Chapitre 5 Prélèvements fœtaux
Depuis quarante ans, les obstétriciens réalisent des prélèvements ovulaires pour le diagnostic d’anomalies chromosomiques, de maladies génétiques mais aussi d’infection fœtale et d’anémie fœtale. Le nombre de prélèvements a augmenté en premier lieu du fait de l’évolution des techniques de cytogénétique, de génétique moléculaire couplée à une meilleure connaissance des maladies génétiques et des anomalies géniques à leur origine, et en second lieu du fait de l’amélioration des performances de dépistage et de diagnostic des échographistes en période prénatale ; il est aussi lié à la mise en place à l’échelle de la France d’une stratégie de dépistage de la trisomie 21. Les prélèvements fœtaux sont des gestes invasifs intra-ovulaires qui présentent des risques maternels et fœtaux. L’objectif du prélèvement ovulaire est d’obtenir des cellules fœtales pour réaliser un diagnostic. Les plus fréquents sont l’amniocentèse qui recueille des cellules cutanées fœtales, la trophocentèse qui recueille des villosités choriales et la ponction de sang fœtal des éléments figurés du sang.
Quel que soit le prélèvement réalisé, sont nécessaires :
au cours d’une consultation médicale :
1 Des informations relatives :
ainsi qu’à l’analyse ou aux analyses de
pour laquelle ou lesquelles ce prélèvement est effectué.
L’original du présent document est conservé dans le dossier médical de la patiente.
Une copie de ce document m’est remise ainsi qu’au praticien devant effectuer les analyses.
Amniocentèse
C’est la technique de prélèvement ovulaire la plus utilisée en France. En 2003, l’enquête périnatale montre que 15 % des femmes enceintes en ont bénéficié. Selon le terme de réalisation, on distingue l’amniocentèse ultraprécoce de 13 à 15 SA, l’amniocentèse précoce de 16 à 20 SA et l’amniocentèse tardive après 20 SA. La meilleure période est la 17e semaine, où le rapport cellules fœtales desquamées sur amniocytes dans le liquide amniotique est le plus favorable.
Technique
Le prélèvement de liquide amniotique s’effectue en ambulatoire chez une patiente non à jeun et après réalisation d’une échographie permettant de vérifier le terme, la vitalité fœtale, la quantité de liquide amniotique, la position du placenta et l’accessibilité d’une citerne de liquide amniotique.
Après installation de la patiente respectant une asepsie rigoureuse, l’échographie permet de choisir le site de ponction. On le situe si possible au niveau de la plus grande citerne de liquide amniotique et à distance du placenta. La ponction transplacentaire ne peut cependant pas toujours être évitée, notamment en cas d’insertion antérieure du placenta. Sa réalisation pourrait augmenter le risque d’allo-immunisation fœtomaternelle mais ne semble pas exposer à un risque plus grand d’avortement [1–3]. Le site de ponction doit éviter la région de la plaque choriale riche en vaisseaux.
Après retrait de l’aiguille, l’activité cardiaque fœtale, les mouvements actifs fœtaux et l’absence de saignements sont contrôlés. Au décours d’une surveillance d’au moins deux heures s’assurant de l’absence de survenue d’une hydrorrhée post-amniocentèse, la sortie de la patiente est autorisée.
Complications et risques
Échec de prélèvement
Les échecs de réalisation d’une amniocentèse sont rares et directement liés à l’expérience de l’opérateur. Ils sont le plus souvent en rapport avec des conditions locales difficiles : obésité maternelle majeure, utérus fibromateux avec un ou des fibromes antérieurs s’interposant sur le trajet de ponction, interpositions de la vessie et de l’intestin sur le trajet de ponction en cas notamment d’utérus rétroversé ou cicatriciel, ou d’oligoamnios gênant la visualisation échographique de la cavité amniotique.
Dans ces situations difficiles, la patiente est convoquée une semaine plus tard pour une nouvelle tentative de prélèvement. En cas d’anamnios ou d’oligoamnios très sévère, on peut être amené à ne réaliser le prélèvement qu’après une amnio-infusion préalable.
