30: Interruption volontaire de grossesse (IVG)

Chapitre 30 Interruption volontaire de grossesse (IVG)1




La loi du 15 janvier 1975 a autorisé, en France, l’interruption volontaire de grossesse jusqu’à 12 semaines d’aménorrhée (SA).


Cette loi, d’abord provisoire, a été rendue définitive par la loi du 31 décembre 1979. Elle a été modifiée le 4 juillet 2001 en allongeant le délai jusqu’à 14 SA, et en rendant l’entretien psychosocial facultatif pour la femme majeure (maintenu pour la mineure) et en ajoutant la possibilité pour la mineure d’avoir recours à un adulte référent de son choix dans les situations où l’autorisation parentale ne peut être retenue.


Le généraliste étant en général le premier consulté pour ce problème, nous voudrions lui donner ici quelques éléments pour guider la réflexion de la femme.


En France, 220 000 IVG sont pratiquées tous les ans dont plus de la moitié par voie médicamenteuse soit 15 IVG pour 1000 femmes âgées de 15 à 49 ans (figure 30.1).



Ce chiffre est stable depuis 1980. Il se situe dans la moyenne européenne mais très au-dessus cependant de l’Allemagne ou des Pays-Bas proche de 6 IVG pour 1000 femmes en âge de procréer.



Le taux d’IVG en 1993 avoisinait 32 % des conceptions. Il est élevé chez les jeunes filles (60 %), baisse jusqu’à 25 ans (15 %) pour remonter ensuite. Le nombre moyen d’avortements pour 1000 femmes de 15 à 49 ans évolue à la baisse passant de 13,6 en 1990 à 12,3 en 1995 pour remonter à 14,6 en 2004. Le nombre d’IVG chez les mineures continue de progresser (plus 32 % entre 1990 et 2004) malgré les nouvelles contraceptions et la pilule du lendemain (Dress, 2006).


Le recours à des IVG répétées a tendance à représenter une proportion de plus en plus importante (Blayo, 1995). Les femmes ayant des IVG répétées ont un âge plus précoce à la première grossesse quelle qu’en soit l’issue (naissance ou IVG) et des grossesses successives rapprochées. Le risque d’IVG répétées est augmenté en cas de première grossesse avant 20 ans (Kaminski, 1997).



Modalités de l’IVG prévues par la loi


Toute femme qui s’estime en situation de détresse peut demander une interruption volontaire de grossesse jusqu’à 14 semaines d’aménorrhée (12 semaines de grossesse).


Le praticien qui la voit doit dès la première visite :



À la femme majeure, il sera systématiquement proposé avant et après l’interruption de grossesse un entretien avec une personne qualifiée en conseil conjugal, ou toute autre personne (assistante sociale, psychologue) travaillant dans un établissement d’information, de consultation ou de conseil familial, un centre de planification, un service social ou un organisme agréé. Cette consultation comporte un entretien particulier au cours duquel une assistance ou des conseils particuliers à sa situation lui sont apportés. Ces entretiens pourront se dérouler dans des établissements publics ou privés pratiquant les IVG.


Dès cette première visite, le médecin sollicité doit indiquer s’il accepte ou non de faire cette interruption et, s’il n’accepte pas, il doit l’adresser à un confrère ou dans un centre où se pratiquent les IVG.


Si la femme confirme sa demande, un consentement écrit et signé par elle-même sera remis au médecin après un délai de réflexion de 7 jours. Elle n’a pas besoin de l’avis de son mari, si elle est mariée, cependant chaque fois que cela est possible le « géniteur » participera aux entretiens et à la décision à prendre (art. L. 2212-4).


Pour les femmes mineures non émancipées (c’est-à-dire non mariées ou âgées de plus de 16 ans et non émancipées par le juge des tutelles), la consultation avec une personne qualifiée en conseil conjugal ou une assistante sociale est obligatoire au moins 48 heures avant l’IVG. Le consentement de l’un des titulaires de l’autorité parentale ou le cas échéant du représentant légal est recueilli. Ce consentement sera joint à la demande de la jeune femme qui sera recueillie par le médecin en dehors de la présence de toute autre personne. Si la jeune femme souhaite garder le secret, le médecin doit s’efforcer dans l’intérêt de celle-ci d’obtenir son consentement pour que le ou les titulaires de l’autorité parentale soient consultés et il doit s’assurer que cette démarche a été faite lors de l’entretien social. Si la mineure ne donne pas son consentement ou si le consentement des titulaires de l’autorité parentale n’est pas obtenu, l’IVG et les soins qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la demande de la seule intéressée. Dans ce cas, la mineure se fera accompagner d’une personne majeure de son choix et après l’intervention, une consultation lui sera obligatoirement proposée, ayant notamment pour but de l’informer sur la contraception. La mineure sera conseillée sur le choix de cette personne dont le rôle est circonscrit à une mission d’accompagnement et de soutien psychologique (art. L. 2212-4). Dans cette situation, les frais d’IVG peuvent être pris en charge par l’État.


