Chapitre 4 Les moyens de lutte contre l’infection lors des soins en imagerie médicale
La prise de conscience du risque infectieux au cours des soins pratiqués en imagerie médicale conduit naturellement vers la mise en œuvre de moyens de lutte. Ceux-ci se déclinent en procédures préventives et règles de bonnes pratiques pour les soignants ; elles concernent autant leur tenue vestimentaire que l’entretien des surfaces, le traitement du matériel et la préparation des patients.
1 Le classement
1.3 Risque bas
Ce niveau de risque correspond à l’utilisation de dispositifs médicaux dits non critiques, c’est-à-dire qui ne sont pas en contact direct avec le patient ou sont en contact avec une peau saine. Le risque infectieux direct est faible mais la contamination de ce matériel peut faciliter la transmission croisée d’infections.
2 Le traitement du matériel et des surfaces
2.1 La notion de « bio-nettoyage »
Le principe est d’associer assainissement, désinfection et maintenance :
– l’assainissement regroupe toutes les opérations de nettoyage ;
– la désinfection fait référence à l’application d’un produit désinfectant ;
– la maintenance sous-entend la mise en place de moyens permettant la préservation de l’état de propreté des revêtements et des surfaces.
La qualité des opérations nécessite évidemment :
2.2 Les détergents et désinfectants
2.2.1 Définition et propriétés (tableau 4.1)
Dans toute unité de soins, les détergents et désinfectants sont des produits non médicamenteux, de première nécessité. Ils sont utilisés dans l’optique d’éliminer ou de détruire les micro-organismes présents au niveau des surfaces inertes.
Terminologie | Définitions (cf. Société Française d’Hygiène Hospitalière) |
---|---|
Détergence | Processus selon lequel des salissures sont détachées de leur substrat et mise en solution ou en dispersion. Au sens ordinaire, la détergence a pour effet le nettoyage des surfaces. Elle est la résultante de la mise en œuvre de plusieurs phénomènes physico-chimiques. |
Nettoyage | Ensemble des opérations permettant d’assurer un niveau de propreté, d’aspect, de confort et d’hygiène et faisant appel dans des proportions variables, aux facteurs combinés suivants : action chimique, action mécanique, température, temps d’action. |
Désinfection | Opération au résultat momentané permettant d’éliminer ou de tuer les micro-organismes et/ou d’inactiver les virus indésirables portés par des milieux inertes contaminés, en fonction des objectifs fixés. Le résultat de cette opération est limité aux micro-organismes présents au moment de l’opération. |
Bactéricide | Produit ou procédé ayant la propriété de tuer les bactéries dans des conditions définies (AFNOR). |
Fongicide | Produit ou procédé ayant la propriété de tuer les champignons (y compris leurs spores) dans des conditions définies (AFNOR). |
Virucide | Produit ou procédé ayant la propriété d’inactiver les virus dans des conditions d’emploi définies (AFNOR). |
– les détergents, tensio-actifs, agissent par effet mécanique et sont réservés au nettoyage des surfaces ;
– les désinfectants, produits chimiques non médicamenteux, destinés au traitement des matériels au contact avec les patients, sont utilisés pour leurs propriétés bactéricides, virucides et fongicides.
Pour plus de précisions
– Un produit est qualifié de tensio-actif s’il est capable de modifier la tension superficielle entre deux surfaces.
– Les tensio-actifs sont constitués d’atomes hydrophiles (qui engagent des liaisons chimiques avec l’eau) et des atomes hydrophobes ou lipophiles (qui engagent des liaisons chimiques avec les corps gras).
– Les produits dits tensio-actifs ou surfactants sont des composés indispensables en hygiène ; produits naturels ou chimiques, ils ont pour effet d’augmenter les propriétés mouillantes de l’eau ; ils permettent la formation d’émulsions ainsi que le transport de molécules hydrophobes dans l’eau ; ils ont donc pour effet la dispersion des corps gras dans l’eau et constituent en quelque sorte le principe actif des agents lavants.
2.2.2 Choix d’un produit
Les produits détergents-désinfectants ont donc pour vocation l’entretien des surfaces et des matériels au niveau des plateaux techniques d’imagerie.
– la rédaction d’un cahier des charges ;
– l’analyse de la conformité au cahier des charges des produits présentés ;
– la réalisation d’essais pratiques in situ ;
Extrait : Guide de bonnes pratiques 1998, Désinfection des dispositifs médicaux (Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France – Comité Technique National des Infections Nosocomiales)
Pour orienter le choix, différents critères sont donc étudiés.
