Chapitre 4 Cicatrices, cicatrisation, cicatrisation dirigée, pansements et traitement des séquelles
Cicatrisation cutanée
La cicatrisation est un phénomène complexe, déclenché par l’organisme lors d’une blessure. Après la naissance, lorsque la blessure atteint le derme, la cicatrisation est réparatrice et non régénérative, aboutissant à la formation d’une cicatrice. Elle implique des interactions bien coordonnées entre le compartiment sanguin, l’épiderme, le derme et le système nerveux [1]. Elle inclut la reconstruction d’un épithélium pluristratifié, d’une jonction dermoépidermique structurée et d’un tissu sous-jacent richement vascularisé, le derme. Elle est fondée sur une succession d’événements cellulaires et moléculaires, tels que la prolifération, la différenciation, la migration cellulaire ainsi que la néosynthèse de macromolécules de la matrice extracellulaire.
Cicatrisation de première intention
C’est le résultat espéré de la suture chirurgicale. Une plaie suturée va cicatriser simplement en l’absence de contamination bactérienne virulente, lorsqu’un parage de bonne qualité excisant avec modération les tissus ischémiés a été réalisé ainsi qu’une bonne hémostase, et lorsque la suture permet un affrontement bord à bord des berges de la plaie, en particulier du derme, sans dénivellation ni décalage.
Cicatrisation de seconde intention
Cette cicatrisation survient spontanément. L’évolution se fait en trois phases : une phase initiale de détersion suppurée, inflammatoire et vasculaire (quelques jours) ; une phase de réparation tissulaire avec formation du tissu de granulation et une épithélialisation (2 semaines) ; et une phase de maturation et de remodelage tissulaire (mois, années).
Cicatrisation dirigée
Une cicatrisation dirigée est décidée lorsqu’une perte de substance est non suturable et que le sous-sol est bien vascularisé. Elle fait appel au processus de la cicatrisation spontanée naturelle.
Retards de cicatrisation
Certains facteurs, locaux, iatrogènes ou généraux, peuvent entraîner un retard de cicatrisation :
Cicatrisation pathologique
Parmi les cicatrices inesthétiques, il faut distinguer celles qui sont défectueuses, liées à une erreur de technique de suture et améliorables par une reprise chirurgicale, et celles qui sont véritablement pathologiques, impliquant les phénomènes de cicatrisation eux-mêmes.
Cicatrices hypertrophiques et chéloïdiennes
La phase hyperplasique initiale d’une cicatrice récente (rougeur, surélévation, prurit) peut être pathologique par son intensité et sa durée. Elle caractérise les cicatrices hypertrophiques (figures 4.1 et 4.2) et chéloïdiennes (figures 4.3 et 4.4), différenciées par leur aspect, leur apparition et leur durée d’évolution (tableau 4.1). La cicatrice hypertrophique s’améliore spontanément avec le temps (environ 2 ans) (figure 4.1b) alors que la cicatrice chéloïdienne reste stable et même s’aggrave au-delà de 2 ans.
Cicatrice hypertrophique | Cicatrice chéloïdienne | |
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Incidence [2] | 40 à 70 % postchirurgicales, > 91 % après brûlures | 6 à 16 % sujets noirs |
Sex ratio équivalent, ↑ incidence entre 20 et 30 ans | ||
Facteurs de survenue | ||
Zones à risque | Épaules, cou, région sternale, genoux, hanches, chevilles | Région présternale et deltoïdienne, pavillons d’oreille |
Aspect | Bords parallèles | Pattes de crabe |
Apparition | Suite immédiate de chirurgie | Tardive (> 2 mois) |
Evolution | Régression spontanée | Pas d’amélioration |
Histologie (2) | Fibres de collagène type III parallèles à la surface de l’épiderme avec de nombreux nodules contenant des myofibroblastes et de l’acide mucopoloysaccharidique. Faible expression de la P53 et du taux d’ATP dans le noyau cellulaire | Fibres de collagène de types I et III désorganisées sans nodules ou excès de myofibroblastes. Tissu peu vascularisé avec vaisseaux dilatés. Expression élevée de la P53 et du taux d’ATP |
Traitement des cicatrices hypertrophiques
Le traitement préventif repose sur l’application de compression élastique sur les cicatrices.
Le traitement curatif est fondé sur :
Fig. 4.5 Compression par masque après greffe de peau pour une brûlure du visage.
(Avec l’aimable autorisation du Dr Guillot.)
Traitement des cicatrices chéloïdiennes
La pathogénie relevant de mécanismes complexes encore incomplètement connus, de multiples stratégies thérapeutiques ont été proposées.
Traitements préventifs
Les flavonoïdes en topique, l’imiquimod 5 % crème, le TGF-β3 et le mannose 6-phosphate n’ont pas fait la preuve de leur efficacité [8].
Traitements traditionnels
La corticothérapie en injection intralésionnelle est couramment utilisée en raison de ses propriétés anti-inflammatoires, de son effet inhibiteur de la synthèse du collagène et de la prolifération fibroblastique [9].
La cryochirurgie est préconisée en monothérapie, mais elle peut être associée à des injections de corticoïdes. La cryothérapie entraîne une destruction intra- et extracellulaire par cristallisation associée à une cryothrombose des microvaisseaux. L’efficacité d’une cryoapplication ou d’un cryospray reste limitée ; en revanche, la cryochirurgie réalisée immédiatement après résection chirurgicale de l’ensemble du tissu cicatriciel, d’action plus profonde, est une méthode simple, fiable, reproductible et contrôlable à l’aide d’impédancemétrie. Elle améliore sensiblement les résultats qui avoisinent 70 % après une seule séquence thérapeutique [10]. Une deuxième, voire une troisième, séquence thérapeutique identique (exérèse chirurgicale complète avec cryochirurgie immédiate) permet d’obtenir des résultats d’environ 85 % sans récidive après 4 ans de recul.
Le traitement chirurgical est classique, mais le taux de récidive varie entre 45 et 100 % [8]. La reprise chirurgicale simple réactive les phénomènes inflammatoires. L’exérèse doit être intracicatricielle, éventuellement associée à une curiethérapie ou à des injections précoces de corticoïdes pour limiter le risque de reprise évolutive.
Le laser pulsé à colorant de 585 nm de longueur d’onde semble le plus adapté et reste une option thérapeutique intéressante pour les chéloïdes récentes [11].
Botriomycomes
Le botriomycome, ou granulome pyogénique, est une tumeur vasculaire inflammatoire bénigne de la peau ou des muqueuses, souvent secondaire à un traumatisme minime (figure 4.6). Il s’agit habituellement d’une lésion unique, préférentiellement localisée sur la face, les joues ou les lèvres.