23: Maladies héréditaires du métabolisme

Chapitre 23 Maladies héréditaires du métabolisme



Les maladies héréditaires du métabolisme (MHM) sont causées par des mutations dans des gènes codant le plus souvent pour des enzymes, mais également pour des transporteurs membranaires ou pour la synthèse d’un cofacteur enzymatique. Leur physiopathologie s’explique soit par la toxicité de substrats accumulés en amont des blocs enzymatiques, soit par la carence de produits en aval de ces blocs. Durant la grossesse, l’expression des MHM dépend des interactions maternofœtales au travers des échanges placentaires. Dans ce chapitre, nous distinguerons les malformations fœtales rencontrées lorsque la mère est atteinte d’une MHM, les premières manifestations prénatales d’un déficit enzymatique fœtal, les possibilités de traitement en prénatal et les conséquences maternelles d’une maladie héréditaire du métabolisme fœtal [1].



Maladies métaboliques maternelles pathogènes pour le fœtus



Intoxication du fœtus par un produit accumulé par la mère


L’exemple le plus connu de ce type de pathologie est l’embryopathie phénylcétonurique. La phénylcétonurie est une pathologie dans laquelle l’accumulation de phénylalanine est responsable de retard mental. Son dépistage néonatal, obligatoire en France depuis 1972, conduit à la mise en place précoce d’un régime hypoprotidique strict jusqu’à l’adolescence, permettant un développement psychomoteur normal. La survenue de malformations et de retard mental chez les enfants nés des mères phénylcétonuriques non traitées au cours de la grossesse a été constatée et est due à la toxicité sur l’embryon et le fœtus de l’hyperphénylalanininémie maternelle. Les signes d’appel principaux en prénatal sont la microcéphalie (73 %), le retard de croissance intra-utérin (RCIU) (40 %) et une cardiopathie congénitale. D’autres malformations peuvent être associées : hémivertèbres, fusions costales, atrésie de l’œsophage, hypoplasie pulmonaire, duplicité rénale, dysgénésie du corps calleux. L’apparition de ces anomalies dépend du taux de phénylalanine maternelle, de la durée d’exposition du fœtus et de la qualité de son suivi nutritionnel (absence de carence associée) [2, 3]. La reprise d’un régime hypoprotidique strict avant la conception et durant toute la grossesse permet de prévenir la survenue du retard mental et des malformations viscérales. Le taux de phénylalanine à atteindre en préconceptionnel doit être inférieur à 5 mg/dl ou 300 μmol/l. Cependant, un RCIU, dont la cause serait carentielle, peut survenir malgré des taux de phénylalanine maternelle contrôlés durant la grossesse.


Des tableaux similaires de RCIU et microcéphalie avec retard mental ont également été décrits chez les enfants nés de mères excrétant de l’acide 3-méthylglutaconique sans que le mécanisme exact de cette excrétion soit connu [4].


Il est donc licite de réaliser un dosage de la phénylalanine et une chromatographie des acides organiques maternels dans le bilan d’une microcéphalie découverte en prénatal, en particulier si le niveau intellectuel de la mère est bas.


L’homocystinurie est une affection entraînant des accidents thrombo-emboliques, des complications oculaires de type ectopie cristallinienne, des complications osseuses (scoliose, ostéopénie, macroskélie) et neurologiques (retard mental, troubles psychiatriques, paraparésie). Des complications obstétricales ont été rapportées chez les femmes non traitées : prématurité, avortements spontanés et RCIU [5]. Plusieurs publications ont rapporté des grossesses normales lorsque les taux d’homocystéine étaient bien contrôlés soit par une supplémentation en vitamine B6 pour les formes B6-sensibles, soit par la mise en place d’un régime hypoprotidique.


Pour les autres amino-acidopathies (tyrosinémie, leucinose, histidinémie, hyperlysinémie, acidurie organique, cystinose, etc.), plusieurs cas de grossesses sans complication ont été rapportés [6].



Développement embryonnaire perturbé par la carence en un produit essentiel


La situation la plus classique est celle des anomalies de fermeture du tube neural (AFTN) par carence en acide folique. Bien que cette anomalie du développement embryonnaire soit multifactorielle, une augmentation de son incidence a été constatée chez les mères porteuses du polymorphisme C677T du gène MTHFR impliqué dans le métabolisme des folates. Les mécanismes exacts de cette dysembryogenèse sont encore mal connus (hyperhomocystéinémie ? carence en méthionine ? ) mais la mise en place d’une supplémentation périconceptionnelle en acide folique permet de réduire de 40 à 80 % les risques de survenue d’AFTN [7].


Une seconde cause d’AFTN est la carence en vitamine B12 qui multiplie par trois les risques de survenue de cette malformation [8]. Le métabolisme de la vitamine B12 et celui des folates sont intriqués puisqu’ils agissent tous les deux au niveau de la reméthylation de l’homocystéine en méthionine. Une carence en vitamine B12 est donc également responsable d’hyperhomocystéinémie et d’hypométhioninémie. La vitamine B12 régule également l’entrée intracellulaire des folates. Une supplémentation conjointe en vitamine B12 et acide folique est discutée dans les programmes de prévention des AFTN.


