Chapitre 5 Recommandations et modalités de dépistage et de surveillance
Dépistage de la rétinopathie diabétique
Recommandations de dépistage de la rétinopathie diabétique
En France, les recommandations de l’ALFEDIAM (1996), celles de l’ANAES (1999), ainsi que celles de l’AFSSAPS (2006) et récemment de la HAS (2007), préconisent une surveillance annuelle du fond d’œil de tout patient diabétique [1–5]. Ceci est en accord avec la majorité des recommandations internationales, même s’il existe des variantes selon les pays (Tab. 5.1). En effet, la fréquence du dépistage peut être modulée en fonction du terrain diabétique : un dépistage de la rétinopathie diabétique tous les 2 ans chez un patient diabétique de type 2 sans facteurs de risque majeur, et sans rétinopathie diabétique semble suffisant. Les études épidémiologiques les plus récentes ne montrent, en effet, aucun cas d’évolution de tels patients vers une forme sévère de rétinopathie diabétique en un an [6]. En revanche, les patients à risque (diabète ancien, mauvais équilibre glycémique et/ou tensionnel, traitement par insuline) doivent être impérativement dépistés tous les ans.
Recommandations de surveillance ophtalmologique | Diabète de type 1 1°examen Surveillance | Diabète de type 2 1°examen Surveillance |
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Retinopathy Working Party (Europe) 1991 [7] | Diagnostic du diabète puis FO au moins tous les 2 ans, annuel ou + en cas de RD | Diagnostic du diabète puis FO au moins tous les 2 ans, annuel ou + en cas de RD |
ADA/AAO (USA) 1992 [8] | Après 5 ans de diabète, puis FO au moins annuel | Diagnostic du diabète Pas de RD : FO 4 ans plus tard, puis annuel Si RD, FO annuel |
ALFEDIAM (France) 1996 [5] | Diagnostic du diabète puis FO au moins annuel | Diagnostic du diabète puis FO au moins annuel |
NHMRC (Australie) 2008 [9] | Diagnostic du diabète puis FO au moins tous les 2 ans | Diagnostic du diabète puis FO au moins tous les 2 ans |
Royal College of Ophthalmologist (UK) 2005 [10] | Diagnostic du diabète puis FO au moins annuel | Diagnostic du diabète puis FO au moins annuel |
AAO (USA) 1998 [11] | Après 5 ans de diabète puis FO au moins annuel | Diagnostic du diabète puis FO au moins annuel |
ANAES 1999 (France) [1] | Diagnostic du diabète puis FO au moins annuel | |
AFFSAPS [2] | Diagnostic du diabète puis FO au moins annuel |
Modalités de l’examen de dépistage de la rétinopathie diabétique
L’examen de dépistage porte sur la détection de la rétinopathie diabétique
Et l’examen du fond d’œil de préférence par photographies du fond d’œil avec ou sans dilatation pupillaire, à défaut par ophtalmoscopie indirecte à la lampe à fente après dilatation pupillaire, réalisée par un ophtalmologiste (www.has-sante.fr).
Il existe deux modalités de dépistage de la rétinopathie diabétique : l’ophtalmoscopie indirecte et la photographie du fond d’œil. L’angiographie à la fluorescéine n’est pas un examen de dépistage du fait de son caractère invasif, de son coût et de ses risques. Il n’y a donc aucune indication de l’angiographie en fluorescence pour la prise en charge de la rétinopathie diabétique tant que le fond d’œil est normal (ANAES, 1999) [1].
La photographie du fond d’œil
Elle a été désignée comme la méthode de référence pour le dépistage de la rétinopathie diabétique par plusieurs recommandations nationales et internationales (http://www.drscreening2005.org.uk [13]), et, en 2007, en France par la Haute Autorité de Santé (Guide ALD pour le suivi du diabète, www.has-sante.fr) [3, 4] ; en effet, de nombreuses études ont démontré que la photographie du fond d’œil est plus sensible et spécifique que l’ophtalmoscopie pour détecter la rétinopathie diabétique.
L’inconvénient de la photographie du fond d’œil est l’impossibilité d’obtenir des clichés interprétables chez certains patients, soit du fait d’une cataracte, soit du fait d’un myosis [14–18].
La HAS a émis un avis favorable (11 juillet 2007) pour l’inscription de l’acte isolé d’interprétation des photographies du fond d’œil, et de l’acte isolé de photographie, à la CCAM et NGAP (Nomenclature générale des actes professionnels) [19]. L’amélioration du service attendu (ASA) de cet acte, par rapport à la rétinographie avec photographie et interprétation par l’ophtalmologiste en présence du patient, a été jugée importante (ASA niveau II) par la HAS, car cet acte est plus accessible et acceptable pour le patient, mais également pour l’ophtalmologiste (optimisation du temps de travail des ophtalmologistes, grâce à la délégation de la prise de photos).