– La facilité d’utilisation : en effet, le manque de temps ne doit pas être un argument opposable. L’application du détergent-désinfectant doit donc être facilitée, ce qui revient à faire un choix par rapport à la présentation du produit, à son conditionnement. Un consensus semble être trouvé en faveur des flacons vaporisateurs.
– La faible toxicité : le produit ne doit pas être toxique pour le personnel et les malades et ne pas être corrosif pour les surfaces sur lesquelles il est appliqué. La dispersion des produits dans l’air du fait de l’utilisation des flacons vaporisateurs peut être contrôlée par l’utilisation de produits sous la forme de mousse plutôt que liquide ce qui limite le risque d’inhalation par les utilisateurs.
– L’efficacité : le produit doit être à large spectre, l’objectif étant qu’il agisse sur la plus grande part des bactéries, des virus et des champignons, même en présence de matières organiques ; de même, son action doit être rapide et prolongée dans le temps.
Les critères d’inclusion dans le LPD se fondent sur les normes européennes et françaises en vigueur. Cette liste ne prend pas en compte les produits à activité détergente exclusive (http://www.sf2h.net/publications-SF2H/SF2H_LPD-2009.pdf).
2.2.3 Principaux composants
Les produits à disposition se composent d’un ou plusieurs principes actifs, d’excipients et de solvants (figure 4.1).
– Les ammoniums quaternaires, en raison de leur pouvoir détergent, entrent dans la composition de nombreux produits détergents-désinfectants pour sols, surfaces et mobilier.
– Les alcools sont utilisés pour leurs propriétés bactéricides et fongicides, mais il faut noter que leur performance est réduite en présence de matière organique.
– Les biguanides se retrouvent dans de nombreuses solutions de désinfection pour le matériel ou les surfaces.
– Les produits chlorés (solution d’hypochlorite de sodium ou eau de Javel) sont utilisés pour la désinfection de surfaces ; leur action désinfectante est de bonne qualité mais les précautions d’emploi sont plutôt drastiques.
– Les aldéhydes sont utilisés seuls pour des indications très spécifiques (exemple : la désinfection des dispositifs thermosensibles par trempage) ou en association à d’autres principes actifs.
Pour plus de précisions
– L’ammonium quaternaire est un produit dérivé de l’ammoniac ; il est utilisé pour ses propriétés de détergence (tensio-actif cationique) et antimicrobienne puisqu’il agit au niveau des membranes cellulaires.
– Les alcools sont utilisés sous forme d’éthanol (alcool éthylique) ou isopropanol (alcool isopropylique). Ils sont utilisés associés pour les « Dispersât » dirigés pour la désinfection des surfaces (sprays) avec une teneur est égale ou inférieure à 30 % pour des raisons de risque d’incendie.
– Les biguanides constituent une des classes des antidiabétiques oraux (connus sous le nom de metformine) mais dans le domaine de l’hygiène hospitalière ils sont représentés par la chlorhexidine, composé utilisé surtout comme antiseptique.
– L’eau de Javel est préparée par dilution de l’extrait de Javel au quart (un berlingot de 250 mL + 750 mL d’eau), ce qui correspond à 12 ° chlorométriques (l’extrait de Javel titre à 48 ° chlorométriques). Elle est utilisée telle quelle ou diluée, selon que l’application concerne une surface propre ou souillée.
– Les aldéhydes sont des composés carbonylés, disponibles sous la forme d’aldéhyde formique (soit le formol, abandonné en raison de sa manipulation difficile et de sa toxicité) ou de glutaraldhéhyde.
2.3 L’entretien des surfaces
2.3.1 Règles fondamentales
– L’essuyage à sec est proscrit et l’eau ne doit jamais être utilisée seule.
– Les produits à disposition ne doivent jamais être mélangés entre eux.
– Avant l’application, il est indispensable de vérifier la compatibilité entre le produit et la surface à traiter.
– Les dilutions et les dosages doivent strictement être respectés.
– Les dates de péremption seront systématiquement vérifiées (avant et après ouverture).
– Au vu de la toxicité des produits, des précautions d’emploi sont appliquées, notamment pour les mains du soignant.
