37: Cancer et grossesse

Chapitre 37 Cancer et grossesse



Même si l’activité socioprofessionnelle des femmes d’aujourd’hui conduit au recul de l’âge de la maternité, la survenue d’un cancer durant la grossesse demeure fort heureusement un événement exceptionnel. Son incidence est approximativement évaluée à 1/1 000 grossesses. La rareté de l’événement, son évocation inconcevable dans une démarche optimiste d’enfantement, en totale opposition avec la maladie et la mort représentées par le cancer, conduisent parfois la patiente à un authentique déni qui est source de retard au diagnostic. De même, les modifications physiologiques des organes pendant la grossesse peuvent aboutir à une présentation clinique inhabituelle du cancer qui participe aussi à cette errance diagnostique et à une prise en charge de la maladie à des stades avancés. Si bien que la grossesse, à tort, a longtemps été considérée comme un facteur pronostique péjoratif pour le cancer. On sait depuis que l’interruption médicale de la grossesse n’a pas d’influence sur l’évolution de la maladie cancéreuse et qu’à stade égal, la grossesse ne semble pas modifier le pronostic du cancer.


En revanche, le passage obligé des femmes chez le médecin pendant la grossesse représente une formidable opportunité de dépistage des stades précoces du cancer, qu’il faut savoir saisir. Ainsi, toute femme enceinte devrait pouvoir bénéficier d’un frottis cervicovaginal (FCV) au moment de la première consultation prénatale dès lors que l’examen a plus d’un an ou que la patiente appartient à une population à risque. L’examen des seins devrait également être systématique en début de grossesse, plus particulièrement chez la femme à l’approche de 40 ans ou chez celle qui possède des antécédents familiaux de cancer du sein [1].


La prise en charge du cancer pendant la grossesse a deux objectifs qui apparaissent, en fonction des situations, contradictoires : le traitement optimal de la mère d’une part, celui du respect du bien-être fœtal d’autre part. En fait, tout va dépendre de l’âge de la grossesse, du stade de la maladie mais encore des souhaits de la mère ou du couple qui devront être respectés. Les actes chirurgicaux, s’il y a lieu, seront peu modifiés par la grossesse à quelques subtilités près. La radiothérapie est généralement incompatible avec une évolution normale de la grossesse. Elle devra donc être reportée dans le post-partum. Les risques de mort fœtale in utero, de malformation, de retard mental, de leucémie ou de tout autre cancer de l’enfant semblent majeurs. Dans des situations précises de tumeur extra-abdominale très localisée comme le l ymphome, la radiothérapie a pu être utilisée, avec une protection abdominale et seulement à partir du 2e trimestre de grossesse. Pour la chimiothérapie, il existe un risque tératogène à son utilisation dans les premières semaines de gestation. Ce risque malformatif est évalué entre 7 et 17 % des grossesses exposées. C’est surtout vrai pour les alkylants et les antimétabolites, en particulier les antagonistes de l’acide folinique dont le méthotrexate. Une polychimiothérapie ou une association de la chimiothérapie à la radiothérapie potentialisent ce risque. Après le 1er trimestre de grossesse, l’organogenèse étant terminée, la chimiothérapie est raisonnablement envisageable même si elle n’est pas totalement dénuée d’effets indésirables pour le fœtus et d’interrogations vis-à-vis du devenir de l’enfant à naître (tableau 37.1).


Tableau 37.1 Conséquences d’une exposition intra-utérine aux antimitotiques.











Risque fœtal certain Risque néonatal possible Risque retardé suspecté
Avortement
Tératogénicité
Toxicité pour l’organe cible
Hypotrophie fœtale
Mort fœtale in utero
Prématurité
Aplasie médullaire* (infection, hémorragie)
Troubles digestifs
Toxicité cardiaque des anthracyclines
Effet cancérigène
Effet mutagène
Retard mental
Stérilité
Effet tératogène
pour la deuxième génération

* Le risque est d’autant plus grand que la fin de la dernière cure a eu lieu 3 semaines avant l’accouchement, ce qu’il est souhaitable d’éviter


En dehors des cas où la mère présente une altération sévère de son état général ou qu’elle se trouve sous chimiothérapie, il n’existe pas de retentissement du cancer sur la croissance fœtale, pas plus qu’il n’existe de prématurité, sauf quand celle-ci est induite. Mis à part le cas particulier du mélanome, le risque de métastase placentaire vraie est quasiment inexistant. Pendant la grossesse, le cancer va intéresser en premier lieu les organes qui relèvent de la sphère de compétence du gynécologue tels que le col utérin et le sein, plus rarement l’ovaire bien que cette possibilité soit régulièrement évoquée. Ce sont là sans doute les cancers qui posent les problèmes de prise en charge les plus difficiles. Ils méritent donc une description réactualisée que nous proposons de faire dans ce chapitre. Bien sûr, d’autres organes peuvent être concernés, principalement la peau avec le mélanome, le tissu hématopoïétique avec la maladie de Hodgkin et bien d’autres encore. La liste est longue. En dehors des généralités que nous venons d’énoncer, il n’est pas question d’aborder ici le traitement spécifique de chacun de ces organes [2].



Cancer du col utérin [3,4]





Diagnostic et bilan d’extension


Les cancers du col sont majoritairement des lésions épidermoïdes. La biopsie cervicale est l’élément clé du diagnostic. En présence d’une tumeur évidente au spéculum, elle sera réalisée d’emblée. Dans les autres circonstances que sont un FCV anormal, des métrorragies inexpliquées, un aspect inhabituel ou suspect du col utérin alors que la cytologie est normale (on relève jusqu’à 30 % de faux négatifs pendant la grossesse), une colposcopie sera demandée et des biopsies orientées effectuées. Les risques obstétricaux des biopsies sont quasi nuls, les complications hémorragiques rares, faciles à résoudre par tamponnement ou suture. La conisation à visée diagnostique doit être exceptionnelle. Elle n’est réservée qu’aux lésions micro-invasives découvertes en début de grossesse, afin de ne pas méconnaître un cancer plus évolué, pour lequel la prise en charge serait totalement différente. Seule la conisation permet une évaluation exacte du degré d’invasion. Le risque hémorragique peut être limité grâce à la mise en place d’un cerclage du col. Le curetage de l’endocol est proscrit.


L’appréciation clinique de l’extension tumorale dans le cancer du col, notamment l’atteinte des paramètres, est plus difficile à apprécier pendant la grossesse, surtout avec l’avancée du terme. L’IRM, examen actuel de référence pour la pathologie maligne du col, est particulièrement adaptée à la grossesse même avec injection de gadolinium si nécessaire, d’autant que le scanner est contre-indiqué. L’IRM apprécie au mieux le volume exact de la tumeur, son extension centropelvienne, un peu moins l’atteinte ganglionnaire. Les performances du TEP-scan semblent supérieures à celles de l’IRM pour évaluer l’atteinte ganglionnaire. Il est cependant déconseillé pendant la grossesse. Pour certains, une lymphadénectomie pelvienne cœlioscopique qui serait possible au 1er et au début du 2e trimestre de grossesse fait partie du bilan d’extension. Par la suite, le volume utérin ne l’autorise plus.



Sep 24, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 37: Cancer et grossesse

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