L’IVG ne peut avoir lieu qu’après un délai de 7 jours de réflexion pendant lequel les entretiens ci-dessus ont lieu. Ce délai peut être raccourci dans le cas où le terme de 14 SA risque d’être dépassé. Le médecin est seul juge de l’opportunité de cette décision.


L’IVG instrumentale ne peut être réalisée que dans une clinique privée agréée ou un centre hospitalier et non au cabinet du médecin. L’IVG médicamenteuse peut être réalisée en ambulatoire si la femme à un domicile proche (moins d’une heure de trajet) du centre référent si la durée de la grossesse est inférieure à 7 SA.


Au-delà de 14 SA, l’interruption volontaire d’une grossesse peut à toute époque être pratiquée si deux médecins membres d’une équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, soit que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.


Lorsque la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme comprend au moins trois personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie obstétrique, un médecin choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue. Les deux médecins précités doivent exercer leur activité dans un établissement public de santé ou dans un établissement de santé privé autorisé à pratiquer les interruptions de grossesse.


Lorsqu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic, l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme est celle d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Lorsque l’équipe du centre précité se réunit, un médecin choisi par la femme peut, à la demande de celle-ci, être associé à la concertation.


Dans ces deux cas d’interruption de grossesse pour motif médical, préalablement à la réunion de l’équipe pluridisciplinaire compétente, la femme concernée ou le couple peut, à sa demande, être entendu par toute ou une partie des membres de ladite équipe.


Remboursement. Depuis le 1er mars 1983, l’IVG est remboursée à 80 % par la Sécurité sociale. La femme ne paye que le ticket modérateur, soit 20 %, à condition de présenter sa carte Vitale mise à jour. Elle pourra demander le remboursement de ce ticket à sa mutuelle. Si elle n’est pas assurée et ne peut payer, elle peut demander l’assistance médicale gratuite. La mineure qui veut garder le secret peut demander la gratuité, les frais seront pris en charge par l’État. Les tarifs sont rapportés dans le tableau 30.1.


Tableau 30.1 Tarif des IVG (arrêté du 4 août 2009).














Durée de séjour Tarif IVG + examens complémentaires
IVG instrumentale :
0 à 12 h sans AG
0 à 12 h avec AG
12 à 24 h sans AG
12 à 24 h avec AG

306,14 €
383,32 €
364,34 €
441,82 €
IVG médicamenteuse en établissement
IVG médicamenteuse en ville
(prise en charge et fourniture de Mifégyne® et Gymiso®)
257,91 €

191,74 €
20 % de ces prix restent à la charge de la patiente si elle n’a pas de mutuelle et si l’IVG est faite en hospitalisation ou 30 % si l’IVG est faite en ville.

*AG anesthésie générale.



Réalisation de l’IVG


L’HAS a publié des recommandations pour la prise en charge des IVG dont nous donnons ci-dessous les principales.


Lors de la consultation pré-IVG, des informations claires et précises sont apportées à la patiente sur la procédure (méthode médicamenteuse ou chirurgicale) et les choix offerts de recours à l’anesthésie locale ou générale, ainsi que sur le temps de réflexion. Outre cette information orale, les professionnels remettront à la patiente des documents d’information écrits.


L’échographie bien que non obligatoire est le moyen le plus adapté pour dater la grossesse, confirmer son évolutivité, son unicité, sa localisation intra-utérine mais aussi pour dépister des malformations utérines comme un utérus cloisonné. La détermination de l’âge gestationnel de la grossesse est importante car elle permet le choix de la technique la plus appropriée. Elle repose sur plusieurs mesures : longueur craniocaudale (LCC), mesure du bipariétal (BIP) voire de l’abdominal transverse. À 14 SA, terme maximum autorisé par la loi, la longueur craniocaudale est (LCC) de 80 mm, le bipariétal (BIP) de 28 mm, le diamètre abdominal transverse (DAT) de 24 mm pour le 50e percentile. Le DAT est toujours inférieur au BIP. Si les trois mesures sont discordantes, le BIP reste la mesure de référence. L’incertitude échographique est de l’ordre d’une demi-semaine. Le BIP au 97e percentile est à 14 SA de 32 mm et cette mesure est retenue dans de nombreux centres comme mesure limite pour accepter la prise en charge de l’IVG.3 L’échographie permet aussi d’éliminer une fausse couche spontanée, une GEU, une maladie trophoblastique.


