36: Pathologies neurologiques et grossesse

Chapitre 36 Pathologies neurologiques et grossesse



Il y a des pathologies neurologiques qui sont fréquentes chez la jeune femme, comme la migraine et l’épilepsie. Il faut bien les connaître pour proposer une prise en charge de qualité. Il en est d’autres, plus rares, qui en imposent par leur gravité, la sclérose en plaque en est un bon exemple qui autorise la grossesse. Il y en a enfin qui peuvent influencer les modalités de l’accouchement comme les antécédents d’hémorragies cérébrales.



Accidents vasculaires cérébraux (AVC)


La grossesse a longtemps été considérée comme un facteur de risque d’AVC [1,3] mais c’est pendant le post-partum que les risques sont accrus. Pendant la grossesse, le risque relatif d’AVC est de 1,1, tandis qu’il atteint 12,7 pendant le post-partum. Le taux d’AVC hémorragiques est plus élevé qu’en dehors de la grossesse, de l’ordre de 40 %. Certaines causes d’AVC sont spécifiques comme l’éclampsie ; d’autres, non spécifiques, ont néanmoins une incidence accrue comme les thrombophlébites cérébrales. De nombreux facteurs de risque d’AVC gravido-puerpéral ont été identifiés, et leur présence doit faire exercer une surveillance particulièrement attentive chez la femme enceinte : le tabagisme, le diabète, les thrombophilies ou l’HTA qui ne sont pas propres à la grossesse, mais aussi les antécédents familiaux d’éclampsie, la multiparité, et un âge supérieur à 35 ans. L’enquête étiologique d’un AVC doit être conduite pendant la grossesse et le post-partum comme chez toute femme jeune. L’imagerie de choix est, sauf exception, l’IRM, éventuellement associée à une angiographie par résonance magnétique (ARM) mais sans injection de produit de contraste, car on ignore les effets du gadolinium sur le fœtus. Si une angiographie conventionnelle est nécessaire, elle sera pratiquée avec une protection abdominopelvienne. Les autres explorations, y compris l’échographie transœsophagienne, peuvent être conduites de la même manière qu’en dehors de la grossesse.



Ischémie cérébrale


On distingue les infarctus artériels (60 à 80 % des AVC ischémiques au cours de la grossesse) et les thromboses des veines cérébrales et des sinus crâniens. Les premiers surviennent surtout aux 2e et 3e trimestres de la grossesse, les secondes dans le post-partum.



Infarctus cérébraux artériels



Éclampsie


L’éclampsie est responsable de la moitié des AVC ischémiques ou hémorragiques de la grossesse. En cas d’ischémie, l’atteinte neurologique résulte à la fois d’un vasospasme, favorisé par un dysfonctionnement endothélial diffus, et d’un œdème cérébral prédominant dans les régions postérieures du cerveau, lié à une perte de l’autorégulation du débit sanguin associée à l’hypertension artérielle systémique. Cliniquement, il existe une association variable de céphalées, épilepsie, signes de localisation et altération de conscience. Les troubles visuels sont fréquents. Le tableau est proche de celui de l’encéphalopathie hypertensive. L’étiologie est évoquée sur la triade hypertension – protéinurie – œdèmes, mais des éléments peuvent manquer. L’IRM montre des anomalies semblables à celles de l’« encéphalopathie postérieure réversible », avec des hypersignaux en séquence de diffusion comme dans les accidents ischémiques artériels classiques mais un coefficient apparent de diffusion (ADC) augmenté, témoignant d’un œdème vasogénique (alors que dans les infarctus habituels, l’ADC est diminué en raison d’un œdème cytotoxique).


L’évolution est le plus souvent favorable sous traitement. Celui-ci, qui vise à corriger l’hypertension artérielle, empêcher les crises d’épilepsie et dans les cas les plus graves traiter l’hypertension intracrânienne, doit être conduit en milieu obstétrical, voire en service de réanimation. L’éclampsie peut se compliquer d’un «HELLP syndrome » qui peut à son tour être responsable d’hémorragies cérébrales. De manière générale, les hémorragies cérébrales au cours de l’éclampsie ont un pronostic nettement plus grave que celui des accidents ischémiques (mortalité maternelle de 43 %, fœtale de 29 % dans l’étude « Île-de-France » de 1995).