Risques obstétricaux
Pertes fœtales
Le taux de pertes fœtales lié au prélèvement ovulaire est difficile à évaluer. Les différentes études ne comparent pas les mêmes issues de grossesse, pertes fœtales avant 24 SA, 28 SA ou à terme. Par ailleurs, les interruptions de grossesse secondaires à un caryotype anormal ne sont pas prises en compte. Dans toutes les études, des patientes sont perdues de vue et peut-être à cause d’une perte fœtale. Les facteurs connus d’augmentation du risque sont l’âge maternel supérieur à 35 ans, les saignements ovulaires préalables pendant la grossesse, les antécédents de fausses couches précoces, un taux élevé d’α-fœtoprotéine au dépistage par marqueurs sériques du 2e trimestre et l’inexpérience de l’opérateur. Le taux de perte fœtale attribué au prélèvement est estimé entre 0,06 et 1 % [4, 5].
Dans le cas particulier des amniocentèses du 1er trimestre, les taux de pertes fœtales sont plus importants qu’au 2e trimestre mais aussi par rapport à ceux rapportés pour les trophocentèses [6, 7].
Traumatisme direct du fœtus
Ce type de complication n’a été pas été décrit depuis la systématisation du guidage échographique.
Traumatisme indirect du fœtus
Des pieds varus équins et des luxations congénitales de hanche ont été décrits, en particulier après amniocentèse ultraprécoce [6, 8–10] et fuite chronique de liquide amniotique, et pourraient être secondaires à l’oligoamnios induit.
Perte de liquide amniotique
Sa fréquence est estimée à 2 % des cas [11]. Dans la majorité des cas elle est temporaire et sans conséquence à long terme pour le fœtus. La fuite dure environ une semaine et s’arrête d’elle-même. En cas de rupture prolongée des membranes, le pronostic est lié à la quantité résiduelle de liquide amniotique avec un risque infectieux maternofœtal, un risque d’accouchement prématuré, de déformations squelettiques et d’hypoplasie pulmonaire.
Allo-immunisation Rhésus
Le risque d’allo-immunisation Rhésus lié au passage transplacentaire d’hématies fœtales est plus important en cas de ponction transplacentaire ou de liquide amniotique sanglant. La prophylaxie de cet accident est indispensable chez les patientes Rhésus négatif par injection d’immunoglobulines anti-D.
Échec de culture et mosaïcisme
Le risque d’échec de culture est estimé à 0,1 %. Le risque de mosaïcisme à 0,25 % [12].
Indications
Les principales indications de l’amniocentèse sont citées dans le tableau 5.1.
Indications | Analyse demandée |
---|---|
Femme à risque de trisomie 21 fœtale ≥ 1/250 | Caryotype fœtal |
Parents porteurs d’une anomalie chromosomique | |
Antécédents d’anomalie chromosomique | |
Signes d’appel échographiques | |
Antécédents de maladie génique | Étude de génétique moléculaire |
Maladie héréditaire du métabolisme | Dosages enzymatiques |
Suspicion de non-fermeture du tube neural | Électrophorèse de l’acétylcholinestérase |
Infection maternofœtale | PCR, culture |
Prélèvements de villosités choriales
Développé en France depuis le début des années 1980, le prélèvement de villosités choriales, ou biopsie de trophoblaste, ou choriocentèse, permet d’obtenir un diagnostic chromosomique, cytogénétique ou biochimique dès la 11e SA. Ce prélèvement permet le recueil de cellules cytotrophoblastiques qui ont la particularité d’avoir un index mitotique élevé permettant une analyse des mitoses spontanées sans culture préalable et donc une étude chromosomique par examen direct. Le caryotype fœtal est obtenu en 24 heures et une mise en culture du prélèvement est recommandée pour mettre en évidence les discordances fœtoplacentaires (1 à 2 %).