4: Cicatrices, cicatrisation, cicatrisation dirigée, pansements et traitement des séquelles

Chapitre 4 Cicatrices, cicatrisation, cicatrisation dirigée, pansements et traitement des séquelles





Cicatrisation cutanée


La cicatrisation est un phénomène complexe, déclenché par l’organisme lors d’une blessure. Après la naissance, lorsque la blessure atteint le derme, la cicatrisation est réparatrice et non régénérative, aboutissant à la formation d’une cicatrice. Elle implique des interactions bien coordonnées entre le compartiment sanguin, l’épiderme, le derme et le système nerveux [1]. Elle inclut la reconstruction d’un épithélium pluristratifié, d’une jonction dermoépidermique structurée et d’un tissu sous-jacent richement vascularisé, le derme. Elle est fondée sur une succession d’événements cellulaires et moléculaires, tels que la prolifération, la différenciation, la migration cellulaire ainsi que la néosynthèse de macromolécules de la matrice extracellulaire.


La cinétique de la cicatrisation peut être divisée en quatre phases non exclusives qui se chevauchent dans le temps et dans l’espace : l’hémostase, une phase détersivo-inflammatoire, une phase proliférative puis une phase de remodelage. L’ensemble du processus se déroule sur environ 12 à 24 mois.


La cicatrisation est différente en fonction de la profondeur de la plaie. Une atteinte de l’épiderme (éraflures) guérit spontanément en 8 jours par simple multiplication des cellules à partir de la couche basale. Une atteinte partielle de la couche basale de l’épiderme cicatrise en 10 à 12 jours, laissant des traces qui disparaîtront en 1 à 2 ans. Une destruction de la couche basale de l’épiderme cicatrise à partir de l’épithélium des annexes en 3 semaines à 3 mois. En cas de destruction au-delà du derme, la cicatrisation ne peut plus se faire qu’en partant des berges épithéliales saines, processus long et aléatoire.


L’aspect d’une cicatrice est imprévisible. Il ne faut jamais envisager de reprise chirurgicale avant un an d’évolution. Les cicatrices sont toujours moins résistantes et moins élastiques que la peau normale car le collagène a une composition différente de celui de la peau saine ; il persiste un déficit en élastine et la matrice extracellulaire reconstruite est moins organisée que celle de la peau normale.


Il est classique de distinguer la cicatrisation de première intention qui est le résultat espéré de la suture chirurgicale et la cicatrisation de seconde intention qui est le résultat de l’évolution spontanée de la plaie et/ou de la nécrose. Les mécanismes physiopathologiques de ces deux types de cicatrisation sont les mêmes.







Cicatrisation pathologique


Parmi les cicatrices inesthétiques, il faut distinguer celles qui sont défectueuses, liées à une erreur de technique de suture et améliorables par une reprise chirurgicale, et celles qui sont véritablement pathologiques, impliquant les phénomènes de cicatrisation eux-mêmes.



Cicatrices hypertrophiques et chéloïdiennes


La phase hyperplasique initiale d’une cicatrice récente (rougeur, surélévation, prurit) peut être pathologique par son intensité et sa durée. Elle caractérise les cicatrices hypertrophiques (figures 4.1 et 4.2) et chéloïdiennes (figures 4.3 et 4.4), différenciées par leur aspect, leur apparition et leur durée d’évolution (tableau 4.1). La cicatrice hypertrophique s’améliore spontanément avec le temps (environ 2 ans) (figure 4.1b) alors que la cicatrice chéloïdienne reste stable et même s’aggrave au-delà de 2 ans.






Tableau 4.1 Différences entre cicatrices hypertrophiques et cicatrices chéloïdiennes.






































  Cicatrice hypertrophique Cicatrice chéloïdienne
Incidence [2] 40 à 70 % postchirurgicales, > 91 % après brûlures 6 à 16 % sujets noirs
  Sex ratio équivalent, ↑ incidence entre 20 et 30 ans
Facteurs de survenue  

Prédisposition génétique [2] : délétion chromosomique 7p11 et 2q23 [3], statut HLA-DRB1 [4]


Zones à risque Épaules, cou, région sternale, genoux, hanches, chevilles Région présternale et deltoïdienne, pavillons d’oreille
Aspect Bords parallèles Pattes de crabe
Apparition Suite immédiate de chirurgie Tardive (> 2 mois)
Evolution Régression spontanée Pas d’amélioration
Histologie (2) Fibres de collagène type III parallèles à la surface de l’épiderme avec de nombreux nodules contenant des myofibroblastes et de l’acide mucopoloysaccharidique. Faible expression de la P53 et du taux d’ATP dans le noyau cellulaire Fibres de collagène de types I et III désorganisées sans nodules ou excès de myofibroblastes. Tissu peu vascularisé avec vaisseaux dilatés. Expression élevée de la P53 et du taux d’ATP



Traitement des cicatrices chéloïdiennes


La pathogénie relevant de mécanismes complexes encore incomplètement connus, de multiples stratégies thérapeutiques ont été proposées.




Traitements traditionnels


La corticothérapie en injection intralésionnelle est couramment utilisée en raison de ses propriétés anti-inflammatoires, de son effet inhibiteur de la synthèse du collagène et de la prolifération fibroblastique [9].


La cryochirurgie est préconisée en monothérapie, mais elle peut être associée à des injections de corticoïdes. La cryothérapie entraîne une destruction intra- et extracellulaire par cristallisation associée à une cryothrombose des microvaisseaux. L’efficacité d’une cryoapplication ou d’un cryospray reste limitée ; en revanche, la cryochirurgie réalisée immédiatement après résection chirurgicale de l’ensemble du tissu cicatriciel, d’action plus profonde, est une méthode simple, fiable, reproductible et contrôlable à l’aide d’impédancemétrie. Elle améliore sensiblement les résultats qui avoisinent 70 % après une seule séquence thérapeutique [10]. Une deuxième, voire une troisième, séquence thérapeutique identique (exérèse chirurgicale complète avec cryochirurgie immédiate) permet d’obtenir des résultats d’environ 85 % sans récidive après 4 ans de recul.


Le traitement chirurgical est classique, mais le taux de récidive varie entre 45 et 100 % [8]. La reprise chirurgicale simple réactive les phénomènes inflammatoires. L’exérèse doit être intracicatricielle, éventuellement associée à une curiethérapie ou à des injections précoces de corticoïdes pour limiter le risque de reprise évolutive.


Avec la radiothérapie, il existe un risque à long terme de cancérisation ; les indications doivent donc être très prudentes chez un sujet jeune.


Le laser pulsé à colorant de 585 nm de longueur d’onde semble le plus adapté et reste une option thérapeutique intéressante pour les chéloïdes récentes [11].



Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 4: Cicatrices, cicatrisation, cicatrisation dirigée, pansements et traitement des séquelles

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