé externe (thalamus), radiations optiques, cortex occipital.



Fonction auditive

auditionUne vibration captée par le tympan est transmise par les osselets (oreille moyenne) à l’oreille interne; la cochlée, située dans l’oreille interne, est le récepteur sensoriel de l’audition. Les axones des cellules sensorielles forment le nerf cochléaire, ou branche auditive de la huitième paire crânienne; la voie auditive pénètre ensuite dans le bulbe, fait relais dans les noyaux cochléaires; elle remonte dans le tronc cérébral vers les tubercules quadrijumeaux inférieurs, le thalamus, pour finir dans les aires auditives corticales du lobe temporal (figure 7.2). La dernière partie du trajet des messages auditifs (niveau des radiations acoustiques) peut être endommagée chez le prématuré en cas de lésions ischémiques de la substance blanche périventriculaire (voir la figure 7.3).








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Figure 7.2
Oreille interne et voies auditives.Le trajet central va des noyaux cochléaires au cortex temporal; une partie des fibres est croisée, l’autre est directe.









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Figure 7.3
Voies vestibulaires.Les noyaux vestibulaires sont connectés avec le cervelet, les noyaux des nerfs oculomoteurs III, IV et VI et le thalamus; une voie descendante vestibulospinale descend vers la corne antérieure de la moelle sur laquelle elle agit de façon réflexe; quelques projections corticales «informent» le sujet de sa situation posturale.


Une partie des fibres nerveuses issues de chaque oreille croise la ligne médiane; chaque aire auditive reçoit donc des influx provenant des deux oreilles.


Fonction vestibulaire et maintien de l’équilibre

appareilvestibulaire et maintien de l’équilibreL’appareil vestibulaire (figure 7.3) désigne l’ensemble des récepteurs de l’équilibre logés dans l’oreille interne. Les axones des cellules sensorielles vont former le nerf vestibulaire qui rejoindra le nerf auditif pour devenir la huitième paire crânienne. Au niveau du labyrinthe, les cellules réceptrices ciliées du saccule et de l’utricule réagissent à la gravité et enregistrent les changements de position de la tête.

Ainsi, en situation statique, saccule et utricule donnent des informations sur la position du corps par rapport aux forces antigravitaires. En situation dynamique, ce sont les canaux semi-circulaires qui réagissent aux accélérations et permettent de percevoir le mouvement.

L’information atteint les noyaux vestibulaires et le cervelet (figure 7.3); les noyaux vestibulaires sont les principaux centres de l’intégration de l’équilibre, en recevant aussi des informations visuelles et somatiques par les récepteurs proprioceptifs des muscles du cou. À partir des noyaux vestibulaires, toutes ces informations vont pouvoir être utilisées de façon réflexe par le faisceau vestibulospinal qui transmet l’influx à la corne antérieure de la moelle (voir plus bas). Ainsi, la réponse automatique court-circuite le cortex, ce qui augmente la rapidité et l’efficacité des réactions assurant le maintien de l’équilibre. Les noyaux vestibulaires envoient également des messages aux nerfs oculomoteurs, pour permettre de maintenir la fixation des yeux.

Le cervelet intègre lui aussi l’ensemble de ces influx et coordonne l’ensemble des réponses. Sa spécialité est la régulation des mouvements posturaux fins et la synchronisation.

Quelques fibres vestibulaires atteignent le cortex cérébral, nous sommes donc «tenus au courant» de l’ensemble des changements de position qui ont été nécessaires au maintien de l’équilibre.


Proprioception et maintien des postures

proprioceptionLa proprioception est faite de l’ensemble des informations que nous recevons, plus ou moins consciemment, concernant notre corps : posture, mouvements, pression exercée sur la peau de la plante des pieds, force générée par nos muscles, position par rapport à la terre. C’est une sensorialité dont les récepteurs sont multiples :


• au niveau du muscle, les fuseaux neuromusculaires informent sur l’état d’étirement musculaire; l’utilisation réflexe de ces informations au niveau de l’arc médullaire monosynaptique a été étudiée dans un chapitre précédent;


• les organes de Golgi enregistrent la tension des tendons; l’ensemble des informations venant des muscles et tendons sont transmises au cervelet par les voies spinocérébelleuses (proprioception inconsciente);


• des récepteurs proprioceptifs au niveau des articulations transmettent l’information sur la position des articulations. Cette information se rend au thalamus puis au cortex sensitif (proprioception consciente);


• les récepteurs vestibulaires, on vient de le voir, enregistrent les informations statiques et dynamiques concernant posture et équilibre.

Ainsi, tous ces récepteurs vont avoir un rôle essentiel pour le maintien du tonus musculaireproprioceptionmaintien du tonus musculaire et le maintien des posturesproprioceptionmaintien des postures. Des informations arriveront au niveau de la conscience et rendront possible la perception des positions des membres, la perception d’une charge et ainsi l’ajustement des commandes motrices volontaires.


