6. Fonction sensorimotrice

Chapitre 6. Fonction sensorimotrice



Remarques préliminaires

«Le cerveau est un tout, on ne peut pas en isoler une partie sans référence à la totalité», a écrit Kant. Posture et mouvement sont inséparables; le mouvement commence et finit par une posture. Le système moteur est constamment en alerte pour maintenir une posture contre la pesanteur et permettre le mouvement. Afférences sensitives et sensorielles, programmation, exécution feront l’objet de ce chapitre, de façon franchement réductrice. Cependant, un chapitre sur l’appareil locomoteur est indispensable : un trouble de la commande motrice, qui s’exprime dans des postures anormales, peut entraîner déformations ostéoarticulaires et raccourcissements musculoligamentaires. Le clinicien devra donc savoir différencier cliniquement le trouble d’origine centrale et ses conséquences périphériques. C’est pour soutenir une telle démarche que la description rapide de l’appareil locomoteur figure en annexe A.


Hémisphères cérébraux


Cortex moteur

commande motrice centraledescriptioncommande motrice centralecortex moteurLe cortex moteur primaire ou aire motrice 4 se situe au niveau de la circonvolution frontale ascendante, le long de la scissure de Rolando. Il contient les cellules de Betz, ou grandes cellules pyramidales de la couche 5. On observe une localisation fonctionnelle précise au niveau du cortex moteur primaire. La représentation des différentes parties du corps est :


• bien définie topographiquement;


• symétrique de la représentation sensitive;


• de surface inégale selon les parties du corps : en particulier, mains (surtout doigts) et face (surtout bouche) occupent une très large surface corticale (figure 6.1).








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Figure 6.1
Homoncule sensitif et homoncule moteur.Représentation sensitive (a) au niveau du cortex primaire pariétal et représentation motrice (b) au niveau du cortex primaire frontal. Ainsi, chaque zone du cortex primaire reçoit des informations sensitives d’une partie précise du corps ou agit sur la motricité d’une partie précise du corps.


Le cortex prémoteur ou aire 6 est situé en avant du précédent. C’est une zone de coordination des mouvements. L’aire motrice du langage (ou aire de Broca) est située en avant de l’aire prémotrice, de même que l’aire oculomotrice frontale qui commande les mouvements volontaires des yeux.


Voie motrice corticospinale

commande motrice centralevoie motrice corticospinaleLes axones des cellules de Betz (aire motrice 4) ont un long trajet corticospinal et vont se terminer sur le motoneurone de la corne antérieure. Dans leur trajet initial, ils se déploient dans la partie centrale des hémisphères, en une structure en éventail nommée corona radiata (figure 6.2). Ils se regroupent ensuite pour la traversée de la région des noyaux gris centraux, c’est la capsule interne. La corona radiata et la capsule interne représentent donc deux régions distinctes du trajet intrahémisphérique du faisceau corticospinal. La corona radiata est ainsi constituée non seulement de tous les axones moteurs (corticospinaux et corticobulbaires), mais aussi des fibres afférentes sensitives après leur relais thalamique.








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Figure 6.2
Corona radiatacorona radiata.La corona radiata est faite des fibres venant de ou allant au cortex dans chaque hémisphère cérébral; large éventail jusqu’à la partie rétrécie de la capsule interne.


La capsule interne est une zone rétrécie où les fibres doivent trouver passage entre les noyaux gris centraux (figure 6.3). Elle est divisée en cinq régions : le bras antérieur (fibres reliant thalamus et cortex frontal), le genou (surtout fibres corticobulbaires), le bras postérieur (surtout les fibres Commande motrice centralevoie motrice corticospinalecorticospinalecorticospinalesCommande motrice centralevoie motrice corticospinalesous-corticospinale); enfin, en arrière des noyaux gris centraux passent les radiations optiques (allant au lobe occipital) et les fibres auditives (allant au lobe temporal).








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Figure 6.3
Capsule internecapsule interne.Les faisceaux moteurs et sensitifs traversent une zone étroite entre thalamus (1) et ganglions de la base (2); les fibres motrices corticobulbaires passent au niveau du genou (F pour face), puis dans le bras postérieur membre supérieur (S pour membre supérieur, I pour membre inférieur). Les fibres sensitives montent avec la même organisation somatotopique, face (f), membre supérieur (s) et membre inférieur (i). Plus en arrière traversent les fibres optiques (3) et auditives (4).


Le faisceau corticospinal traverse ensuite le tronc cérébral et va se diviser en deux : la partie la plus volumineuse croise la ligne médiane au niveau du bulbe (c’est la décussation des pyramides) pour former le faisceau corticospinal croisé ou pyramidal, qui circule ensuite dans la partie latérale de la moelle épinière; il contrôle donc la motricité des membres du côté opposé à l’hémisphère dont il est issu. Une partie plus réduite ne croise pas la ligne médiane et chemine antérieurement dans la partie médiane de la moelle, c’est le faisceau corticospinal direct ou ventral; il contribue au contrôle du tonus axial (figure 6.4). Ce système supérieur achemine par la voie motrice principale (sans relais jusqu’aux neurones médullaires) la commande motrice des mouvements volontaires. Toute la précision de la motricité fine en dépend.








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Figure 6.4
Faisceaux moteurs au niveau médullaire.Après décussation au niveau des pyramides bulbaires, le faisceau corticospinal croisé (1) descend latéralement, accompagné du faisceau rubrospinal (2). Les fibres en provenance de la substance réticulée (3), du tectum (4), des noyaux vestibulaires (5) descendent plus proches de la ligne médiane, de même que le faisceau corticospinal direct (6).



