5: La contraction utérine

Chapitre 5 La contraction utérine



La contraction utérine est la force motrice qui permet au cours de l’accouchement la formation du segment inférieur, la dilatation du col utérin et la progression du mobile fœtal dans la filière pelvigénitale.


Nous envisagerons : la physiologie de la contraction myométriale et sa régulation ; le mécanisme du déclenchement du travail ; les aspects cliniques.


L’étude de la physiologie permet d’approcher la compréhension des phénomènes pathologiques (anomalies d’intensité et de fréquence des contractions, accouchement prématuré et dépassement de terme) et leur correction pharmacologique.



Le myomètre



Paroi utérine


La paroi utérine est constituée de trois tuniques :





La musculeuse est constituée de trois couches, mal délimitées entre elles, la couche moyenne se caractérisant par sa richesse en vaisseaux.


Les cellules musculaires lisses sont groupées en petits amas de cellules parallèles (300 µm de diamètre), délimités par du conjonctif. Ces ensembles sont à leur tour organisés en longs faisceaux entourés d’une matrice collagène dense. Ces faisceaux, dont le diamètre varie de 1 à 2 mm, peuvent être distingués à l’œil nu. Ils constituent l’unité fonctionnelle du muscle utérin.


L’organisation spatiale des faisceaux est particulière. Dans la couche musculaire interne, ils sont disposés de façon majoritairement circulaire autour de la cavité utérine. Dans les deux couches les plus externes, les faisceaux musculaires sont entrelacés, enserrant l’organe.


Pendant la gestation, on observe une première phase d’hyperplasie (augmentation du nombre des fibres musculaires), puis une hypertrophie. Les cellules musculaires augmentent de taille et accumulent des protéines contractiles. En fin de grossesse, le développement utérin cesse alors que le contenu continue à augmenter de taille. La distension qui s’ensuit entraîne une tension. Le tissu conjonctif a un rôle plastique et de transmission des forces contractiles engendrées par les cellules musculaires. Il livre passage aux vaisseaux sanguins, aux lymphatiques et aux nerfs.


Le col utérin est constitué essentiellement de tissu conjonctif. Les fibrilles (collagène, élastine) sont au sein d’un stroma riche en protéoglycanes et glycosaminogly-canes. Le tissu musculaire y représente moins de 15 %. Le muscle utérin est un muscle lisse. En histologie, il ne présente pas les striations transversales caractéristiques des muscles squelettiques.



Cellules myométriales


Les cellules myométriales sont courtes et fusiformes, juxtaposées les unes aux autres. Elles sont uninucléées et capables de se multiplier, alors même qu’elles sont différenciées. Cette propriété permet le développement de l’utérus tout au long de la grossesse.


Le contenu en filaments du cytoplasme des cellules myométriales est élevé (80 % de leur volume en fin de grossesse). Ils ont deux fonctions.




Filaments contractiles


Ce sont les filaments fins d’actine et les filaments épais de myosine. C’est leur interaction qui permet la contraction de la cellule myométriale. Les filaments d’actine sont arrimés entre eux et à la membrane cellulaire par les plaques denses. Ils forment un réseau orienté en diagonale par rapport au grand axe de la cellule (figure 5.1). Les filaments de myosine glissent le long des filaments d’actine grâce à l’activation de ponts transversaux entre les deux molécules. Sous l’effet de la force contractile ainsi générée, la cellule raccourcit.


Les cellules musculaires sont mécaniquement unies. Les desmosomes (jonctions adhérentes) arriment les cellules adjacentes, permettant d’assurer la résistance aux fortes contraintes mécaniques de la contraction. Des molécules membranaires d’adhérence, comme les occlu-dines et les claudines, assurent la cohésion du tissu.


Il existe également des jonctions fonctionnelles, les jonctions communicantes (connexons). Ce sont de fins tunnels constitués de protéines. Présentes dans la membrane cellulaire et placées en regard les unes des autres dans des cellules adjacentes, elles ne sont pas impliquées dans les propriétés mécaniques, mais dans la conduction du signal électrique. Elles laissent passer les petites molécules, ions en particulier, qui peuvent donc s’échanger d’une cellule à l’autre, sans transiter par le liquide extracellulaire. Ainsi l’activité électrique d’une cellule musculaire peut-elle se transmettre à l’ensemble du muscle, ce qui permet une synchronisation de la contraction.



Contraction et relaxation de la cellule musculaire lisse



Activation de la myosine par le calcium intracellulaire [1]


La force contractile dépend de l’activation des chaînes légères de la myosine. Il existe un équilibre entre l’activation de la myosine par une phosphorylase, la kinase de la chaîne légère de la myosine (Myosin Light Chain Kinase, MLCK), et sa désactivation par une phosphatase, la phosphatase de la chaîne légère de la myosine (Mysosin Light Chain Phosphastase, MLCP).


L’étape biochimique pivot de la contraction utérine est l’augmentation du taux de calcium dans le cytoplasme de la cellule myométriale (figure 5.2A). Quatre ions calcium se lient alors à une molécule de calmoduline. Le complexe calcium-calmoduline ainsi formé se fixe à la MLCK et l’active. La MLCK activée phosphoryle les chaînes légères de la myosine, qui peuvent dès lors se fixer à l’actine. Les filaments de myosine glissent sur les filaments d’actine. La fibre musculaire raccourcit. Ce phénomène est appelé le cycle des ponts transversaux. La transformation d’énergie chimique en énergie mécanique nécessaire à ce mécanisme est assurée par l’ATPase de l’actomyosine.