Perception du tact et de la douleur

tactdouleurLa douleur est une sensation pénible résultant de la stimulation des récepteurs nociceptifs; nerfs somatiques et viscéraux vont ensuite conduire l’influx vers la corne postérieure de la moelle; par les faisceaux spinothalamiques, l’influx atteint le thalamus (noyau ventro-postéro-latéral), avant d’être projeté sur le cortex sensitif pour localisation et discrimination de la douleur. Les afférences sensitives douloureuses connectent aussi avec d’autres noyaux thalamiques tels les noyaux intralaminaires et médiodorsal, d’où partent des projections diffuses au cortex cérébral. Ces projections ont probablement un rôle important dans l’aspect émotif et «d’éveil» de la douleur. Des afférences nociceptives projettent aussi vers des structures du mésencéphale (tractus spinomésencéphalique) et du diencéphale qui participent à la modulation centrale de la douleur. Les connexions du circuit sensitif avec ces structures sont mises en évidence par l’augmentation de production de bêta-endorphines, catécholamines, cortisol et autres hormones après un stimulus douloureux.

La maturation du système récepteur périphérique est précoce; elle prend place autour de 15 SA. La voie spinothalamique est mature également à cet âge; les sensations tactiles et douloureuses parviennent donc très tôt au relais sensitif qu’est le thalamus. Cependant, les connexions thalamocorticales ne se feront que lorsque le cortex récepteur sera lui-même en place, c’est-à-dire entre 26 et 34 SA (la somatotopie du cortex sensitif primaire est représentée en figure 6.1, dans la circonvolution pariétale ascendante).

Le circuit de la perception, perceptions agréables (caresses) ou désagréables (encore appelées nociception), est donc mature assez tôt; les obstétriciens qui ponctionnent le fœtus ou les pédiatres qui soignent les prématurés le savent bien. Cependant, les incertitudes persistent sur le stade de maturation à partir duquel la nociception devient douleur, douleur qui pourra laisser une trace dans la mémoire, associée aux circonstances qui l’ont provoquée. Les connexions avec le diencéphale sont fonctionnelles très tôt, ceci permet de craindre que les circonstances associées aux stimuli douloureux de l’unité de soins intensifs (USI) restent inscrites. En effet, il a été montré au cours d’une ponction de sang fœtal que la réponse hypothalamique au stress est présente dès 23 SA, avec élévation des taux de cortisol et bêta-endorphines, ce qui veut dire que les neurotransmetteurs pour ce système sont déjà matures.

L’ensemble des réponses du nouveau-né à un stimulus nociceptif suggère, comme aux autres âges de la vie, une intégration émotionnelle et comportementale corrélée avec la douleur et restant en mémoire assez longtemps pour modifier les comportements ultérieurs. Ces connaissances expliquent la nécessité de diminuer la douleur chez le nouveau-né même très prématuré. Plusieurs types de scores sont proposés pour évaluer de l’extérieur la sensation purement subjective qu’est la douleur; et le bon usage des antalgiques, longtemps ignoré en médecine néonatale, est l’une des préoccupations actuelles. L’innocuité et l’efficacité de ces moyens permettent d’offrir un meilleur confort et de diminuer les réactions de stress associées à la douleur, comme aux autres âges de la vie.


Goût et odorat

goûtodoratGoût et odorat sont peu explorés dans l’examen neurologique périnatal, ils intéressent cependant beaucoup les physiologistes de la période fœtale. Les récepteurs sont des chimiorécepteurs; l’aire corticale pour le goût est située dans la zone de la langue (voir l’homoncule sensitif, figure 6.1). L’aire corticale pour l’odorat est située sur la face interne du lobe temporal, petit reste du rhinencéphale (il n’est plus visible sur la face externe du cortex humain alors qu’il est très volumineux chez les mammifères), qui fait partie du lobe limbique (voir la figure 1.1). Dans les deux cas, les voies font un relais dans le thalamus, comme pour toutes les autres sensorialités, avant que les informations atteignent le niveau conscient.


Cognition, langage


Évolution des idées

cognitionlangageAprès quelques errances, il paraît possible d’affirmer que la base biologique des fonctions mentales est située dans un lieu spécifique, le cerveau. Il est également possible d’affirmer que le langage est la fonction mentale la plus élevée et la plus spécifique de l’espèce humaine; que le langage est localisé dans le cortex, de même que d’autres fonctions mentales, mais où précisément? Faut-il considérer une mosaïque de fonctions spécifiques localisées dans des zones corticales spécifiques? ou est-ce que les fonctions mentales sont distribuées sur l’ensemble du cortex cérébral?


1. La théorie de GALL était : un centre pour chaque activité.


2. La vue holistique, à l’inverse, postulait qu’en dehors du sensitivomoteur, tout peut se traiter n’importe où.


3. Entre les deux : certaines opérations complexes peuvent être associées avec certaines zones cérébrales spécifiques.

La plupart des fonctions nécessitent l’intégration de l’action de neurones de plusieurs régions : la localisation d’une fonction veut dire que certaines zones du cerveau sont plus concernées que d’autres pour cette fonction.

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May 9, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 7. Autres domaines de la fonction cérébrale

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