2.3.2 La désinfection des surfaces inertes (figure 4.2)
– Vérifier l’état de propreté de la surface : les salissures visibles seront d’abord nettoyées à l’eau avec un détergent, le DD est utilisé pour les « souillures » microscopiques.
– Vérifier la disponibilité et la date d’ouverture du flacon ou de constitution du produit.
– Enfiler des gants à usage unique afin de protéger les mains.
– Vaporiser directement le produit DD sur une chiffonnette ou sur papier absorbant (cette technique limite la dispersion du produit dans l’air et les coulures sur le matériel).
– Appliquer soigneusement le produit sur la surface à traiter en respectant le temps de contact.
2.3.3 La fréquence
– Entre chaque patient, l’application de détergent-désinfectant s’impose en radiologie au niveau de la table d’examen et sur toutes les surfaces au contact du patient (moyens de contention), de même que sur les surfaces horizontales (paillasse, guéridon) servant de support pour les examens avec préparation (figure 4.3).
– En termes de « maintenance », des protections (alèzes) seront utilisées afin de limiter le dépôt de germes et de salissures suite au contact du patient (figure 4.4).
2.4 Le traitement du matériel médico-chirurgical
2.4.1 Définitions
Ce principe fait donc obligatoirement l’objet de règles et de cadrage et comporte un ensemble de procédés contributifs définis dans le tableau 4.2.
Terminologie | Définitions (cf. Société Française d’Hygiène Hospitalière) |
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C’est le premier traitement à effectuer sur les objets et matériel souillés par des matières organiques dans le but de diminuer la population des micro-organismes et de faciliter le nettoyage ultérieur. Opération au résultat momentané, permettant d’éliminer ou d’inhiber les micro-organismes indésirables, en fonction des objectifs fixés. Si le produit ou le procédé est sélectif ceci doit être précisé. Le résultat de cette opération est limité aux micro-organismes présents au moment de l’opération. (L’usage du terme de « désinfection » en synonyme de « décontamination » est prohibé.) | |
Pré-désinfection | La pré-désinfection constitue une étape préalable à la désinfection ou à la stérilisation. La pré-désinfection est l’ensemble des opérations précédant le nettoyage dans le but de diminuer la population microbienne, de faciliter le nettoyage ultérieur, de protéger le personnel et l’environnement. Opération utilisant un produit détergent contenant au moins un principe actif reconnu pour ses propriétés bactéricides, fongicides, sporicides ou virucides, c’est-à-dire un produit détergent-désinfectant. |
Lavage | Action physicochimique en milieux aqueux dans le but d’enlever des salissures adhérentes sur un support. |
Stérilisation | Procédé qui rend un produit stérile et qui permet de conserver cet état pour une période de temps précisée. Opération permettant d’éliminer ou de tuer les micro-organismes portés par des milieux inertes contaminés, le résultat de cette opération étant l’état de stérilité (absence de micro-organismes viables). |
2.4.2 Règles fondamentales
– Le port de gants est indispensable pour la manipulation du matériel.
– Les opérations de tri des déchets produits sur la table d’instrumentation se feront au plus près de l’examen, en présence de l’opérateur, voire par l’opérateur lui-même de manière à comptabiliser les objets piquants et tranchant à éliminer en premier, cette procédure permet de limiter les risques d’exposition au sang (figure 4.5).
– La table d’instrumentation sera sur roulettes de manière à pouvoir transporter les instruments souillés au plus près du poste de décontamination sans les manipuler.
2.4.3 Procédure en vue de la stérilisation du matériel
L’objectif est d’obtenir un matériel propre, exempt de micro-organismes pour une durée définie ; différentes étapes sont donc nécessaires afin d’atteindre le résultat escompté (figure 4.6).
2.4.3.1 La pré-désinfection
– À l’aide de gants, la manipulatrice procèdera à un essuyage du matériel en cas de salissures visibles par des matières organiques.
– Le matériel sera ensuite immergé dans un bain décontaminant, dans un bac en plastique, pour une durée déterminée, selon les indications du fabricant (voir exemple de technique de pré-désinfection).
Pour plus de précisions
– Dans le bain décontaminant, les instruments sont totalement immergés, voire ouverts ou démontés selon le cas afin que le produit entre en contact avec toutes les surfaces.
– Pour les dispositifs médicaux comportant des canaux, il est impératif de procéder dès la fin de leur utilisation à l’irrigation des canaux afin de les débarrasser immédiatement des salissures.
