Chapitre 42 Urgences abdominales et grossesse

B. Langer

Appendicite

Généralités

L’appendicite a une fréquence d’environ 1/1 000 grossesses, comparable à celle de survenue en dehors de la grossesse. Elle représente un tiers des urgences abdominales non traumatiques. Son incidence est identique tout au long de la grossesse. Son diagnostic est plus difficile au cours de la grossesse car :

– les signes d’appel classiques (nausées, vomissements, douleurs abdominales) sont fréquents au cours de la grossesse normale, notamment au 1^e trimestre ;

– la localisation de l’appendice change au fur et à mesure que la grossesse progresse ;

– les signes biologiques d’inflammation sont non infor- matifs au cours de la grossesse ;

– on craint toujours d’opérer inutilement une femme enceinte.

L’objectif est ainsi d’éviter tout retard au diagnostic.

Diagnostic

Les nausées et les vomissements peuvent passer inaperçus. La fièvre est fréquente, mais inférieure à 38 °C. Les douleurs abdominopelviennes doivent toujours faire évoquer une appendicite chez la femme non « appen-dicectomisée ». Leur localisation est le plus souvent le quadrant inférieur droit de l’abdomen, mais si à 12 SA l’appendice est localisé au point de McBurney, à 24 SA il va se situer au-dessus de la crête iliaque, d’où la possibilité de douleurs plus haut situées.

À l’examen, trois signes sont essentiels au diagnostic, mais moins fréquemment retrouvés au cours de la grossesse : la douleur provoquée à la palpation de la fosse iliaque droite (FID), la défense pariétale, et une douleur provoquée au toucher rectal (au niveau du cul-de-sac de Douglas ou du cul-de-sac vaginal droit).

Plusieurs manœuvres cliniques sont utilisées pour faciliter le diagnostic :

– signe de Rovsing : douleur au niveau de la FID quand l’examinateur effectue une pression dans la FIG ou sur le côlon descendant (douleur projetée) ;

– signe d’Alders : la patiente est en décubitus dorsal, l’examinateur localise le point de douleur exquise à la palpation ; les doigts restent en contact avec cette zone sans modifier l’intensité de la pression, et la patiente se tourne sur le côté opposé (le plan du mur abdominal antérieur se verticalise approximativement). Si la lésion est utérine, la douleur se déplace lors de cette manœuvre (shifting tenderness) ; si la lésion est extrautérine, la douleur persiste au même endroit (fixed tenderness);

– signe de Bryant : une douleur localisée à droite et ne se déplaçant pas vers la gauche quand la patiente se tourne sur le côté gauche est en faveur du diagnostic d’appendicite ;

– signe de Blumberg : douleur aiguë au niveau de la FID lorsque l’on relâche brutalement une pression exercée au point de McBurney ;

– psoïtis : douleur de la FID exacerbée lors de l’extension de la cuisse droite ;

– signe de l’obturateur : douleur hypogastrique lors de la rotation interne passive de la cuisse droite fléchie.

Aux 1^er et 2^e trimestres, la défense est en général présente et les touchers sont douloureux. Avec l’évolution de la grossesse, la douleur va se situer plus haut et plus en dehors.

Au 3^e trimestre, l’examen est plus pauvre. La sensibilité à la palpation et la défense sont rares, le toucher rectal souvent indolore. Les signes d’irritation utérine et les signes généraux (faux travail, diarrhée, occlusion fonctionnelle, tachycardie, altération du faciès, hyper-thermie) prennent toute leur valeur.

Sur le plan biologique, seule l’évolution de l’hyperleu-cocytose banale au cours de la grossesse peut présenter un intérêt, puisqu’au cours de toute grossesse il existe une hyperleucocytose aux environs de 12000/mm³. En revanche, une élévation de la CRP permet de mettre en évidence l’existence d’un syndrome inflammatoire. L’ECBU élimine une pyélonéphrite.

Enfin, l’échographie réalisée par un opérateur entraîné permet de visualiser l’appendice inflammatoire avec detrès bonnes sensibilité et spécificité sans que cet examen ne soit déterminant pour poser la décision opératoire.

Complications

Le risque d’avortement et d’accouchement prématuré augmente avec le retard diagnostique qui est responsable de perforation, péritonite ou de septicémie.

Seraient évocateurs d’une perforation une fièvre plus importante et un pouls plus rapide, un psoïtis et un toucher douloureux.