La carence en riboflavine chez la mère peut être responsable d’un déficit secondaire multiple des acyl-CoA deshydrogénases fœtales. Ce déficit peut entraîner une stéatose hépatique gravidique et une défaillance multiviscérale chez l’enfant à la naissance. Un supplément en riboflavine durant la grossesse permet de prévenir ces complications.



Manifestations prénatales d’un déficit enzymatique fœtal


La possibilité d’un diagnostic enzymatique et/ou moléculaire des maladies métaboliques permet le dépistage précoce dans la fratrie des sujets atteints et le diagnostic prénatal. Cependant, ce dernier n’est possible que si le diagnostic a été posé avec certitude chez le cas index de la famille. En l’absence d’antécédent familial, l’enjeu est de pouvoir évoquer une MHM chez le fœtus et de confirmer le diagnostic par une technique spécifique et rapide.



Différentes analyses métaboliques possibles chez le fœtus


La première catégorie d’analyses concerne les substances pouvant s’accumuler en amont des blocs enzymatiques. Il est possible de réaliser dans le surnageant du liquide amniotique, des chromatographies des acides aminés ou organiques, des dosages des dérivés du cholestérol, des polyols, des acides gras à très longues chaînes, des oligosaccharides et des mucopolysaccharides. L’interprétation des résultats doit être prudente et tenir compte du terme de la grossesse ; en effet, le produit doit pouvoir être physiologiquement excrété (volume urinaire suffisant, activité enzymatique présente) et avoir eu le temps de s’accumuler. Des cellules de surcharge peuvent également être recherchées dans le liquide amniotique, le placenta ou le sang fœtal [9].


La deuxième catégorie d’analyses fœtales est celle de l’étude directe des activités enzymatiques à partir de villosités choriales ou d’amniocytes. Ces analyses peuvent être orientées soit par les signes échographiques, soit par l’étude des produits accumulés. Pour poser un diagnostic de certitude, il est cependant indispensable de connaître l’activité physiologique des enzymes concernées au terme du prélèvement chez les fœtus sains et les fœtus hétérozygotes. En effet, il existe des possibilités de faux négatif si l’enzyme n’est physiologiquement pas active au terme où est réalisée l’analyse.


La dernière catégorie d’analyses concerne la recherche directe de mutations dans les gènes impliqués dans les MHM. En pratique, ces analyses ne sont possibles que : (i) lorsque les mutations causales ont été identifiées au préalable chez les cas index ou (ii) pour les maladies pour lesquelles les gènes en cause présentent une mutation prédominante. En dehors de ces deux cas, la recherche directe de mutations est trop longue et incompatible avec les délais du diagnostic prénatal.



Tableaux cliniques évocateurs d’une maladie héréditaire du métabolisme chez le fœtus



Anasarque non immunologique


Plusieurs groupes de maladies métaboliques peuvent être responsables d’anasarque (tableau 23.1). La recherche de signes associés tels qu’une dysplasie métaphysaire, une polydactylie ou un oligoamnios peuvent orienter vers une étiologie plus précise.


Dans les maladies lysosomales, les mécanismes de l’anasarque sont multiples : compression veineuse porte secondaire à l’hépatosplénomégalie, anémie, hypoprotidémie et insuffisance cardiaque secondaire à la cardiopathie hypertrophique. L’augmentation de la clarté nucale ou la visibilité anormale de l’espace cœlomique à l’échographie de 12 SA peuvent être des signes d’appel précoces mais non spécifiques. L’évolution se fait ensuite vers l’apparition d’une ascite associée à une hépatosplénomégalie puis d’une anasarque. L’association d’une anasarque avec pieds bots ou luxation de hanche oriente vers une cause lysosomale. Des éléments dysmorphiques peuvent également être présents : proptosis, ouverture permanente de la bouche, narines antéversées, micrognathie, hypoplasie de l’étage moyen de la face. Parmi les maladies lysosomales, celles concernant le métabolisme de l’acide sialique (sialidose, galactosialidose et surcharge en acide sialique libre) représentent 43 % des pathologies lysosomales s’exprimant in utero [10]. La présence d’une cardiomégalie est caractéristique de ce groupe de maladies. La présence d’un oligoamnios est plutôt en faveur d’une sialidose alors que celle d’épiphyses ponctuées oriente plutôt vers une surcharge en acide sialique libre. Dans d’autres pathologies lysosomales, comme la mucolipidosede type 1, l’atteinte osseuse est au premier plan avec un RCIU et des fémurs courts et arqués. Dans la mucopolysaccharidosede type 7, la croissance fœtale est au contraire accélérée. La maladie de Niemann-PickC est particulière en ce qu’elle n’évolue que rarement jusqu’au stade de l’anasarque mais se manifeste, en général, par une volumineuse ascite avec splénomégalie.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Jul 8, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 23: Maladies héréditaires du métabolisme

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access