13. Pathologie hypoxique-ischémique et/ou hémorragique

Chapitre 13. Pathologie hypoxique-ischémique et/ou hémorragique

Conséquences biologiques et neuropathologiques



Remarques préliminaires

Ce panorama rapide permet la mise en place des pathologies les plus typiques à la période néonatale. Il peut paraître audacieux de grouper pathologies HI et pathologies hémorragiques. Cependant elles sont souvent associées, les pathologies hémorragiques étant rarement pures. Enfin les séquelles des accidents hémorragiques, hormis les hydrocéphalies obstructives de l’hémorragie intraventriculaire (HIV), sont essentiellement liées aux dommages associés du parenchyme cérébral. Il nous paraît donc légitime de grouper ici leur description.


Mécanismes physiopathologiques


Conséquences biologiques de l’hypoxie-ischémie

hypoxie-ischémiephysiopathologieL’agression HI peut survenir de façon aiguë (par exemple hématome rétroplacentaire), ou de façon chronique (par exemple insuffisance placentaire). Cet événement HI peut survenir :


1. à n’importe quel moment de la vie fœtale; cependant, il est habituel dans ce domaine de séparer la vie fœtale en deux périodes, la première avant 22 SA et la seconde à partir de 22 SA; c’est la seconde période qui nous intéresse ici.


2. au cours du processus de la naissance;


3. dans les semaines qui suivent la naissance.

Il n’est le plus souvent pas possible de séparer la notion d’hypoxie, c’est-à-dire la diminution de l’apport d’oxygène aux cellules, de la notion d’ischémie, c’est-à-dire la diminution de perfusion cérébrale (de tout ou partie du lit vasculaire), responsable non seulement du déficit d’apport d’oxygène mais en même temps du manque de substrats et en particulier de glucose. C’est pourquoi l’habitude s’est généralisée dans toute la littérature sur ce chapitre de considérer hypoxie et ischémie comme deux phénomènes indissociables, sous le sigle HI.

À la suite d’une HI sévère, deux phases se succèdent. Au cours de la première phase, l’HI entraîne un métabolisme anaérobique, une perte des réserves d’énergie. Dans les cas favorables, les réserves d’énergie seront rapidement restaurées et le métabolisme cérébral normalisé. Cependant, lorsque la membrane neuronale a été lésée au cours de cette première phase, une nouvelle déperdition d’énergie va survenir dans les heures ou les jours suivants; cette deuxième phase est décrite sous le nom de cascade neurotoxique. Elle débute par la production excessive d’acides aminés excitotoxiques (en particulier le glutamate) qui s’accumulent dans l’espace extracellulaire. Cette accumulation de glutamate entraîne une augmentation du calcium intracellulaire qui à son tour va entraîner l’activation d’enzymes toxiques. Le calcium intracellulaire va également contribuer à la production de radicaux libres et à une augmentation de production d’acide nitrique (NO). Les altérations de la fonction mitochondriale secondaires à ces phénomènes entraînent une libération additionnelle de radicaux libres et de protéines conduisant à l’apoptose. Des phénomènes inflammatoires vont à leur tour augmenter la production de cytokines. Les cellules microgliales vont s’accumuler sur le site des lésions et contribuer à leur tour à la production de glutamate, NO, radicaux libres, cytokines. Le résultat final est un continuum de nécrose neuronale (phénomène initial dans les formes graves) et d’apoptose (phénomène plus tardif).

À partir de ces données physiopathologiques, quelques réflexions sur les effets favorables ou défavorables de l’activité thérapeutique peuvent être évoquées.

La constitution des lésions étant liée à la reperfusion et à la réoxygénation, les manœuvres de réanimation (rétablissant débit cardiaque et oxygénation) sont potentiellement dangereuses : elles contribuent à l’activation de la cascade neurotoxique.

Chercher à empêcher le déclenchement de la cascade neurotoxique est peut-être à la fois utile et dangereux : certains de ces mécanismes ont possiblement une activité neuroprotectrice.

Le fait qu’un nouveau-né ait dû être réanimé pour une dépression sévère des fonctions vitales ne veut pas dire qu’une lésion cérébrale en résultera inéluctablement (aucune conséquence neurologique n’est observée chez plus de la moitié des nouveau-nés à terme ayant subi une HI aiguë).

On peut comprendre le danger d’interférer avec ces processus, et aussi celui de prendre des risques thérapeutiques chez des nouveau-nés à cerveau intact. Ces craintes expliquent les lenteurs dans la pratique clinique de la neuroprotection.


Vulnérabilité intrinsèque de la substance blanche chez le prématuré

substance blanchevulnérabilitéC’est sous ce terme que Volpe résume les travaux expérimentaux récents :


• les préOL et OL immatures sont particulièrement vulnérables aux radicaux libres secondaires à l’HI. Cette constatation explique pourquoi la survenue des leucomalacies périventriculaires (LPV) est si directement dépendante d’un stade maturatif et donc de l’AG;


• les preOL et OL immatures sont également très vulnérables à l’excitotoxicité, en particulier aux taux élevés de glutamate secondaires à l’HI;


• les neurones de la sous-plaque se différencient rapidement, on l’a vu, de 22 à 34 SA, ils sont donc probablement très sensibles à l’HI. De plus les axones ascendants et descendants et les fibres commissurales traversant cette zone sont également à un stade maturatif très vulnérable.


