19. Mode d’émergence d’une pathologie neuromotrice

Chapitre 19. Mode d’émergence d’une pathologie neuromotrice

Diplégie spastique de l’ancien prématuré à titre d’exemple



Remarques préliminaires

mode d’émergenceLa diplégie spastique, anciennement maladie de Little [1], sera prise pour type bien que l’émergence progressive ne soit pas réservée à cette variété topographique et symptomatique. C’est une pathologie du développement typique chez le prématuré bien qu’elle ne soit plus considérée actuellement comme la plus fréquente. Elle ne se constitue pas en un jour, le tableau clinique va se compléter progressivement au fil de la maturation. Autrement dit, bien que la lésion cérébrale soit fixée, la pathologie paraît évolutive au cours de la phase la plus rapide du développement du cerveau humain, la première année de la vie. La sémiologie a été profondément modifiée par l’intervention précoce. En effet, les conséquences musculotendineuses et osseuses de la lésion cérébrale, autrefois quasi constantes, sont actuellement limitées [2], c’est comme le «Little sans ciseaux».


Première année ou phase d’installation du trouble neuromoteur


À l’âge prévu du terme

L’évaluation neurologique est faite autour du terme corrigé (38 à 42 SA), soit avant la sortie, soit en première consultation. Les réponses le plus souvent altérées sont les suivantes :


poursuite visuelle et interaction sociale absentes ou médiocres;


déficit des fléchisseurs du cou alors que les extenseurs fonctionnent normalement;


• excès d’extension passive du tronc et limitation de la flexion;


• doigts et pouces peu actifs;


régulation insuffisante du système nerveux autonome avec changements de couleur, irrégularités respiratoires et cardiaques, hoquets, etc.

Les trois items en italique représentent les anomalies les plus caractéristiques de cette période. L’absence ou médiocrité des fixations et poursuites visuelles témoigne d’une dépression modérée du SNC c’est-à-dire un stade d’éveil calme très court ou absent (ce qui n’exclut pas des phases d’hyperexcitabilité). Le déficit des fléchisseurs du cou (ceux-ci s’équilibrent normalement avec les extenseurs à partir de 38 à 40 SA) témoigne d’une atteinte du contrôle supérieur de la motricité. La mauvaise adaptation cardiorespiratoire, thermique, vasomotrice, digestive indique des difficultés dans la régulation des fonctions végétatives.

La recherche des signes éventuels de spasticité au niveau des membres inférieurs est généralement négative à cet âge. En effet, les ROT sont normalement vifs dans la période transitionnelle. La dorsiflexion rapide du pied n’est pas différente de la dorsiflexion lente. Les angles poplités et des adducteurs sont maintenus ouverts par les postures adéquates en situation fonctionnelle.

En conclusion, à peu d’exceptions près, les enfants ayant des LPV n’ont pas des réponses optimales à l’examen, et chaque fois que l’évaluation clinique n’est pas parfaitement normale, il faudra poursuivre la surveillance et l’intervention précoce commencée dans l’USI. Autrement dit, les LPV sont rarement asymptomatiques autour de 40 semaines corrigées, contrairement aux idées reçues; cependant, les signes à cette période ne sont pas spécifiques, ils vont le devenir avec la maturation.


Du terme à 4 mois corrigés

Des déviations vont persister, de même nature qu’aux environs du terme, mais la présence même de ces déviations devient plus inquiétante à mesure que les mois passent.


• La poursuite visuelle et l’interaction sociale progressent mais sont lentes à s’établir, elles demandent beaucoup de sollicitations et des efforts de part et d’autre.


• L’activité des fléchisseurs du cou va progressivement se renforcer, cependant la prédominance des extenseurs persiste. Le contrôle de la tête dans l’axe pendant 30 secondes (qui apparaît en moyenne à 2 mois) n’est pas toujours acquis à 4 mois dans cette forme moyenne prise pour type.


• L’excès d’extension passive du tronc et la limitation de la flexion persistent inchangés.


• Les mains sont plus actives, cependant la coordination main-œil s’établit péniblement.


• Les difficultés dans le domaine du système nerveux autonome s’améliorent.


La recherche des signes éventuels de spasticité au niveau des membres inférieurs reste négative à cet âge, dans cette forme moyenne.

En conclusion, pendant cette période des 4 premiers mois, l’évaluation neurologique n’est pas normale, elle est déviante, mais de façon encore peu spécifique. Dans les formes les plus modérées, les limites de la normale étant larges, on peut être tenté de conclure à 4 mois, lorsque sourire et statique de la tête sont enfin là, que tout va bien puisque le calendrier des acquisitions est respecté.

La notion d’intervalle libre vient d’exigences insuffisantes dans l’affirmation de la normalité. Ceci est vrai de l’examen neuromoteur, mais aussi de l’évaluation de l’ensemble du comportement, comportement qui devrait montrer des changements majeurs vers la fin du 2e mois (c’est la fin de la période transitionnelle) : moins de mouvements incoordonnés, début du sourire social, début des vocalises, transformation du comportement visuel de telle sorte que l’enfant peut porter délibérément son attention d’un objet à un autre. L’ensemble de ces changements témoigne d’un degré de liberté qui donne à l’enfant l’initiative de l’interaction.


De 4 à 8 mois corrigés

Les anomalies décrites jusque-là évoluent avec la maturation. On pourrait le résumer de la façon suivante : tout est meilleur mais rien n’est parfait. Les signes de spasticité apparaissent au niveau des membres inférieurs :


• les ROT restent très vifs, polycinétiques, diffusés;


• la dorsiflexion rapide du pied est impossible, la manœuvre est très vite arrêtée par une résistance à l’étirement qui ne cèdera que par flexion lente. Les longueurs musculotendineuses sont maintenues par la kinésithérapie, donc l’angle de dorsiflexion «lent» est dans les limites de la normale (70° ou moins) ou à peine supérieur;


• la masse musculaire du triceps sural est tonique en permanence (un petit mollet rond, dur);


• l’angle poplité ne s’ouvre pas (alors qu’avec une maturation normale, l’enfant atteint vers 8 mois l’hypotonie physiologique qui lui permet de jouer avec ses pieds).

Sur le plan des acquisitions motrices, le fossé se creuse à 8 mois; en particulier, la station assise tripodique «comme à 5 mois» n’est pas possible, du fait de la non-relaxation des membres inférieurs et de l’excès des muscles extenseurs au niveau du tronc. L’enfant ne se retourne pas, les déplacements au sol sont inexistants, la motricité fine reste médiocre.

En conclusion, les signes spécifiques apparaissent, malgré la prise en charge précoce; la spasticité s’installe au niveau des membres inférieurs. L’éveil, les membres supérieurs et l’axe corporel sont moins touchés mais non épargnés.


De 8 à 12 mois corrigés

Les signes neurologiques se modifient peu mais le fossé fonctionnel avec les enfants sans problèmes s’accentue :


• la station assise n’est pas acquise;


• les déplacements au sol sont pénibles, même avec les stimulations appropriées;


• en position debout, l’excès des contractions des muscles antigravitaires est là, permanent, invincible;


• les réactions de protection telles que la réponse à la poussée latérale en station assise et le parachute antérieur ne sont pas présentes ou médiocres.


May 9, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 19. Mode d’émergence d’une pathologie neuromotrice

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