– Dans des cas bien précis, le nettoyage peut être optimisé par le trempage du matériel dans des bacs à ultra-sons.
Un exemple de procédure de pré-désinfection est présenté dans les figures 4.7 et 4.8 (validée et appliquée dans un service d’imagerie médicale).
2.4.3.2 Le nettoyage
Le nettoyage conjugue l’action physico-chimique du produit et l’action mécanique :
– il peut être effectué à la main par brossage et écouvillonnage, suivi du rinçage correct à l’eau courante et d’un séchage minutieux ;
– le cycle complet peut être effectué en machines à laver (elles sont adaptées, notamment pour le rangement et les programmes).
2.4.3.3 Le conditionnement
– La propreté et le fonctionnement des instruments et matériels seront vérifiés.
– Le matériel sera conditionné en vue de la stérilisation, de sa distribution, de son stockage et des modalités de réutilisation. Son rôle est de :
– Le contenant sera tracé (indicateur de stérilisation, dates) (figure 4.9).
Pour plus de précisions
– Le conditionnement prend en compte le type de matériel et le type d’utilisation. Les instruments seront soit placés dans des boîtes métalliques soit emballés dans des sacs dont une face est en papier et l’autre transparente.
– Pour les unités d’imagerie médicale, il est courant de rassembler et emballer différents matériels (plateaux, instruments, cupules, textiles) dans un grand champ qui servira le moment venu à dresser la table stérile.
2.4.3.4 La stérilisation
– La stérilisation sera effectuée par un service spécialisé sur autorisation (en référence au décret du 30 août 2010 relatif à la stérilisation des dispositifs médicaux dans les établissements de santé).
– Elle sera adaptée au matériel et aux objectifs à atteindre (tableau 4.3).
– La température et la durée du traitement seront conformes aux normes.
– Le résultat de cette opération doit être durable (cette durée est fonction entre autres de l’emballage et la qualité de conditionnement puis d’un stockage adéquat).
– Le procédé de stérilisation ne doit pas :
2.4.4 Procédure en vue de la désinfection du matériel
Cette situation, rencontrée en imagerie médicale, consiste :
– en l’immersion dans une solution désinfectante pour les dispositifs immergeables (parties d’équipements radiologiques en contact avec le patient) ;
– en l’application d’un désinfectant pour les équipements non immergeables.
3 L’élimination des déchets
Dans le traitement des déchets, trois axes sont à considérer :
Ces différentes opérations nécessitent une organisation dans laquelle il faut intégrer :
3.1 La réglementation
Les textes relatifs au traitement des déchets sont regroupés dans les documents suivants.
– Code de l’environnement (Livre V, titre IV), extrait de l’article L541-2 modifié par ordonnance n°2010-1579 du 17 décembre 2010 – art. 2 :
– Code de la Santé publique (articles R. 1335-1 à 14), extrait : article R. 1335-5 :
3.2 La classification des déchets
3.3 Les règles générales
– Le personnel soignant, en l’occurrence les manipulateurs, sont directement impliqués au niveau de la partie interne de la filière d’élimination (de la production à l’enlèvement du service producteur).
– Les déchets issus d’une activité de soin en imagerie doivent être traités avec rigueur, selon la procédure en vigueur afin d’assurer la sécurité des personnes et de respecter les règles d’hygiène.
– Pour la manipulation des déchets, le port de gants est obligatoire.
– Le tri des déchets est effectué au plus près de la fin de l’examen ou de l’intervention.
– Le manipulateur doit effectuer ses actions selon un ordre défini.
– Le traitement des déchets débute obligatoirement et impérativement par le tri sélectif.
3.4 Le tri des déchets en imagerie médicale
3.4.2 En pratique
Dès la fin de l’examen et particulièrement suite à un examen dit avec préparation, le manipulateur en charge du rangement commencera par le tri des déchets dans l’ordre décroissant du risque d’accident, d’incident ou d’erreur (figure 4.10).
3.4.2.1 Les objets piquants, coupants, tranchants
Ces collecteurs sont munis de fermetures définitives, d’un repère horizontal qui indique la limite de remplissage ainsi que du logo rappelant le risque infectieux (figures 4.11 et 4.12).
3.4.2.2 Les DASRI (Déchets liés aux activités de soins à risque infectieux)
Certains déchets d’activités de soins nécessitent une évaluation au cas par cas pour décider de la filière par laquelle ils seront éliminés (figure 4.13).