Embolie ou thrombose artérielle


Embolie

embolie artérielleElle résulte de la migration d’un caillot, probablement le mécanisme le plus fréquent; le caillot vient obstruer au hasard l’une des artères cérébrales (le plus souvent l’artère cérébrale moyenne ou sylvienne), créant un ramollissement du territoire artériel correspondant. Le caillot peut venir du placenta, d’où l’association fréquente à une prééclampsie avec restriction de croissance intra-utérine (RCIU) sévère; il peut aussi venir de la veine ombilicale, du système porte, il passe alors dans la circulation artérielle par le foramen ovale.


Thrombose

thrombose artérielleElle constitue le deuxième mécanisme, provoqué par différentes pathologies, méningite bactérienne, déshydratation avec hypernatrémie, coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), coagulopathie (en particulier la mutation du facteur V Leiden).


Constitution du ramollissement

C’est un événement silencieux pour l’obstétricien; cependant, une image d’atrophie cérébrale localisée peut être détectée par l’échographie fœtale au stade cicatriciel (quelques semaines plus tard). L’événement responsable intervient dans la deuxième partie de la grossesse, mais surtout, semble-t-il, dans les dernières semaines. Les grossesses multiples sont particulièrement à risque dans ce domaine; le clinicien doit être en alerte sur la possibilité de cette pathologie.


Aspects neuropathologiques


Nécrose neuronale


Phase aiguë

nécrose neuronaleen cas d’hypoxie-ischémieLe stade initial est marqué par la vacuolisation cytoplasmique, due au gonflement des mitochondries dans la demi-heure qui suit le début de l’HI; 24 à 36 heures plus tard, le cytoplasme devient très éosinophile, le réticulum endoplasmique disparaît, le noyau se condense et se fragmente. Au cours même de l’accident, la baisse du débit artériel cérébral trouble profondément le métabolisme énergétique cérébral et entraîne de ce fait une diminution marquée de l’activité électrique cérébrale. L’altération de la membrane plasmique des neurones modifie les mécanismes d’homéostase ionique et entraîne un excès d’ions sodium dans la cellule. Un œdème intracellulaire, appelé cytotoxique, résulte de ces modifications ioniques. De plus, il y a accumulation d’aminoacides excitateurs tels que glutamate et aspartate qui, jointe à l’augmentation du calcium intracellulaire, entrave le fonctionnement neuronal en activant les lipases, protéases et endonucléases. La reperfusion va augmenter encore le dommage neuronal par la production de radicaux libres d’oxygène et de NO, situation qui va augmenter encore davantage l’altération des membranes et l’œdème. Ainsi, la mort cellulaire peut être immédiate (au cours même de l’accident HI) et dans les jours qui suivent; certains neurones peuvent se réparer, d’autres vont évoluer vers une mort retardée, par les mécanismes indiqués plus haut.

Dans les jours suivants la phase aiguë, une infiltration des cellules microgliales ainsi que des astrocytes, apparaît; les débris nécrotiques seront phagocytés par les macrophages (macrophages résultant de la transformation de la microglie).

Bien que la mort cellulaire soit très rapide, les lésions ne seront visibles au microscope qu’après 36 heures environ, d’où les difficultés d’interprétation si le décès survient dans les 2 premiers jours de la vie.


Phase cicatricielle

Elle s’amorce dès la 3e semaine. Un tapis glial se constitue en quelques semaines sur le site de la nécrose neuronale pour former la gliose cicatricielle. Des cavités kystiques peuvent aussi s’y former lorsque la nécrose est sévère.


Répartition topographique selon la nature et la sévérité de l’hypoxie-ischémie

nécrose neuronalerépartition topographique des lésionsLa nécrose neuronale peut survenir à tout AG, elle est majeure dans les accidents aigus du nouveau-né à terme. Toutes les zones grises (cortex et noyaux) ne sont pas atteintes avec la même intensité : la nécrose neuronale est sélective. Les zones sensibles sont énumérées ici :


au niveau des hémisphères cérébraux, le cortex sensorimoteur est très à risque, de même que les cortex sensoriels et l’hippocampe, les ganglions de la base, le thalamus, l’hypothalamus;


dans le tronc cérébral : les tubercules quadrijumeaux, les noyaux oculomoteurs, la formation réticulée, les noyaux de la protubérance, les noyaux des cinquième et septième paires crâniennes, les noyaux bulbaires, en particulier ceux des neuvième et dixième paires crâniennes;


le cervelet est également vulnérable chez le nouveau-né à terme, une atrophie vermienne secondaire à la nécrose neuronale n’est pas rare (des phénomènes comparables ont été récemment mis en évidence chez les très petits prématurés par l’IRM quantitative).

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May 9, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 13. Pathologie hypoxique-ischémique et/ou hémorragique

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