11: Reconstructions nasales superficielles

Chapitre 11 Reconstructions nasales superficielles




La position centrale et proéminente du nez l’expose à des traumatismes et à des tumeurs entraînant des pertes de substance (PDS) le plus souvent superficielles mais parfois transfixiantes, en particulier à la partie basse du nez. Les PDS superficielles de la pyramide nasale n’intéressent que les plans cutané et sous-cutané sans ouverture de la fosse nasale. Les techniques de reconstruction sont innombrables. Le but de ce chapitre n’est pas de décrire toutes les techniques, mais de retenir les plus fiables, les plus faciles à réaliser, permettant d’obtenir des résultats de qualité, reproductibles, et de résoudre ainsi pratiquement toutes les situations.


Parmi ces différentes techniques, les lambeaux cutanés occupent une place prépondérante. La greffe de peau totale ne doit toutefois pas être délaissée ; elle peut rendre de réels services et être utilisée chaque fois que le sous-sol le permet, en respectant le principe des sous-unités esthétiques qui est l’un des dogmes de la reconstruction nasale.



Principes généraux de reconstruction


La topographie et la taille sont deux éléments fondamentaux à analyser avant la prise en charge d’une PDS superficielle du nez, ainsi que l’état général et les souhaits du patient.



Topographie de la perte de substance (PDS)


Gonzales-Ulloa a introduit en 1954 le concept d’unités esthétiques de la face ; ces travaux ont été développés par Millard puis Burget et Menick [1]. Le nez n’est pas une simple surface plane ; c’est un volume, une pyramide triangulaire à base inférieure où alternent des surfaces concaves et convexes, créant des collines et des vallées. La réflexion de la lumière va s’effectuer de manière différente selon l’éclairage, créant ainsi un jeu d’ombre et de lumière à l’origine de zones d’isoréflexion correspondant aux sous-unités esthétiques du nez. Les sous-unités esthétiques du nez sont au nombre de sept : trois impaires et médianes, quatre paires et latérales.


La partie médiane du nez comprend :




La partie latérale comprend :




Cette notion de sous-unités esthétiques, fondamentale, est à la base des principes de reconstruction nasale. Dans la mesure du possible, chaque sous-unité est traitée dans sa totalité, ce qui implique d’étendre, de façon plus ou moins importante, la résection cutanée en tissu sain. Les cicatrices, dissimulées à la jonction des sous-unités, diminuent ainsi l’effet de pièce rapportée (voir figures 11.4b, 11.6b et imagefigure e.11.3b).








Techniques de reconstruction


Les manuels de chirurgie regorgent de techniques de reconstruction nasale décrivant de multiples lambeaux dont certains de réalisation délicate, de fiabilité aléatoire, avec des résultats parfois imprévisibles et difficilement reproductibles, sauf entre des mains entraînées. Le néophyte éprouve beaucoup de difficultés à se frayer un chemin dans cette jungle des lambeaux. Un choix judicieux de lambeaux est préférable à un catalogue exhaustif.


La hiérarchie des techniques de reconstruction utilisées dans la réparation des PDS superficielles du nez est la même que celle qui est employée pour toute reconstruction cutanée.





Greffe de peau


Dans la majorité des cas, il s’agit de greffes de peau totale emportant l’épiderme, le derme et les annexes cutanées. La greffe de peau mince est déconseillée en raison de sa rétraction et de sa cicatrice dyschromique.


La technique de greffe est décrite au chapitre 5. Le problème de la greffe de peau n’est pas technique mais stratégique, lié au choix du site de prélèvement. Il s’agit en effet d’apporter un greffon dont les caractéristiques sont le plus proches possibles de celles de la pièce d’exérèse, notamment en ce qui concerne la couleur, l’épaisseur et la trophicité, qui varient selon les sous-unités. La peau épaisse et adhérente, avec de nombreuses glandes sébacées au niveau de la pointe et de l’aile, est plus fine au niveau du dorsum ou des faces latérales. Les sites de prélèvement les plus classiquement utilisés sont les suivants.




La région glabellaire a des caractéristiques de couleur et d’épaisseur très proches de celles de la pointe [2]. Lors de la prise de greffe, le système vasculaire sous-jacent ne doit pas être lésé afin de conserver la possibilité de lever secondairement un lambeau frontal.


