Chapitre 36 Infection par le VIH
Les traitements antirétroviraux ont permis de transformer l’infection par le VIH en une pathologie chronique et de réduire le taux de transmission mère-enfant à moins de 2 % dans les pays développés. L’infection congénitale à VIH ne fait pas l’objet d’un diagnostic anténatal car la transmission est essentiellement tardive (fin de grossesse ou accouchement). En revanche, il faut tenir compte du risque potentiel de transmission lors de toute amniocentèse ou autre geste invasif.
Épidémiologie
En France, le nombre d’accouchements de femmes séropositives pour le VIH est d’environ 1 500 par an. La prévalence chez les femmes enceintes est proche de celle de la population générale, de l’ordre de 2 ‰ (données de la notification obligatoire à l’Institut de Veille Sanitaire : www.invs.sante.fr). L’incidence des nouvelles contaminations, qui se font essentiellement par voie sexuelle, tend enfin à diminuer, mais reste de l’ordre de 7 000 par an (dont 40 % de femmes). L’Île-de-France et les Antilles-Guyane sont les régions les plus touchées.
Sur le plan mondial, il est estimé que 33 millions de personnes sont porteurs du VIH, qu’il y a 2,7 millions de nouvelles contaminations par an, et 2 millions de décès par an, dont 280 000 enfants (www.unaids.org/fr/default.asp). Les séroprévalences les plus élevées sont en Afrique australe, où elles dépassent 25 % chez les femmes enceintes, alors qu’elles sont de l’ordre de 1 à 10 % en Afrique de l’Ouest. Cela se reflète chez les immigrées venant de ces pays ; ainsi, les Africaines représentent environ 70 % des femmes enceintes infectées par le VIH en France.
Indications thérapeutiques chez la femme infectée par le VIH
En l’absence de traitement, la période asymptomatique dure en moyenne de 8 à 10 ans avant l’évolution vers le SIDA. Cette évolution diffère beaucoup selon les individus. Deux marqueurs pronostiques sont utilisés : la diminution de la numération des lymphocytes CD4 traduisant le déficit immunitaire et le taux d’ARN VIH plasmatique (charge virale) traduisant la réplication.
Les médicaments antirétroviraux diminuent la réplication virale sans supprimer le virus de l’organisme. Le premier antirétroviral, la zidovudine (Rétrovir® , AZT) fait partie de la classe des inhibiteurs nucléosidiques de la reverse transcriptase. Les autres classes sont les inhibiteurs de la protéase virale, les inhibiteurs non nucléosidiques de la reverse transcriptase et, plus récemment, les inhibiteurs de la fusion, les anti-CCR5 et les anti-intégrases.
Des combinaisons de molécules permettent d’obtenir une charge virale plasmatique indétectable en quelques semaines, effet qui est prolongé si l’observance est bonne. La remontée du taux de CD4 est plus lente (plusieurs mois ou années). Leur efficacité, virologique et clinique, justifie l’acronyme HAART (Highly Active AntiRetroviral Therapy, thérapeutique antirétrovirale hautement active).
Toxicité des antirétroviraux pour le fœtus/enfant
La plupart des antirétroviraux passent la barrière placentaire à des degrés variables. La seule molécule tératogène est l’efavirenz (Sustiva® , Atripla® ). Chez le singe, une étude a observé 3 malformations sur 20 expositions : une fente palatine, une anencéphalie avec anophtalmie et une microphtalmie. Des cas de malformations sont rapportés chez l’homme, mais leur fréquence semble faible. Les analogues nucléosidiques, en particulier l’AZT, entraînent fréquemment des neutropénies et surtout des anémies, de sévérité variable. Les anémies sont réversibles à l’arrêt du traitement, mais des conséquences à long terme sur l’hématopoïèse ont été mises en évidence. En outre, les analogues nucléosidiques sont associés à la survenue de cytopathies mitochondriales parfois irréversibles à l’arrêt du traitement. Dans les études françaises [1], la fréquence de cette pathologie était de 1 % (13/1 229) après exposition à AZT + 3TC et de 0,4 % (5/1 318) sous AZT, contre aucun cas (0/1 732) en l’absence d’exposition aux traitements. Les symptômes sont le plus souvent neurologiques (convulsions, retard psychomoteur), parmi lesquels 2 décès. On note des cas de cardiomyopathie ou de myopathie, mais il existe des formes asymptomatiques dont le diagnostic est ignoré en pratique courante. Le risque de cancer dans l’enfance ne paraît pas augmenté, hormis après exposition in utero à la didanosine. Un risque d’hypotrophie a été évoqué par certains auteurs, mais a pu être écarté par l’analyse de la cohorte française EPF (Enquête périnatale française) [2]. La possibilité qu’il y ait d’autres effets à long terme demeure une préoccupation, y compris pour les molécules qui ne disposent pas encore d’un recul, telles le ténofovir (Viread®, Truvada®), et dont l’utilisation est croissante.
Transmission mère-enfant du VIH
Taux de transmission (fig. 36.1)
Sans prévention, le taux de transmission mère-enfant du VIH-1 est de l’ordre de 20 %. La charge virale (taux d’ARN VIH) plasmatique est le déterminant le plus important. Le taux de transmission augmente proportionnellement à la charge virale maternelle, en l’absence de traitement ou sous traitement antirétroviral, et ce quel que soit le type de traitement (fig. 36.2). Lorsque la charge virale plasmatique à l’accouchement est indétectable (< 50 copies/mL), le risque de transmission mère-enfant est faible (3 ‰), sans être nul [3]. Cette transmission « résiduelle » s’observe le plus souvent lorsque la charge virale est élevée au 2e trimestre, le contrôle virologique étant obtenu tardivement dans la grossesse [4].
Moments et mécanismes de la transmission mère-enfant
La transmission mère-enfant peut survenir in utero, à l’accouchement [5] ou par l’allaitement. La transmission à l’accouchement est plus fréquente que la transmission in utero (fig. 36.3).
Il est donc impossible d’envisager un diagnostic anténatal de l’infection à VIH.
Facteurs obstétricaux
L’importance des facteurs obstétricaux a été mise en évidence avant l’utilisation d’antirétroviraux. La césarienne programmée, à membranes intactes, a un effet protecteur parfaitement démontré [6], mais qui semble superflue chez les femmes traitées efficacement.
Le taux de transmission mère-enfant augmente en cas d’accouchement prématuré (fig. 36.4), de rupture prématurée des membranes (le taux de transmission augmentant en fonction de la durée d’ouverture de l’œuf), de chorioamniotite et de liquide amniotique sanglant. Les autres facteurs obstétricaux de transmission mère-enfant sont la gémellité, qui augmente le risque de transmission pour le premier jumeau, et les gestes invasifs ou traumatisants au cours de la grossesse (amniocentèse, cerclage, version par manœuvres externes, amnioscopie) [7, 8]. Cette relation est plus difficile à évaluer depuis l’introduction de la prophylaxie antirétrovirale, en raison du nombre plus faible d’enfants infectés.