Chapitre 50 Prévention du décollement de rétine rhegmatogène

E. Parrat, C. Arndt

La prophylaxie du décollement de rétine est un sujet controversé. La démarche clinique est davantage fondée sur des convictions, personnelles ou livresques, que sur des certitudes scientifiques. La difficulté réside dans l’absence d’études prospectives randomisées et contrôlées qui constituent la base de l’exercice de la médecine actuelle, fondée sur des preuves. L’objectif de ce chapitre est de passer en revue un aperçu des principales données de la littérature sur les moyens de la prophylaxie et de leur utilisation en fonction des lésions rétiniennes à potentiel rhegmatogène.

Moyens de la prévention

LASER ARGON

Le laser est le traitement de première intention (fig. 50-1) :

– non invasif ;

– modérément douloureux ;

– à cicatrisation rapide ;

– non inflammatoire ;

– pouvant aussi se faire sous indentation en ophtalmoscopie indirecte au bloc sous anesthésie générale ;

– dépendant de la transparence des milieux.

Fig. 50-1 Prévention du décollement de rétine rhegmatogène par laser argon. 1. Lésion palissadique convenablement entourée. 2. Traitement avec retour à l’ora. 3. Traitement insuffisant avec risque de décollement par fuite antérieure en cas de déchirure. 4. Pas d’indication de photocoagulation pour le givre périphérique.

(D’après Morel.)

Le laser vert (532 nm : YAG doublé, 528 nm : argon) est la référence pour la photocoagulation rétinienne.

Le diamètre des impacts est compris entre 250 μm et 500 μm. Le facteur de grandissement du système optique doit être pris en compte (cf. infra).

Le temps d’exposition est classiquement de 0,10 s pour la rétine périphérique. Les nouveaux systèmes de délivrance (laser multipoints) utilisent un temps d’exposition plus court, de 0,02 s.

La puissance du faisceau laser est réglée dans le but d’obtenir un impact homogène d’aspect jaune chamois. Le traitement est commencé à basse puissance avec le diamètre et le temps d’exposition souhaités, puis la puissance est augmentée pour obtenir un aspect jaune chamois.

Des systèmes laser permettent un traitement par salves d’impacts automatisés (laser multipoints), ce qui permet de réduire le temps des séances de photocoagulation. Le traitement des lésions périphériques par un grand nombre de points simultanés est limité en pratique par les diffractions optiques en extrême périphérie.

Les systèmes optiques contact sont le plus souvent utilisés ; ils permettent de bloquer les paupières du patient ébloui par la puissance lumineuse du laser :

– le verre à trois faces de Goldman est particulièrement adapté au patient phake ;

– les verres asphériques (Panfunduscope®, H-R Wide Field®, QuadraAspheric®, SuperQuad 160®, etc.) sont très utilisés en cas de pseudophakie, de cataracte équatoriale ou de dilatation médiocre ;

– il est nécessaire d’adapter la taille des spots à la lentille choisie en fonction de son pouvoir de grandissement : par exemple, la lentille QuadraAspheric® a un pouvoir de grandissement de 0,51 et l’impact laser est alors 1,97 fois plus gros que le diamètre programmé.

Le patient doit être installé le plus confortablement possible et mis en confiance par des explications préalables au début du traitement. Le laser peut être douloureux. La prise d’antalgiques et d’anxiolytiques une heure avant le traitement est souhaitable. Dans de rares cas, on peut être obligé de proposer une anesthésie locorégionale ou générale.

L’objectif est d’empêcher la formation d’un décollement de rétine en entourant la lésion à traiter par au moins trois rangées d’impacts situés à distance de la lésion.

Si une déchirure se forme lors du décollement postérieur du vitré, le laser permet de contrecarrer en partie la traction vitréorétinienne. Le laser plus périphérique aura pour rôle de limiter l’extension du soulèvement de la rétine.

CRYOAPPLICATION TRANS-SCLERALE

La cryoapplication trans-sclérale est indiquée lorsque le laser est impossible — par insuffisance de transparence des milieux (cornée, cristallin, vitré, hémorragie intravitréenne localisée) —, lorsque la lésion est unique et très antérieure, ou en cas de soulèvement des bords rendant le laser inefficace.

La cryoapplication, à l’inverse du laser, est :

– invasive ;

– douloureuse ;

– à cicatrisation lente ;

– à potentiel inflammatoire ;

– relativement indépendante de la transparence des milieux.

Les principes de sa réalisation pratique sont développés dans le chapitre sur le traitement chirurgical du décollement de rétine par voie externe : cf. chapitre 20.

INDENTATION PAR CERCLAGE

Le cerclage est proposé dans les cas où le laser est impossible ou inefficace et la cryoapplication trop extensive. Un exemple est la prévention du décollement de rétine controlatéral sur hérédodégénérescence vitréorétinienne par syndrome de Stickler ^[21].

AUTRES

Sont sans fondement scientifique :

– la césarienne lors de l’accouchement des patientes myopes avec antécédents de lésions rhegmatogènes ;

– l’anneau de sac de tension capsulaire proposé lors de la chirurgie de cataracte chez les patients myopes forts, visant théoriquement à limiter les remaniements et les contractions de la base vitréenne.

Principes de la prévention

PRINCIPES GENERAUX

La prévention primaire vise à empêcher l’apparition d’un décollement de la rétine, en proposant un traitement avant même l’apparition de lésions rhegmatogènes. Par conséquent, la prévention primaire consiste à réaliser un traitement circonférentiel équatorial.

La prévention secondaire implique de traiter des lésions rhegmatogènes constituées, voire un décollement de rétine périphérique limité asymptomatique afin d’en limiter l’extension et le retentissement fonctionnel. Ce traitement s’attache à traiter de façon sélective des lésions objectivées par l’examen biomicroscopique.

PROPHYLAXIE EN L’ABSENCE DE LESION RHEGMATOGENE

Les indications actuellement proposées sont relativement restreintes : la prévention primaire se limite aujourd’hui à un assez petit nombre de cas (alors qu’elle était encore largement préconisée il y a une vingtaine d’années) :

– œil adelphe d’un œil ayant présenté une déchirure géante ; l’indication reste controversée ^{[1, 15]} (fig. 50-2) ;

– œil adelphe d’un œil ayant présenté un décollement de rétine sur vitréorétinopathie héréditaire ^{[21, 24]}.

Fig. 50-2 Échec de la prophylaxie. Déchirures s’étant produites en arrière d’un barrage laser sur 360°.

PROPHYLAXIE EN PRESENCE DE LESION(S) RHEGMATOGENE(S)

La prévention secondaire demeure la question centrale. Quelles lésions rhegmatogènes sont à traiter impérativement ? Lesquelles sont à surveiller ou à ignorer ?

L’indication de la prophylaxie est discutée pour chaque lésion à potentiel rhegmatogène :

– les déhiscences symptomatiques ;

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