Autres causes


La cardiomyopathie du péripartum est une affection plurifactorielle se présentant comme une cardiopathie dilatée, qui survient préférentiellement en fin de grossesse et dans le post-partum. L’existence d’une cardiopathie préexistante, la fibrillation auriculaire, l’âge, la multiparité et la dysfonction ventriculaire gauche sont des facteurs défavorables.


Les autres cardiopathies emboligènes n’ont pas de spécificité liée à la grossesse et justifient un traitement anticoagulant. Les embolies amniotiques qui intéressent habituellement la circulation pulmonaire peuvent rarement impliquer les artères cérébrales. Le choriocarcinome peut donner pendant une grossesse, qu’elle soit molaire ou non, des métastases cérébrales (parfois hémorragiques) ou des AVC.


Une angiopathie aiguë bénigne peut survenir au cours du post-partum, favorisée par des ocytociques ou la bromocriptine. Le tableau clinique évoque une hémorragie méningée. Le LCR est normal ou légèrement hémorragique. Le Doppler transcrânien et l’ARM montrent des spasmes artériels multiples sur les artères intracérébrales. Une angiographie conventionnelle est rarement nécessaire. L’évolution est favorable.


Certaines étiologies rares d’AVC sont favorisées par la grossesse, qui entraîne une poussée de la maladie causale : c’est le cas pour le lupus érythémateux disséminé, le purpura thrombotique thrombocytopénique, la maladie de Takayasu et la drépanocytose. Les dissections et le syndrome des antiphospholipides, deux causes classiques d’AVC du sujet jeune, n’ont pas une incidence particulièrement élevée en période gravido-puerpérale. L’athérome est une cause rare d’AVC au cours de la grossesse en raison du jeune âge des patientes.





Épilepsie [2,4]


En France, 5 000 grossesses environ sont menées à terme chaque année chez des femmes épileptiques. Elles sont à risque à la fois pour la mère et pour l’enfant et imposent des précautions. Au cours de la grossesse, la fréquence des crises ne varie pas chez deux tiers des femmes épileptiques, et elle augmente ou diminue, respectivement, dans chaque moitié des cas restants. Cette évolution ne peut être prédite ni cliniquement, ni par l’EEG. Le risque de crise à l’accouchement est de 3,5 %.


Le premier impératif d’un point de vue obstétrical est de prévenir toute crise généralisée tonicoclonique (les crises partielles sont sans conséquence pour le fœtus à condition qu’elles n’entraînent pas de chute). La grossesse peut réduire les concentrations plasmatiques de certains antiépileptiques mais les dosages peuvent être trompeurs car ils donnent un taux global et non la fraction libre seule efficace ; de plus les nouveaux antiépileptiques ne peuvent être dosés. Il faut donc avant tout veiller à la prise régulière du traitement et éviter les facteurs favorisants classiques des crises d’épilepsie (insomnie, hyperventilation au cours du travail).


Le second impératif est de minimiser les risques du traitement pour l’enfant. Le taux de malformations est multiplié par 1,5 à 2 chez les enfants exposés in utero à un traitement antiépileptique au 1er trimestre de la grossesse. Le risque est encore majoré de 50 % en cas de polythérapie par rapport à une monothérapie. Il faut donc chercher le traitement minimal efficace. Chez une femme épileptique ayant un projet de grossesse et faisant peu de crises, il faut d’abord réévaluer la nécessité du traitement, au besoin en faisant une fenêtre thérapeutique d’au moins 6 mois, avant toute grossesse. Quand un traitement est nécessaire, il faut viser une monothérapie, répartir les prises, et utiliser une forme retard si elle existe. Le risque tératogène des anciens antiépileptiques (phénobarbital, phénytoïne) est bien établi, mais ces produits sont peu utilisés. Un risque accru de défaut de fermeture du tube neural est démontré avec le valproate (Dépakine) à des doses supérieures à 1 g ou en association. La toxicité des autres antiépileptiques est en cours d’évaluation par des registres prospectifs que l’on peut consulter en ligne.


Le risque de malformation est également corrélé à une carence maternelle en folates, y compris chez les épileptiques non traitées, justifiant si possible une prescription systématique avant le début de la grossesse. Les traitements inducteurs enzymatiques entraînent une baisse des facteurs de coagulation vitamine K-dépendants justifiant un complément chez la mère et l’enfant. L’allaitement est possible (risque de sédation avec les barbituriques).


La conduite à tenir pour une grossesse chez une patiente épileptique est synthétisée dans l’encadré 36.1.


Sep 24, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 36: Pathologies neurologiques et grossesse

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