Noyaux gris centraux

noyau(x)gris centrauxLes noyaux gris centraux réfèrent à un ensemble formé par les ganglions de la base et le thalamus.

Les ganglions de la basenoyau(x)gris centrauxganglions de la base comportent le noyau caudé, putamen et globe pâle, la substance noire et le noyau sous-thalamique (voir les figures 1.2 et 6.3). Ils sont connectés entre eux, et avec tout ce qui est autour. Ils ont aussi des connexions avec le système limbique (circuit «archaïque» concernant motivation et émotion).

Le thalamusnoyau(x)gris centrauxthalamus est une volumineuse masse grise faite de nombreux noyaux, lieux de relais spécifiques. C’est la porte d’entrée du cortex pour les informations sensitives puisque tous les faisceaux sensitifs y font relais avant d’arriver au cortex où analyse et intégration auront lieu. Le thalamus, lui aussi, est relié aux centres qui régulent les émotions et les fonctions viscérales, au cervelet, aux ganglions de la base. Une «boucle motrice» réunit l’ensemble : cortex-ganglions de la base-thalamus-cortex.


Cortex sensitif

fonction sensorimotricecortex sensitifIl est voisin du cortex moteur; en effet, le cortex sensitif primaire (figure 6.1) est situé en arrière du cortex moteur (aires 1, 2, 3) dans la circonvolution pariétale ascendante. Il sert à la discrimination tactile, la localisation, la stéréognosie, le sens des positions, le sens du mouvement. Ainsi, une lésion de ces aires corticales entraîne un trouble de la perception qui perturbera la fonction motrice en brouillant les informations. Le cortex sensitif secondaire (aires 5 et 7) et le lobule pariétal postérieur servent à l’apprentissage, la mémoire, l’intégration sensorimotrice. Donc, une lésion de ces aires corticales entraîne un trouble de l’intégration et une désorientation visuospatiale.


Connexions interhémisphériques ou commissures

fonction sensorimotricecommissuresDeux hémisphères mais un seul cerveau, car ils sont réunis par un câblage transversal. Sans revoir toute l’anatomie de ces connexions, il faut dire un mot rapide sur le corps calleux, structure qui établit des connexions entre les régions corticales homologues (figure 6.5). On reconnaît quatre subdivisions d’avant en arrière : la tête ou rostrum, le genou, le corps, le bourrelet ou splénium. Son épaisseur est facile à évaluer sur les coupes sagittales d’une IRM et l’atrophie du corps calleux secondaire à des lésions hémisphériques peut être soit globale, soit partielle, selon la topographie des lésions corticales.








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Figure 6.5
Corps calleuxcorps calleux.Coupe sagittale (a) et coupe horizontale (b) montrant la disposition des fibres associatives interhémisphériques constituant le corps calleux.



Tronc cérébral, cervelet, bulbe rachidien, moelle épinière


Noyaux du tronc et voies motrices sous-corticospinales

fonction sensorimotricevoies motrices sous-corticospinalesLes noyaux du tronc envoient le faisceau descendant tectospinal. Le tectum agit sur le cou et la partie supérieure du tronc, en relation avec les stimulations visuelles et auditives.

La formation réticulée est nommée ainsi parce qu’elle ressemble aux mailles d’un filet (rete : filet). En effet, cette structure est un amas diffus de neurones disséminés à travers tout le tronc cérébral, entrelacé de connexions : un grand nombre de voies ascendantes et descendantes passent donc par la formation réticulée et donnent naissance à des collatérales innervant toutes les régions réticulaires. La formation réticulée est donc un mélange de neurones moteurs et sensitifs ayant des connexions avec toutes les régions du cerveau et avec la moelle épinière jusqu’aux interneurones médullaires. La partie supérieure (mésencéphalique) de la formation réticulée est excitatrice sur le neurone moteur; la partie inférieure (bulbaire) est inhibitrice (figure 6.6).








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Figure 6.6
Commande motrice centrale, représentation anatomique.1. Système supérieur, hémisphérique. 2. Système inférieur, tronc cérébral. 3. Faisceaux descendant dans la moelle épinière (en coupe). Le faisceau corticospinal croisé est latéral dans la moelle. Les faisceaux issus du tronc cérébral sont médians.


L’ensemble de ces formations représente un système archaïque dans l’évolution des espèces. Les connexions de cette région avec le diencéphale jouent un rôle important dans le contrôle de l’ensemble des activités du cerveau, en particulier pour la régulation des états de veille-sommeil, les fonctions cardiaques et respiratoires, les ajustements à l’environnement. L’intégrité du tronc cérébral est indispensable au maintien des fonctions vitales.

Dans ce feutrage de neurones dispersés, on reconnaît quelques noyaux spécifiques que l’on isole de la formation réticulée dans les descriptions, tels que les noyaux vestibulaires. Le rôle de ces noyaux vestibulaires, par leur action excitatrice sur le neurone moteur, est d’engendrer des contractions préprogrammées des muscles posturaux (extenseurs), ceux qui assurent le soutien du corps. Cette fonction antigravitaire est partagée avec les faisceaux issus des parties supérieure et inférieure de la formation réticulée.

Le noyau rouge est un volumineux noyau mésencéphalique. Ses fibres croisent la ligne médiane dans le tronc cérébral et descendent très mélangées avec les fibres corticospinales. En fait, le faisceau rubrospinal est «remplacé» fonctionnellement chez l’homme par le faisceau corticospinal. Il n’en sera donc plus question dans ce chapitre.

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May 9, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 6. Fonction sensorimotrice

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