Chapitre 44 Aspects réglementaires et médicolégaux du diagnostic prénatal
les textes en vigueur et évolution des jurisprudences
En revanche, avec une dynamique beaucoup plus rapide, la pratique quotidienne et son interface avec la société ont fourni très rapidement une jurisprudence abondante et très évolutive, surtout dans le domaine du dépistage échographique prénatal. Le point d’orgue des dérives de cette « hyperactivité jurisprudentielle » fin 2001 a abouti à la rédaction dans l’urgence de l’article 1 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, ainsi qu’à la création du Comité national technique de l’échographie de dépistage prénatal (CNTE) pour réfléchir sur les limites, les difficultés et les critères de qualité de l’échographie prénatale qui était la cible privilégiée des plaintes en responsabilité médicale. Depuis, l’Agence de la biomédecine a publié un état des lieux, descriptif et factuel, qui détaillait les objectifs du diagnostic prénatal et les stratégies mises en œuvre pour les atteindre, exposait les données, illustrant quantitativement et qualitativement la pratique du diagnostic prénatal en France et dans les pays les plus proches du système de santé français, et précisait les conditions de mise en œuvre du diagnostic prénatal, tant dans son contexte réglementaire que technique ou organisationnel, rapport qui permettait d’appréhender la situation du diagnostic prénatal dans sa globalité en France [1].
Législation : les textes « fondateurs » et leur évolution
Même si l’ordre de présentation chronologique des textes législatifs « fondateurs » n’a pas de logique dans la pratique quotidienne, nous le conserverons dans ce chapitre pour une meilleure compréhension de la structuration rapidement progressive des lois et règlements encadrant le diagnostic prénatal (DPN). En effet, en 30 ans, de la loi Veil-Pelletier, en passant par la loi « relative à la bioéthique » et la loi « relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé », des articles de loi sont venus régulièrement compléter le Code de la santé publique (actualisation d’octobre 2010 viahttp://www.legifrance.gouv.fr).
Évolution des articles de loi sur l’interruption volontaire de grossesse pratiquée pour motif thérapeutique découlant de la loi Veil-Pelletier
Loi de bioéthique, dernière révision, et textes réglementaires concernant spécifiquement le diagnostic prénatal
Article L. 2131-4 du Code de la santé publique concernant le diagnostic pré-implantatoire
Les deux membres du couple expriment par écrit leur consentement à la réalisation du diagnostic.
Article L. 2131-4-1 du Code de la santé publique (diagnostic pré-implantatoire)
Les deux membres du couple expriment par écrit leur consentement à la réalisation du diagnostic.
Article L. 2131-5 du Code de la santé publique
Article 1 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002
Cet article de loi mal nommé « article anti-Perruche », stipule que :
Création de l’Agence de la biomédecine à l’occasion de la révision des lois de bioéthique
Elle se voit notamment confier les missions suivantes concernant le diagnostic prénatal : suivre, évaluer et contrôler les activités thérapeutiques et biologiques et veiller à leur transparence. Dans ce but, des rapports annuels d’activité des CPDPN, incluant des recueils de données cliniques, ainsi que des laboratoires de DPN, sont rendus chaque année ; recueil de données amélioré et facilité grâce aux modèles de rapports disponibles en ligne, à compléter, signer et adresser au pôle « Évaluation » de l’Agence de la biomédecine avant le 31 décembre de l’année civile suivante (données 2009 avant le 31/12/2010) [2] ; participer à l’élaboration de la réglementation ; délivrer les autorisations pour les recherches in vitro sur l’embryon et les cellules embryonnaires et pour la conservation de cellules souches embryonnaires à des fins de recherches ; autoriser les échanges de cellules reproductives et de cellules souches embryonnaires avec des pays tiers destinés à la recherche ; délivrer les autorisations des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal et des centres de diagnostic pré-implantatoire ; agréer les praticiens réalisant du diagnostic prénatal et du diagnostic pré-implantatoire, des examens des caractéristiques génétiques ; et gérer avec toutes les garanties requises les fichiers nécessaires à la gestion et au suivi de ces activités entre autres.