La relaxation procède d’un processus symétrique. La baisse du taux de calcium intracytoplasmique active la MLCP. La MLCP activée déphosphoryle la myosine, qui ne peut plus se lier à l’actine (figure 5.2A).


La cinétique de la relaxation est plus lente que celle de la contraction car le clivage des ponts transversaux entre actine et myosine n’est pas immédiat après la baisse du taux de calcium intracytoplasmique. Ce mécanisme permet une contraction soutenue au prix d’une moindre consommation d’énergie.


En réalité, l’équilibre MLCK/MLCP s’inscrit dans une régulation complexe (figure 5.2B).


À l’échelon cellulaire, la tension musculaire est proportionnelle à la concentration de calcium intracytoplasmique, car celui-ci régule le nombre de ponts transversaux entre actine et myosine. À l’échelon du muscle, la tension musculaire dépend en outre de la synchronisation de l’ensemble des fibres entre elles. En l’absence de stimulation, une faible activité permanente de la MLCK assure un tonus de base.


Le calcium provient du liquide extracellulaire et du réticulum sarcoplasmique. Cet organite est une forme particulière du réticulum endoplasmique lisse, et constitue un site de stockage intracellulaire de calcium (figure 5.3).




Phénomènes électriques


L’activation électrique de la cellule musculaire utérine ne dépend pas d’une décharge neuronale, contrairement à ce que l’on observe pour le muscle squelettique : elle émane du muscle lui-même. Cette activité est donc dite myo- gène. L’innervation utérine, issue du système autonome, n’est pas déclenchante mais régulatrice.


Changements ioniques et genèse des signaux électriques sont étroitement corrélés. Na+, K+, Ca++ et Cl passent la barrière membranaire à travers des canaux ioniques. Les canaux à passage libre (canaux de fuite) sont ouverts en permanence. Les canaux à porte sont régulés. La commande de la porte ionique peut être un changement de voltage (canal voltage-dépendant), un messager spécifique (l’ouverture ou la fermeture du canal est déclenchée par la liaison ligand-récepteur), ou un stimulus physique, qu’il soit mécanique (distension) ou thermique.


Les concentrations ioniques différentes de part et d’autre de la membrane génèrent une différence de potentiel. Au repos, la cellule myométriale est hyperpolarisée, ce qui correspond à un potentiel de membrane négatif (figure 5.4). La valeur moyenne du potentiel de membrane varie au cours de la grossesse. Elle se situe autour de -80 mV vers 28 SA, et de -55 mV à terme (ce qui traduit une baisse de la polarisation cellulaire).



Le potentiel de membrane n’est pas stable. Sous l’influence des stimuli auxquels la cellule est soumise, des transferts ioniques se produisent continuellement de part et d’autre de la membrane cellulaire. En conséquence, le potentiel de membrane fluctue en permanence autour de sa valeur de base, constituant les ondes lentes de potentiel.


Quand les conditions d’excitabilité sont réunies, la polarisation de la membrane diminue et atteint une valeur seuil, à laquelle se déclenche un potentiel d’action. Le potentiel d’action ouvre les canaux calciques voltage-dépendants et il se produit une entrée massive de calcium dans la cellule (figure 5.5A). En fin de contraction, la membrane se repolarise.


image image

Figure 5.5 Régulation de l’entrée de calcium dans la cellule.






À la différence de ce que l’on observe dans le muscle cardiaque, il n’a pas été mis en évidence de cellules spécialisées dans la genèse du signal électrique. Le potentiel d’action peut naître à toute localisation de l’utérus. Il naît à un endroit de la membrane cellulaire, se propage sans décrément à toute la cellule, aux cellules voisines et à l’ensemble du faisceau si le myomètre est mature.



Excitation électrique et contraction musculaire


Des salves de potentiels d’action précèdent les contractions et prennent fin légèrement avant elles. La fréquence et la durée des salves dépendent du nombre de cellules simultanément activées. Activité électrique et force des contractions sont proportionnelles.


Pendant la grossesse, il existe une activité électrique utérine spontanée, sous forme de salves intermittentes de potentiels d’action.


En fin de grossesse, fréquence et amplitude des potentiels d’action augmentent. Ils deviennent multiples. Lorsqu’une dépolarisation cellulaire se produit, elle se propage à l’ensemble des fibres du faisceau, ce qui aboutit à une contraction en masse. Plusieurs mécanismes permettent cette coordination. L’augmentation du nombre de connexons permet un passage direct du calcium d’une cellule à l’autre. La production de PGF2α (prostaglandine F2α) par les cellules musculaires activées agit de manière paracrine sur les myocytes voisins.


Pendant le travail d’accouchement, les potentiels d’action se succèdent en salves durant de 1,5 à 2 min. Le retour à la polarisation cellulaire complète survient en fin de salve.


La densité en connexine, élément constitutif principal des connexons, est plus élevée au niveau du fond utérin. Une meilleure propagation du signal électrique à ce niveau concourt vraisemblablement à la dominance électrique du fond utérin.


La vitesse apparente de propagation du signal électrique (c’est-à-dire la vitesse de propagation le long d’un faisceau musculaire) est estimée entre 2,5 et 5 m/s.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Sep 24, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 5: La contraction utérine

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access