Chapitre 6 Ostéonécroses aseptiques
– L’ostéonécrose ou « mort de l’os » consiste en une dégénérescence, puis une disparition des éléments cellulaires du cortex et de la médullaire.
– Le foyer de nécrose est bordé d’un tissu de granulation à partir duquel des bourgeons conjonctivovasculaires prolifèrent pour envahir la zone mortifiée.
– L’évolution anatomique est donc variable : la restitution ad integrum est possible mais des complications peuvent apparaître.
– La fragilité du foyer de nécrose prédispose aux complications mécaniques responsables de déformations articulaires puis d’une arthrose secondaire.
– Un séquestre osseux de volume variable peut s’individualiser dans le foyer de nécrose et y demeurer tant que la plaque cartilagineuse conserve sa vitalité.
– Parfois, on assiste à la libération du séquestre dans l’articulation à l’origine d’accidents mécaniques.
– On oppose les ostéonécroses survenant au cours d’infection avec formation de séquestre aux ostéonécroses aseptiques consécutives à un phénomène ischémique local.
– On réserve par convention le terme d’ostéonécrose aseptique aux régions épiphysaires et le terme d’infarctus osseux aux métaphyses et aux diaphyses.
– Chez l’adulte, la nécrose aseptique affecte une zone plus ou moins étendue de l’épiphyse. Quand elle est de grande taille, on parle d’ostéonécrose aseptique épiphysaire ; si elle est de petite taille, inférieure à 1 cm, elle est appelée ostéochondrite disséquante.
– Les ostéonécroses aseptiques peuvent être secondaires ou idiopathiques et survenir sur un terrain prédisposant (éthylisme chronique, hyperlipémie, goutte, diabète, etc.).
Ostéonécroses de l’adulte
Ostéonécrose aseptique de hanche
Elle survient entre 30 et 60 ans avec une prédominance masculine.
La bilatéralité est fréquente (50–72 % des cas).
Étiologies
– Certaines apparaissent idiopathiques ; elles surviennent sur des terrains favorisants : alcoolisme, hyperlipidémie, hyperuricémie,
Tableau 6-I Étiologies des ostéonécroses aseptiques.
ORIGINE | ÉTIOLOGIES |
---|---|
Toxique | |
Traumatique | |
Inflammatoire | |
Métabolique ou endocrinienne | |
Hématologique | |
Thombotique et embolique |
Clinique
– Les signes cliniques sont inconstants, aspécifiques et seraient fonction du stade de la nécrose et de l’abondance de l’épanchement intra-articulaire.
– Les douleurs sont de type mécanique, accentuées par la mise en charge, calmées par le repos et associées à une limitation des mouvements.
Imagerie
Radiographies standards
Les aspects radiographiques sont regroupés en quatre stades d’après la classification de Ficat :
– stade 2 : déminéralisation hétérogène de la tête en quartier avec condensation périphérique ; l’interligne est conservé de même que le contour de la tête fémorale et le cotyle est intact (fig. 6-1) ;
– stade 3 : stade de l’affaissement céphalique (fig. 6-2) :
• clarté linéaire sous le contour osseux sous-chondral : image en « coquille d’œuf » (crescent sign),
• hyperclarté ovalaire ou triangulaire, plus ou moins étendue, limitée à sa partie inférieure par une bande d’ostéosclérose concave en haut,
– stade 4 :
• arthrose secondaire avec ostéophytose et ostéocondensation ; ces coxarthroses sont caractérisées par un pincement le plus souvent supérieur global ou supéro-interne, une ostéophytose peu importante et un remaniement sclérogéodique présent dans la tête et le col et non localisé à la zone d’appui ; ces caractères différencient la coxarthrose ischémique de la forme primitive,
Scintigraphie au technétium 99
– Le signe le plus spécifique mais rarement rencontré est une hypofixation du centre de la tête bordée par une hyperfixation.
Imagerie par résonance magnétique (fig. 6-4)
– Les deux hanches sont explorées en coupes frontales, axiales et sagittales avec des séquences pondérées en Tl et en T2.
