Chapitre 30 Rubéole et grossesse
La rubéole est une infection virale bénigne principalement infantile. Cependant, lorsqu’une femme enceinte est infectée par le virus de la rubéole, le risque de malformations sévères est élevé si l’infection a lieu dans les premiers mois de grossesse.
Mc Alister Gregg, en 1941, établit le premier le lien entre une cataracte congénitale et une rubéole pendant la grossesse.
Physiopathologie
Le virus de la rubéole appartient à la famille des Togaviridae ; il est le seul représentant du genre Rubivirus. C’est un virus strictement humain, constitué d’ARN génomique monocaténaire, d’une capside icosaédrique et d’une enveloppe dérivant des membranes des cellules infectées.
Le virus de la rubéole se propage par l’intermédiaire de contacts interhumains directs, uniquement par voie respiratoire. Après inhalation, il se multiplie au niveau de la muqueuse respiratoire et des ganglions cervicaux, d’où il gagne la circulation générale. La virémie est détectable, en général, 7 jours avant l’éruption. Les polyadénopathies correspondent à des sites de multiplication secondaire du virus. L’éruption apparaît en même temps que la production d’anticorps et serait liée à la formation de complexes immuns.
La primo-infection rubéolique guérit en laissant une immunité durable. Cependant, les réinfections sont possibles [1].
La période de contagiosité s’étend approximativement de 8 jours avant à 8 jours après l’éruption.
Diagnostic chez la mère
Dans les zones tempérées, l’infection rubéolique survient majoritairement par épidémies au printemps dans les crèches et les écoles. Des cas isolés peuvent survenir tout au long de l’année.
L’incidence de la rubéole a considérablement diminué (sans pour autant disparaître) depuis la mise en place d’une politique de vaccination. Néanmoins, de petites épidémies persistent, témoignant de l’insuffisance de la protection vaccinale chez les jeunes enfants. Le réseau Renarub (http://www.invs.sante.fr/surveillance/renarub/index.htm) collige les cas de rubéole en France. La figure 30.1 illustre le taux d’incidence des infections rubéoleuses chez les femmes enceintes et des rubéoles congénitales malformatives en France métropolitaine de 1986–2009.

Fig. 30.1 Taux d’incidence des infections rubéoleuses chez les femmes enceintes et des syndromes de rubéole congénitale malformative – France métropolitaine, 1986-2009 (réseau Renarub de l’Institut de veille sanitaire).
Source : Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire, numéro thématique 14–15 du 8 avril 2008 (p. 103), www.invs.sante.fr
Clinique
Dans 50 % des cas la primo-infection maternelle est asymptomatique.
Dans les autres cas, après une incubation de 16 jours (12 à 23 jours), apparaît une éruption fugace (3 jours) et discrète débutant au visage et s’étendant au tronc et aux membres supérieurs en moins de 24 heures. L’éruption est caractérisée par des petits éléments maculeux ou maculopapuleux rose pâle surtout sur le visage, puis peut devenir scarlatiniforme le 2e jour notamment sur les fesses et les racines des cuisses. Les lésions disparaissent le 3e jour sans laisser de séquelles, après une desquamation fine.
Le tableau clinique peut comprendre aussi : une fièvre modérée (< 38,5 °C) et fugace, des arthralgies (plus fréquentes chez l’adulte), des myalgies et des adénopathies cervicales indolores de petite taille qui peuvent apparaître avant l’éruption et persister 1 à 2 semaines.
Des complications exceptionnelles peuvent survenir : méningo-encéphalite, thrombopénie s’accompagnant d’un purpura. Au total, la clinique n’est pas suffisamment spécifique pour établir avec certitude le diagnostic de la rubéole.
Biologie
Le diagnostic biologique de primo-infection rubéolique chez la femme enceinte est indispensable du fait de l’inconstance et de la non-spécificité des signes cliniques. Il repose sur la détection des anticorps rubéoliques.
Les anticorps totaux sont détectés par inhibition d’hémagglutination (IHA), apparaissent au moment de l’éruption et atteignent un plateau dans les 3 semaines.
Les immunoglobulines G (IgG) sont détectées par enzyme-linked immunosorbent assay (ELISA), IHA ou agglutination de particules de latex sensibilisées. Elles apparaissent de façon contemporaine à l’éruption, le pic étant atteint en 2 à 3 semaines, et elles vont persister à un taux élevé durant plusieurs années avant de décroître progressivement sans disparaître.
Les immunoglobulines M (IgM) sont détectables par ELISA. Elles apparaissent également au moment de l’éruption et vont disparaître en 3 à 8 semaines. Elles persistent cependant plusieurs mois après une vaccination (parfois plus d’un an).
Une séroconversion est définie par la mise en évidence d’une apparition d’IgG sur deux prélèvements séquentiels ou à une augmentation du titre des IgG et une multiplication du titre par deux en ELISA ou par quatre en IHA lors de deux prélèvements sanguins maternels espacés de 3 semaines à 1 mois. Les comparaisons de taux nécessitent que les deux prélèvements sanguins maternels soient techniqués en parallèle au cours de la même manipulation. Un taux élevé ne peut, en soi, être considéré comme marqueur de primo-infection. Un titre stable des IgG lors de deux prélèvements consécutifs peut aussi traduire un premier prélèvement trop tardif alors que le plateau est déjà atteint. Après une primo-infection, le titre des IgM augmente nettement puis diminue de façon significative lors de deux prélèvements espacés de 3 semaines, ce qui est un argument en faveur d’une primo-infection. On note également qu’ils peuvent réapparaître après réinfection, mais aussi qu’ils peuvent simplement être le témoin d’une stimulation polyclonale non spécifique du système immunitaire.
En cas de difficultés à dater l’infection maternelle, on peut réaliser une mesure de l’avidité des IgG (évaluation de l’intensité de la liaison antigène-anticorps). Lorsque l’avidité est faible, une primo-infection récente est très probable (< 1 mois), alors que lorsqu’elle est élevée, il s’agit d’une probable infection ancienne (> 2 mois). Un taux intermédiaire est difficilement interprétable.
Les immunoglobulines A (IgA) rubéoliques peuvent être mises en évidence par immunocapture. Leur apparition est concomitante de celle des IgM mais elles persistent plus longtemps que ces dernières en cas de primo-infection.
En cours de grossesse, le dépistage des anticorps rubéoliques est obligatoire (fig. 30.2). Le décret n° 92-143 du 14 février 1992 impose un dépistage des anticorps rubéoliques (IgG ou anticorps totaux) lors de la première visite prénatale, en l’absence de résultat écrit prouvant l’immunité de la patiente. La recherche conjointe des IgM n’est pas nécessaire et ne fait pas partie de la nomenclature des actes de biologie médicale.

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