Chapitre 52 Accouchement du gros enfant
La macrosomie fœtale est généralement définie par un poids de naissance supérieur à 4000 g. Certains la définissent par un poids de naissance au-dessus du 90e percentile pour un âge gestationnel donné. Cependant, les risques traumatiques au moment de l’accouchement sont liés au poids absolu de l’enfant et non à son percentile. La fréquence rapportée est variable selon la population étudiée et se situe en général entre 5 et 10 % des naissances. En France, en 2003, la fréquence des enfants ayant un poids de naissance entre 4 000 et 4 500 g était de 5,7 % et celle des enfants de plus de 4 500 g de 0,9 % [1]. Cette fréquence ne semble pas évoluer car ces chiffres étaient comparables à ceux de 1995. L’étiologie la plus fréquemment retrouvée est le diabète préexistant ou non à la grossesse ; cependant, on peut d’emblée constater que la majorité des macrosomes ne sont pas issus de mères diabétiques (15 à 20 % des macrosomes). Ainsi, une prise en charge efficace du diabète ne permettra jamais d’éviter la majorité des complications liées à la macrosomie fœtale. Les stratégies de prévention et de prise en charge au cours de la grossesse et de l’accouchement sont essentiellement orientées pour éviter sa complication majeure, la dystocie des épaules (DE) et sa conséquence, la lésion du plexus brachial (LPB).
Conséquences de la macrosomie fœtale
Avant d’énumérer les complications maternelles et néonatales de la macrosomie (tableau 52.1), il est important de rappeler que dans la grande majorité des cas, l’état de santé des mères et des enfants est bon en cas d’accouchement d’un gros enfant par voie basse. Dans une série de 227 nouveau-nés de plus de 4500 g (dont 82 % de voie basse parmi les 192 tentatives de voies basse), les auteurs rapportent 18,5 % de DE, 7 cas de LPB transitoires et 7 factures de la clavicule [2]. À 2 mois de vie, tous les enfants avaient un examen normal.
Conséquences néonatales de la dystocie des épaules
La DE surviendrait dans 0,2 à 3 % des accouchements selon les séries [4]. Contrairement à une idée reçue, la DE n’est pas systématiquement liée à un mauvais état néonatal. S’il existe une corrélation significative entre DE et score d’Apgar et pH faibles, peu d’enfants ont des valeurs très basses, ce qui rend ces critères peu intéressants cliniquement. De plus, la subjectivité du diagnostic de DE devrait faire préférer la LPB comme conséquence de santé dans la prise en charge de la macrosomie et dans l’analyse des données publiées.
Les risques néonatals sont néanmoins augmentés en cas de DE. La mortalité périnatale serait multipliée par 9 en cas de DE. Elle serait inférieure à 1 % dans les séries récentes. Dans une étude britannique portant sur 56 cas de décès directement lié à une DE, l’incidence d’un décès associé à une DE a été rapportée à 2,5 pour 100 000 accouchements [4]. Dans sa revue de la littérature, Rouse rapporte 2 à 4 décès liés à une DE pour 100 000 naissances [5].
La LPB est rapportée dans 16,8 % des cas pour Gherman et entre 6 et 35 % pour Rouse [5]. La grande majorité est temporaire puisque 5 à 8 % des nouveau-nés atteints d’une LPB à la naissance ont une lésion nerveuse persistante à un an de vie. On peut souligner que dans un tiers des cas de LPB, aucun facteur périnatal n’est retrouvé. Le risque dans la population générale est difficile à estimer ; McFarland retrouve un taux de 50/100 000 sur une série de 210 947 naissances [4]. Ce risque est multiplié par 2,5 chez les enfants de 4 000-4 500 g et par 10 chez ceux de poids supérieur à 4500 g.
Diagnostic de la macrosomie fœtale
Caractéristiques de la mère
Tableau 52.2 Facteurs de risque de macrosomie fœtale et de dystocie des épaules.
Antécédents | Critères de la grossesse en cours | Critères intrapartum |
---|---|---|
Examen clinique : palpation abdominale et mesure de la hauteur utérine
Les paramètres de variabilité de l’estimation du poids fœtal à l’aide de l’examen clinique sont l’obésité, les variations de quantité de liquide amniotique et l’expérience du clinicien. Une étude de référence a montré que la précision de l’EPF par l’examen clinique était de 500 g dans 82,5 % des cas mais dans seulement 35,3 % en cas de poids de naissance de plus de 4 500 g [7]. Devant cette imprécision de l’examen clinique à prédire la macrosomie, l’introduction de l’échographie à la fin des années 1970 est apparue comme la solution.
Comparaison examen clinique – échographie
Quelques études ont comparé la pertinence sur la prédiction du poids de naissance à terme de la clinique et de l’échographie et la majorité ne retrouve pas de supériorité nette de l’échographie [7]. Dans une étude sur 1 034 femmes en début de travail, la pertinence de l’échographie était supérieure à celle de l’examen clinique en cas d’accouchement prématuré mais elle était comparable en cas d’accouchement à terme ou après 41 SA. Dans une étude précédente, la prévision du poids de naissance était comparable entre l’échographie, l’examen de l’obstétricien et l’opinion de la femme en début de travail ! De même, Gonen et al. retrouvaient une meilleure valeur diagnostique avec l’examen clinique seul que l’examen clinique associé à l’échographie sur la prédiction des nouveaux nés de poids supérieur ou égal à 4 500 g [3].
Prédire et prévenir la dystocie des épaules
Facteurs de risque
Le but étant principalement de prédire la dystocie des épaules (ou mieux la LPB) et non la macrosomie fœtale, plusieurs auteurs ont recherché des critères prédictifs spécifiques de la DE. Rappelons que la macrosomie ne peut remplir le rôle de facteur prédictif pertinent car plus de la moitié des DE surviennent chez des enfants non macrosomes (cf. tableau 52.1). Ainsi, 26 à 58 % des DE et 24 à 44 % des LPB surviennent chez des nouveau-nés de moins de 4 000 g même si le risque de DE en cas de macrosomie était multiplié par 9 (OR = 9,1 ; IC95 % : 8,3-10,0) [4]. De la même manière, la grande majorité des enfants macrosomes (80 à 90 %) qui naissent par voie basse ne présentent pas de DE.
L’existence d’un diabète est un critère augmentant les risques probablement en raison de la prédominance troncale de l’obésité chez ces enfants. Ainsi le risque de DE est pour les classes de poids 4 000-4 250, 4 250-4 500, 4500-4750 et 4750-5 000 g respectivement de 5,2, 9,1, 14,3 et 21,1 % chez les mères non diabétiques contre 12,2, 16,7, 27,3 et 34,8 % chez les mères diabétiques [4]. Langer sur une série importante de macrosomes montre que le risque de DE est multiplié par 3,6 en cas de diabète [4]. Les autres facteurs de risque fréquemment retrouvés sont un antécédent de DE, une obésité, une prise de poids maternelle élevée, la multiparité, tous avec un nombre important de faux positifs et faux négatifs les rendant peu utilisables dans les décisions.