Chapitre 39 Gestion de la récidive
Définitions
RÉCIDIVE VERSUS PERSISTANCE DE DÉCOLLEMENT DE RÉTINE POSTOPÉRATOIRE
La récidive est la réapparition d’une maladie après une guérison en apparence complète. Le délai de réapparition est variable.
Dans le cas de la chirurgie du décollement de rétine rhegmatogène, la récidive s’applique si un nouveau décollement de rétine survient après réapplication postopératoire complète, obtenue grâce au traitement adéquat des déhiscences rétiniennes à l’origine du décollement de rétine initial.
La prise en charge chirurgicale implique d’identifier les facteurs précis responsables de la récidive. L’analyse sémiologique est identique à celle de la prise en charge initiale.
RÉCIDIVE PRÉCOCE (AVANT SIX SEMAINES) VERSUS RÉCIDIVE TARDIVE (AU-DELÀ DE SIX SEMAINES)
La plupart des récidives surviennent dans les trois mois qui suivent la première chirurgie [3, 13]. Les récidives au-delà d’un an sont rares (moins de 5 %) [7, 14, 16].
La récidive précoce survient dans les six semaines après l’intervention ; au-delà, il s’agit d’une récidive tardive [3].
Causes de la récidive
Trois causes de la récidive de décollement de rétine doivent être recherchées (fig. 39-1) :

Fig. 39-3 Prise en charge en cas de nouvelle déhiscence rétinienne.
PKE + ICP, phacoémulsification avec implantation en chambre postérieure associée.