– Quatre signes sont présents :
• le liseré de démarcation : hyposignal en Tl et en T2, linéaire, plus ou moins arciforme, à concavité supérieure, limitant la zone de nécrose, allant de corticale à corticale ; il serait présent dans près de 90 % des ostéonécroses. En T2, l’hyposignal est doublé en dedans d’une bande d’hypersignal présente dans 80 % des cas et réalisant la double ligne de Mitchell. Le liseré de démarcation manque dans 20 % des cas ;
• le signal central, signal du segment nécrosé, peut présenter des aspects variables en Tl comme en T2. Mitchell a individualisé quatre classes selon l’intensité du signal (tableau 6-II) ;
• un épanchement intra-articulaire accompagne fréquemment l’ostéonécrose. Une classification en trois stades est établie en fonction de l’importance de l’épanchement qui est un signe aspécifique ;
Scanner (fig. 6-5)
– Il objective :
• une désorganisation des travées osseuses centrales qui se traduit par une modification du « signe de l’astérisque » : l’hyperdensité centrale se prolonge jusqu’à la corticale ;
• une hétérogénéité de la structure céphalique avec une zone d’hypodensité correspondant à l’os nécrosé, cernée d’une bande hyperdense ;
– La reconstruction sagittale, passant par le centre de la tête, permet d’apprécier l’étendue de la nécrose et sa localisation par rapport à la surface articulaire du cotyle.
Autres ostéonécroses de l’adulte
Ostéonécrose du condyle fémoral
Plus fréquente chez la femme, elle survient en général après 60 ans.
La localisation au condyle externe est plus rare et elle survient volontiers sur un genu valgum.
Imagerie
Radiographies standards (fig. 6-6 et 6-7)
– Au début, on peut trouver de minimes modifications de la trame osseuse (raréfaction ou densification hétérogène) avec respect de la corticale condylienne ou un épanchement intra-articulaire.
– Au stade de nécrose confirmée, l’examen du condyle fémoral permet de retrouver quatre signes principaux de l’ostéonécrose condylienne :
– Par ailleurs, l’interligne conserve une hauteur normale, le plateau tibial est respecté et la découverte d’un corps étranger intra-articulaire est rare.
Autres techniques d’imagerie
– Elles sont indiquées pour la recherche d’une lésion au stade infraradiologique et précisent l’étendue de la nécrose.
– L’IRM présente le même intérêt diagnostique que dans l’ostéonécrose de la tête fémorale. Elle montre la nécrose en hyposignal T1/T2 avec un œdème médullaire en regard (fig. 6-8) et à un stade ultérieur, la transformation liquidienne du séquestre.
Ostéonécrose de la tête humérale
– L’ostéonécrose se manifeste par une douleur de l’épaule d’apparition brutale ou progressive s’accompagnant d’une gêne fonctionnelle.
– La nécrose affecte le quadrant supéro-interne ou inféro-interne et présente des signes spécifiques.
Ostéonécrose du lunatum (maladie de kienböck) (fig. 6-9 et 6-10)
Infarctus osseux
– L’infarctus osseux est une ostéonécrose aseptique de siège métaphysaire ou diaphysaire ; les infarctus osseux sont habituellement de découverte fortuite.
– Radiologiquement, ils se traduisent par une opacité irrégulière, rubanée, d’importance variable et demeurant stable sur des examens successifs (fig. 6-11).
Ostéochondrite disséquante
– Elle se définit comme une nécrose épiphysaire sous-chondrale de petite taille qui évolue vers la constitution d’un séquestre ostéocartilagineux pouvant se libérer dans l’articulation.
– Elle se manifeste par une douleur, une impotence fonctionnelle et parfois un épanchement intra-articulaire.
– Survenant plus souvent chez un sujet jeune, elle touche surtout les condyles fémoraux et préférentiellement le condyle interne.
– Le bilan radiographique fait intervenir la scintigraphie, l’IRM, la tomodensitométrie et l’examen radiographique standard dont l’arthrographie.
Imagerie
Au début
Une ligne claire radiotransparente à concavité inférieure cerne une zone sous-chondrale hétérogène.
Au stade de séquestre enclos
Le fragment nécrotique est nettement individualisé, séparé de l’os par une ligne claire cernée en dedans par une bande plus dense (fig. 6-13).