Traitement

Le traitement cœlioscopique (figure 42.1, voir cahier couleur en fin d’ouvrage) doit être privilégié aux 2 premiers trimestres (< 20 SA) dans les formes non perforées et lors de doute diagnostique. Il élimine ainsi les difficultés liées au choix du type et du lieu de l’incision. L’instauration d’une tocolyse périopératoire n’est pas validée. Un traitement antibiotique postopératoire est habituellement recommandé.

Cholécystite et pathologie biliaire

Généralités

La cholécystite est la deuxième pathologie chirurgicale la plus fréquente au cours de la grossesse avec une incidence variant entre 1/1 600 et 1/10 000 grossesses. L’effet de la progestérone sur les muscles lisses et celui des œstrogènes sur la saturation biliaire en cholestérol favoriseraient la survenue de cette pathologie au cours de la grossesse.

Diagnostic

Le maître symptôme de la pathologie vésiculaire est la colique hépatique. C’est une douleur localisée au niveau de l’hypochondre droit et de l’épigastre irradiant vers la pointe de l’omoplate et bloquant l’inspiration profonde. Elle peut être d’apparition brutale et devenir intermittente. Elle est souvent associée à une anorexie, des nausées, des vomissements et une sensibilité sous-costale droite. L’hyperthermie classique (38,5 °C) peut être absente au cours de la grossesse.

La palpation abdominale, gênée par la distension abdominale, retrouve classiquement une sensibilité de l’hypochondre droit et une défense dans 50 % des cas. L’examen recherche surtout le signe pathognomonique de Murphy (douleur provoquée à la palpation profonde sous le rebord costal droit lors de l’expiration).

L’hyperleucocytose est non informative au cours de la grossesse. Les tests hépatiques et l’amylasémie peuvent être légèrement augmentés. Ils permettent avec les sérologies virales d’éliminer une hépatite ou une stéatose hépatique. Une altération de la fonction rénale, une augmentation de l’uricémie ou une thrombopénie doivent faire évoquer une pré-éclampsie ou un HELLP syndrome.

L’échographie révèle les lithiases dans plus de 90 % des cas et peut montrer un épaississement de la paroi vésiculaire évocateur d’une cholécystite.

Complications

Le tableau peut se compliquer de perforation, de sepsis, de péritonite. La migration d’un calcul dans la voie biliaire principale entraîne un ictère obstructif pouvant se compliquer d’angiocholite et de pancréatite.

Traitement

La crise de colique hépatique non compliquée est gérée de façon conservative avec les antalgiques et les antiémétiques, la cholécystectomie étant réalisée après l’accouchement. Une indication chirurgicale est retenue en cas d’échec du traitement médical, de crises répétées ou de complications. Au cours du 1^er trimestre, on évite l’intervention en raison du risque de fausse couche pour la différer au 2^e trimestre au cours duquel, selon la plupart des auteurs, la cholécystectomie peut être réalisée par laparoscopie à condition d’être effectuée par une équipe chirurgicale entraînée. Dans la mesure du possible, il faut également éviter la cholécystectomie au cours du 3^e trimestre (risque d’accouchement prématuré) et la différer au post-partum. Toutefois une cholécystite rebelle et a fortiori une angiocholite imposent un traitement chirurgical avec un traitement antibiotique périopératoire.

Pancréatite aiguë

Généralités

C’est une complication rare (1/3 000), dont la survenue est favorisée par la grossesse. Elle survient habituellement au 3^e trimestre et se présente souvent sous une forme grave. Dans 70 % des cas, elle est secondaire à une pathologie biliaire.

Diagnostic

Il est évoqué devant des douleurs abdominales de siège épigastrique, d’intensité majeure, transfixiantes, irradiant vers les épaules. Peuvent s’y associer de la fièvre, une hypopression artérielle, ou une tachycardie qui témoignent de la gravité. On dosera la lipasémie (non modifiée par la grossesse) qui doit être à 3 fois le taux de la normale pour signer le diagnostic.

Parfois, la pancréatite survient au cours d’une pré-éclampsie ou d’une stéatose hépatique.

En raison des problèmes liés à l’échographie (faible sensibilité), à la tomodensitométrie (irradiation du fœtus) et à l’échoendoscopie (nécessité d’une anesthésie), l’examen idéal pour confirmer une pancréatite aiguë au cours de la grossesse (de même que pour évaluer le pronostic ou pour l’enquête étiologique) est la cholangio-IRM.

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