Les objectifs déclarés de l’Agence de la biomédecine lors de sa constitution étaient, entre autres : d’améliorer les conditions de prise en charge du diagnostic prénatal et de l’examen des caractéristiques génétiques ; de développer et assurer la qualité, la sécurité et l’évaluation des activités et des pratiques médicales ; d’assurer la délivrance des autorisations et agréments et en assurer le contrôle ; de contribuer à la réflexion éthique, à la diffusion et au respect des principes éthiques dans les activités relevant de son champ de compétence ; de promouvoir la recherche, dans le respect des principes éthiques ; d’assurer l’information des citoyens et des professionnels de santé ; d’apporter une contribution efficace à l’activité réglementaire, aux politiques de santé publique ainsi qu’à l’action internationale ; et de structurer l’Agence de la biomédecine au meilleur coût. Les priorités dans le domaine du diagnostic prénatal sont la constitution et l’organisation d’une force d’expertise, d’autorisation et de contrôle, et l’amélioration des conditions de prise en charge du diagnostic prénatal, entre autres. Ce dernier point a fait l’objet de la publication des recommandations de bonnes pratiques pour les CPDPN [3]. La consultation du site de l’Agence de la biomédecine permettra au lecteur d’accéder au « Guide des procédures d’autorisations et agréments » (http://www.agence-biomedecine.fr).
Recommandations professionnelles
Rapport du Comité national technique de l’échographie de dépistage prénatal
Ce rapport a été commandé par une lettre de mission émanant du ministre délégué à la Santé le 14 décembre 2001, au plus fort de l’émoi découlant de la succession des arrêts de cassation reconnaissant le principe d’indemnisation d’un nouveau né pour le fait d’être né handicapé, et fait le point sur l’échographie de dépistage prénatal, sa définition, ses objectifs, et les de qualité des actes [4]. Un préambule important permet de bien différencier échographie de dépistage, échographie de seconde intention dite « de diagnostic », et échographie focalisée avec indication ciblée selon des facteurs de risques, et de préciser qu’il ne s’agit pas de niveaux différents, mais de modalités différentes et complémentaires d’exercice. Il est suivi d’un rappel des objectifs de l’échographie qui sont de : réduire mortalité et morbidité périnatales ; réduire les handicaps d’origine périnatale ; permettre une prise en charge spécifique pour améliorer la santé des enfants ; et proposer dans certains cas une interruption médicale de grossesse, l’efficacité de l’échographie ayant été démontrée dans ce domaine si l’on se reporte aux recommandations sur l’échographie obstétricale au cours de la grossesse en l’absence de facteur de risque [5]. Ce rapport tente enfin de rappeler ce qui est important en termes d’incidence en responsabilité médicale, qu’il faut lutter contre la notion de normalité à l’issue d’une échographie, même si elle se veut rassurante car l’échographie est dotée d’une certaine efficacité dans le domaine du dépistage. Enfin, la qualité des actes de dépistage fait l’objet de précisions sur les objectifs communs, les procédures standardisées, et les éléments devant figurer dans les comptes rendus aux différents termes préconisés pour les échographies de dépistage (1er trimestre entre 11 à 13 SA + 6 jours ; 2e trimestre entre 20 et 25 SA ; 3e trimestre entre 30 et 35 SA). Bien sûr, il ne s’agit que de données générales donnant le cadre de la pratique, et chaque dossier en responsabilité médicale doit faire l’objet d’une expertise personnalisée qui doit prendre en compte le contexte de l’exploration, la compétence de l’opérateur (formation et entraînement), et la qualité et l’adéquation de l’appareillage utilisé avec l’exploration effectuée.
Ce même comité a émis un nouveau rapport sur l’échographie de diagnostic en mars 2010 [6], dont l’objectif de proposer une méthodologie aux échographistes qui réalisent les échographies de seconde intention ou de diagnostic en raison d’un risque accru d’anomalie fœtale.
Quelques recommandations spécifiques
Il s’agit de recommandations comme celles de la Haute Autorité de Santé sur l’échographie en cours de grossesse en l’absence de facteur de risque [5] ou sur l’évaluation des stratégies de dépistage de la trisomie 21 [7] ; ou celles de l’Agence de la biomédecine sur l’utilisation des marqueurs sériques maternels pour le dépistage au cours de la grossesse pour le calcul du risque de trisomie 21 fœtale par le dosage de marqueurs sériques, soit au 1er trimestre de la grossesse en les combinant avec la mesure de clarté nucale, soit au 2e trimestre de la grossesse [8].
Enfin, reste la problématique des « symptômes peu spécifiques » évoquée par le Comité national technique de l’échographie de dépistage prénatal, telle la découverte chez le fœtus d’une ventriculomégalie cérébrale modérée ou d’une agénésie du corps calleux, par exemple. Certains de ces symptômes font l’objet de recommandations spécifiques, comme la ventriculomégalie [9].