Recommandations pour le dépistage de la rétinopathie diabétique par photographies du fond d’œil
Des recommandations pour le dépistage de la rétinopathie diabétique par photographies du fond d’œil ont été élaborées par un groupe d’experts à la demande de la Direction générale de la Santé, dans le cadre du Plan Diabète, et ont été labélisées par la Société française d’ophtalmologie (www.sfo-asso.fr).
Patients concernés par le dépistage de la rétinopathie diabétique par photographies du fond d’œil
Prise des photographies du fond d’œil
Le protocole de dépistage de la rétinopathie diabétique doit comprendre au minimum 2 photographies couleur de 45° de chaque œil, l’une centrée sur la macula, l’autre sur la papille. Un 3e champ, en temporal de la macula, est facultatif (Fig. 5.1).
La prise de photographies peut être réalisée sans dilatation pupillaire, à l’aide d’un rétinographe couleur non mydriatique, par un/une orthoptiste de préférence, ou à défaut, par un/une infirmière, ou bien sûr un médecin. Le personnel chargé de la prise de photographies du fond d’œil pour le dépistage de la rétinopathie diabétique doit faire l’objet d’une formation initiale, ainsi que d’une procédure de formation continue visant à garantir une qualité optimale des photographies du fond d’œil.
En cas d’impossibilité d’obtenir des clichés de bonne qualité, une mydriase pharmacologique (une goutte de tropicamide à 0,5 % dans chaque œil) peut être réalisée par du personnel formé à cet effet, notamment infirmier et orthoptiste. En effet, d’après 3 études portant sur 129 patients [20, 21] et 2 recommandations [9,22] reposant sur les données de la littérature et sur l’avis d’experts, les risques liés à la dilatation pupillaire par tropicamide sont proches de zéro.
Interprétation des photographies du fond d’œil
Un écran d’au moins 19 pouces doit être utilisé pour la lecture des images.
Pour que les clichés soient jugés comme interprétables, il est indispensable que les 2 clichés maculaire et nasal soient interprétables, en particulier la région centro-maculaire (fovéale). Les clichés doivent être jugés ininterprétables si leur définition est insuffisante (vaisseaux rétiniens de 2e ordre non analysables), si moins des 2/3 d’une des images est analysable, et obligatoirement, si le centre de la macula n’est pas analysable (Fig. 5.2).
Fig. 5.2 Interprétabilité des photographies du fond d’oeil.
La classification de la rétinopathie diabétique utilisée pour le dépistage de la rétinopathie diabétique est dérivée de la classification simplifiée de l’ETDRS et des classifications de dépistage anglo-saxonnes [22] (Tab. 5.2).
Stades de gravité de la RD* | |
Stade 0 : pas de RD* | |
Stade 1 : RDNP** minime | • Nodule cotonneux isolé ou hémorragie rétinienne, sans microanévrisme associé • Microanévrismes seulement |
Stade 2 : RDNP**modérée(stade intermédiaire entre les stades minimeet sévère) | • Stade plus sévère que le stade 1 • Stade moins sévère que le stade 3 |
Stade 3 : RDNP**sévère | • Hémorragies rétiniennes et/ou microanévrismes de gravité supérieure ou égale à la photographie standard 2A de l’ETDRS dans au moins un champ périphérique (Fig. 4.3) • et/ou AMIR ≥ photographie standard 8A (Fig. 4.5) • et/ou veines moniliformes |
Stade 4 : RD*proliférante | • ≥ 1 néovaisseau prérétinien ou prépapillaire +/− fibrose • et/ou complicationde la RD* proliférante : hémorragie intravitréenne, prérétinienne,décollement de rétine |
* RD : rétinopathie diabétique
** RDNP : rétinopathie diabétique non proliférante.
Les comparaisons par rapport aux photographies standard sont des comparaisons en termes de densité de lésions, à faire de manière relativement instinctive. Il ne s’agit pas de comparer le nombre total de lésions visibles sur la photo ETDRS par rapport à celui de la photo de dépistage, car les photos n’ont pas le même angle (45° pour la photo de dépistage contre 30° pour l’ETDRS).
Classification de la maculopathie (Tab. 5.3)
Stade 0 : pas de maculopathie | Absence d’exsudats secs |
Stade 1 :maculopathie débutante | Présence d’exsudats secs de petite taille et peu nombreux situés à plus d’un diamètre papillaire du centre de la macula |
Stade 2 : maculopathie confirmée | • Exsudats circinés de taille supérieure à 1 surface papillaire situés à plus d’un diamètre papillaire du centre de la macula • Présence d’exsudats secs situés à moins d’un diamètre papillaire du centre de la macula |
Exemples (Fig. 5.3)
Fig. 5.3 Exemples pratiques de dépistage de la rétinopathie diabétique.
Conduite à tenir
La stratégie de dépistage de la rétinopathie diabétique doit aboutir au diagnostic de toutes les formes sévères de rétinopathie diabétique (≥ rétinopathie diabétique non proliférante sévère ou œdème maculaire modéré ou sévère).