Fig. 39-4 Prise en charge de la prolifération vitréorétinienne.
PKE + ICP, phacoémulsification avec implantation en chambre postérieure associée
Malgré l’amélioration des techniques opératoires, la prolifération vitréorétinienne est actuellement responsable de plus de 50 % des récidives [8, 31, 32].
RÉOUVERTURE D’UNE DÉHISCENCE RÉTINIENNE
Une déhiscence rétinienne peut se réouvrir en l’absence de prolifération vitréorétinienne suite à une rétinopexie inadéquate ou à une indentation inadéquate.
RÉTINOPEXIE INADÉQUATE
La rétinopexie inadéquate peut correspondre à différents phénomènes : la déhiscence non traitée mais indentée, la déhiscence traitée de manière insuffisante en raison de tractions vitréennes persistantes (rétinopexie et/ou indentation insuffisante), la déhiscence non traitée.
Déhiscence non traitée mais indentée
Une déchirure est passée inaperçue lors d’une cryo-indentation mais elle est placée par chance sur l’indentation : en l’absence de pexie rétinienne secondaire de type laser, un décollement de rétine peut réapparaître même en l’absence de prolifération vitréorétinienne secondaire.
Une déchirure est tamponnée par le gaz mais non traitée par cryoapplication lors d’une cryoapplication-gaz : le décollement de rétine réapparaît lors de la disparition du gaz.
Déhiscence traitée de manière insuffisante avec tractions vitréennes persistantes
La déhiscence est traitée par cryothérapie de façon insuffisante (pexie incomplète sur la berge antérieure ou postérieure) : malgré une indentation bien placée, la déhiscence se réouvre et la rétine se redécolle.
Lors d’une procédure de type cryo-indentation sans ponction, la persistance du liquide sous-rétinien retarde la réapplication de la déchirure sur l’indentation : la cicatrisation de la cryoapplication sera incomplète et ne résistera pas aux tractions vitréennes.
La survenue postopératoire d’un décollement choroïdien en regard d’une zone de cryoapplication (éventuellement surdosée) est également un facteur de cicatrisation incomplète.
Lors d’une chirurgie de type cryoapplication-gaz, le tamponnement temporaire disparaît et, en cas de tractions vitréennes persistantes, la cicatrice de pexie rétinienne peut céder sous la traction.
Dans une procédure de type vitrectomie-endolaser-gaz, le traitement laser peut être insuffisant pour compenser les tractions du vitré persistantes (les impacts ne sont pas assez dosés, la berge antérieure d’une déhiscence n’a pas été traitée) : le décollement de rétine réapparaît à distance de la disparition du tamponnement.
Déhiscence non traitée
Une déchirure, non impliquée dans la genèse du décollement de rétine, devient symptomatique en raison de tractions vitréennes.
Lors d’une vitrectomie-endolaser-gaz, une déhiscence n’a pas bénéficié d’une pexie rétinienne ; l’analyse pré- ou per-opératoire du premier décollement de rétine a été insuffisante (par exemple, lésion de petite taille, déhiscence du pôle postérieur dans une zone d’atrophie chez le myope fort, réapparition d’un décollement de rétine après ablation de silicone par une déchirure passée inaperçue).
Dans ces cas de figure, le tamponnement permet d’obtenir la réapplication du tissu rétinien de manière temporaire avec réouverture de la déhiscence à distance de la chirurgie.
INDENTATION INADÉQUATE
L’indentation est inadéquate en raison d’une fermeture partielle des berges (antérieures, postérieures ou latérales) de la déchirure :
APPARITION D’UNE NOUVELLE DÉHISCENCE RÉTINIENNE
De nouvelles déchirures sont susceptibles de survenir au niveau d’une zone de rétine soumise à des tractions vitréennes persistantes. Ce phénomène est plus rare en cas de cerclage chirurgical, qui produit une indentation permanente de la base antérieure du vitré.
L’apparition de nouvelles déchirures après vitrectomie se manifeste typiquement par un décollement de rétine à progression rapide. L’incidence varie de 5 % à 26 % selon les séries et dépend de l’indication initiale [2, 12, 18, 27, 39]. En cas de vitrectomie, de nouvelles déhiscences peuvent apparaître en regard des portes d’entrée ou au niveau de la rétine inférieure suite aux tractions liées au tamponnement au niveau la base antérieure du vitré. Des impacts de laser surdosés sont également propices au développement de trous secondaires. La réalisation d’un traitement laser prophylactique sur 360° lors de la vitrectomie diminue le risque de récidive par déhiscences secondaires [10, 23].
En cas de chirurgie ab externo, une lésion rétinienne peut être induite au niveau du site de drainage du liquide sous-rétinien par l’instrument ayant servi à la ponction : en l’absence de pexie au niveau du site de drainage, une récidive de décollement peut alors survenir.
La prolifération vitréorétinienne postopératoire peut également provoquer de nouvelles déchirures.
PROLIFÉRATION VITRÉORÉTINIENNE
La prolifération vitréorétinienne postopératoire résulte d’un mécanisme cicatriciel anormal [5, 9, 11, 16, 31]. Elle est caractérisée par la croissance et la contraction de membranes cellulaires dans la cavité vitréenne et sur les deux surfaces rétiniennes. Il existe des facteurs préopératoires et postopératoires liés à sa survenue (cf. infra). Il s’agit d’un processus souvent limité dans le temps, qui évolue sur une période de deux semaines à plusieurs mois avec une médiane de survenue de deux mois [28]. La contraction du tissu rétinien liée à la survenue de la prolifération vitréorétinienne peut réouvrir des déchirures rétiniennes ou en créer de nouvelles par des forces de traction tangentielles.
Concernant la survenue de récidives tardives de décollement de rétine, la prolifération vitréorétinienne est d’autant moins impliquée que la récidive à lieu à distance de la première chirurgie [7, 14, 16, 42] : la plupart des récidives tardives sont liées à une déchirure [42]. La prolifération vitréorétinienne antérieure a le plus mauvais pronostic en termes de résultats anatomiques et fonctionnels, car elle nécessite de réaliser des chirurgies complexes [31].
CAS PARTICULIERS
APRÈS ABLATION D’UN MATÉRIEL D’INDENTATION
Différentes situations impliquent de réaliser l’ablation d’un matériel d’indentation : l’infection du matériel, l’extériorisation, la diplopie, etc.
Le taux de récidive est proche de 15 % après ablation d’un matériel d’indentation [35]. Cette ablation expose à la réouverture de déhiscences rétiniennes traitées ou à l’apparition de nouvelles déhiscences par des mouvements secondaires de la base du vitré [15, 42]. La faible durée d’indentation et la présence de déchirures rétiniennes, à l’opposé des trous, prédisposent à la récidive [34]. Le risque de récidive est augmenté de façon significative en cas d’ablation sur infection d’explant (28 %), risque attribué à la faible durée d’indentation et à la réaction inflammatoire [34].
APRÈS ABLATION D’HUILE DE SILICONE
Le taux de récidive de décollement de rétine est très variable en fonction des séries et des critères pour décider de l’ablation de l’huile de silicone ; la médiane est de 25 % sur une série de publications récentes [20, 23, 31, 38]. Jonas et al. rapportent que 50 % des cas de récidives de décollement de rétine suite à l’ablation d’huile de silicone surviennent dans les trois semaines, avec un risque de survenue improbable après cinq mois[19]. Pour cette équipe, les facteurs de risque de récidive sont : le nombre d’interventions nécessaires pour obtenir la réapplication, l’expérience du chirurgien, l’acuité visuelle préopératoire basse, la vitrectomie incomplète au niveau de la base du vitré, les indications de la vitrectomie, l’absence de cerclage chirurgical et l’absence de rétinectomie inférieure. La durée du tamponnement n’est pas un facteur de risque de récidive dans leur étude, où la durée minimale de tamponnement était de trois mois [20]. La réalisation d’un traitement laser prophylactique sur 360° per- ou postopératoire avant ablation du silicone diminue le risque de récidive [10, 23].

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