La dyschromie et la différence d’épaisseur sont les deux facteurs qui contribuent au mauvais résultat esthétique des greffes de peau totale. Pour y pallier, nous proposons d’utiliser comme site de prélèvement la région zygomatique. Celle-ci est, géographiquement, très proche du site opératoire et apporte une peau de coloration et de trophicité pratiquement identiques à celles du nez. La taille du prélèvement, en raison de la laxité locale, peut être de taille importante. La séquelle du prélèvement, éventuellement masquée par la branche de lunette, est négligeable, avec une cicatrice horizontale à la limite de deux unités esthétiques, la joue et la tempe. Le prélèvement est fait avec la même rigueur technique que pour une greffe composée, car il s’agit d’un greffon composite cutanéograisseux qui permet de résoudre le problème d’épaisseur (figure 11.3a–d).



Lorsque la PDS dépasse de 50 % la surface de la sous-unité esthétique, la greffe est étendue à la totalité de la sous-unité [3] (figure 11.4a–d). En cas de doute histologique, la réparation peut être différée de quelques jours, ce qui permet ainsi d’obtenir un bourgeon de granulation du lit de greffe et une mise à niveau diminuant la « marge d’escalier » disgracieuse à la périphérie de la greffe. La dyschromie totalement imprévisible est l’inconvénient majeur de la greffe de peau, à l’origine d’un effet de patchwork qui s’atténue le plus souvent avec le temps. Dans les carcinomes basocellulaires sclérodermiformes, la greffe de peau totale est une excellente indication, car elle permet une meilleure surveillance ; la reconstruction est envisagée une fois le risque de récidive écarté, ce qui évite de gaspiller inutilement un lambeau.



Lambeaux cutanés


La taille et/ou la localisation de la PDS sont les deux facteurs principaux qui vont orienter le choix vers des lambeaux locaux ou régionaux.



Lambeaux locaux


Les lambeaux locaux s’adressent à des PDS de taille limitée. Ils utilisent les téguments proches de la PDS et apportent ainsi une peau de coloration et de texture identiques. Ils sont mobilisés selon les principes de base de la chirurgie plastique, à savoir l’avancement, la transposition, la rotation ou l’association de plusieurs mécanismes. La dissection des lambeaux locaux s’effectue dans le plan chirurgical de la rhinoplastie, en sous-musculaire.



Lambeaux d’avancement



Lambeau myocutané du transverse du nez

Décrit par Rybka [4], ce lambeau est un lambeau d’avancement musculocutané, pédiculé sur l’artère alaire supérieure et basé sur les fibres inférieures du muscle du transverse du nez [5].


Le lambeau myocutané du transverse du nez est dessiné au niveau et au-dessus du sillon sus-alaire ; la pointe se termine dans le sillon alogénien (figure 11.5a). La longueur du lambeau est fonction du diamètre de la PDS. Son tracé se situe au niveau du nez, sans déborder sur la joue, afin de respecter le principe des sous-unités.



La dissection est profonde, sous le plan musculaire, et la levée du lambeau nécessite :




La fermeture est réalisée par une plastie en VY (figure 11.5b–d).


La mobilité limitée du lambeau musculocutané du transverse rend sa réalisation délicate. Sa meilleure indication est la PDS de taille inférieure à 12 mm, située à la jonction pointe–aile narinaire et à distance du rebord narinaire. Pour des lésions médianes de la pointe du nez, de diamètre inférieur à 20 mm, l’utilisation d’un double lambeau est possible.


La fiabilité de ce pédicule vasculaire, centré sur l’artère alaire supérieure, permet de lever des lambeaux de taille importante pouvant atteindre la totalité du dorsum nasal [6,7]. Ils permettent ainsi la fermeture de PDS de la pointe du nez jusqu’à 25 mm, ce qui évite l’utilisation du front dans les rhinopoïèses [8].




Lambeaux de transposition



Lambeau bilobé

Le lambeau bilobé est un lambeau ancien décrit en 1918 par Esser, repris en 1952 par Zimany [10], modifié et popularisé par Zitelli en 1989 [11]. Le principe de ce lambeau de double transposition est d’utiliser de façon indirecte une peau plus élastique située à distance de la PDS lorsque celle-ci siège dans une zone où la peau est peu extensible. C’est le cas au niveau de la pointe du nez où la peau est inextensible ; le lambeau bilobé compense alors le manque d’élasticité en empruntant la peau au niveau du dorsum ou de la région latéronasale sans déborder sur la joue, afin de conserver la rupture de pente entre le nez et la joue.


Ce lambeau, longtemps décrié et même condamné en raison de sa rançon cicatricielle avec une tendance naturelle à se mettre en boule, peut en fait rendre de réels services dans la réparation des PDS de la pointe du nez et notamment celles proches du rebord narinaire ou même débordant sur la partie haute de la columelle à la condition d’effectuer minutieusement le dessin proposé par Zitelli (figure 11.7a). Cinq règles essentielles sont à respecter :


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Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 11: Reconstructions nasales superficielles

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