Un dépistage des maladies sexuellement transmissibles dont l’infection par le VIH et des frottis cervicovaginaux de dépistage seront proposés selon le contexte clinique.


Le mode de contraception ultérieure est abordé et éventuellement prescrit dès la visite précédant l’IVG. Il est utile de tenter de comprendre les raisons de l’échec de la contraception actuelle ou de son absence afin d’aider la femme à choisir une contraception la mieux adaptée à son mode de vie. La stérilisation à visée contraceptive peut être proposée après un délai de réflexion de 4 mois. C’est aussi l’occasion de rappeler que seul le préservatif protège des infections sexuellement transmissibles et doit être associé aux autres contraceptifs.


Un groupe sanguin Rhésus avec recherche d’agglutinines irrégulières est obligatoire. D’autres examens peuvent être prescrits si nécessaire lors d’une éventuelle consultation pré-anesthésique.



Techniques d’interruption de grossesse et complications


Dans tous les cas où cela est possible, les femmes doivent pouvoir choisir la technique, médicale ou chirurgicale, ainsi que le mode d’anesthésie, locale ou générale (Anaes, 2001 ACOG, 2005).



IVG instrumentale


L’aspiration est la méthode la plus employée (58 % des IVG en 2004). On utilise alors une canule de Karman (figure 30.2) branchée sur une grosse seringue de 50 cc en tout début de grossesse et le plus souvent une vacurette (cf. figure 30.4) branchée sur un aspirateur électrique. Le diamètre de la canule d’aspiration sera choisi en fonction du terme de la grossesse en ne dépassant pas 12 mm.





La dilatation du col peut être précédée d’une préparation cervicale médicamenteuse.


Lorsqu’elle est recommandée, la technique de préparation cervicale repose sur :



La préparation cervicale, quel que soit le produit utilisé, ne nécessite pas d’hospitalisation.


L’intervention peut être faite sans anesthésie avec une simple prémédication (Valium® + atropine IM) ou une perfusion de Pro-Dafalgan®, sous anesthésie paracervicale, voire sous anesthésie générale si la femme le demande ou si le col paraît difficile à dilater alors que la grossesse est à un terme avancée.


Le choix de la technique d’anesthésie doit être laissé à la femme. On tiendra compte des facteurs de risque de survenue d’une douleur intense que sont le jeune âge, la peur de l’acte, l’existence d’un utérus rétroversé, les antécédents de dysménorrhée, les grossesses les plus précoces et les plus avancées (Np3). De telles situations justifient l’utilisation d’antalgiques efficaces en préopératoire en cas d’anesthésie locale ou la proposition d’une anesthésie générale.


La technique d’anesthésie locale par bloc paracervical ne prévient pas la survenue de douleurs considérées comme sévères lors de la pratique de l’aspiration endo-utérine (Np3). Toutefois, l’injection de lidocaïne intracervicale au niveau de la région isthmique (orifice interne du col) diminue significativement le score de la douleur par comparaison à la technique précédente (Np2).


Les benzodiazépines sont inefficaces sur la douleur des IVG par aspiration mais peuvent améliorer le vécu.


L’efficacité du paracétamol n’est pas prouvée. En revanche, l’administration d’ibuprofène (AINS), qui a été le seul étudié, diminue les scores de douleurs per- et post opératoires (Np1).


Les données concernant l’augmentation des complications liées à l’anesthésie générale (perforations, hémorragies, mortalité) sont anciennes et précèdent l’utilisation du misoprostol et des mesures de surveillance per- et post opératoires actuelles. Pour la réalisation de l’anesthésie générale, les halogènes à forte concentration augmentent le volume des pertes sanguines ; l’utilisation d’ocytocine le diminue (Np2).


En France, l’interruption de grossesse est faite sous anesthésie générale dans 57 % des cas, sous anesthésie locale dans 40 % des cas et sans anesthésie dans 13 % des cas (Dress, 2006).


Technique. Après une prémédication ou une anesthésie, associée à des explications précises sur le déroulement de l’opération, on examine la femme, vessie vide, pour apprécier la position et le volume de l’utérus.


Une pince de Pozzi sur la lèvre antérieure du col permet une traction douce qui redresse l’angle cervico-isthmique.


On dilate le col avec des bougies en gomme souple de Dalsace (figure 30.3) ou un dilatateur de Dubreuil (Prescrire, 2001) jusqu’au no 24, puis on introduit la vacurette de 8 mm si la grossesse est de 8 ou 9 semaines d’aménorrhée, on aspire alors en tournant la vacurette sur elle-même, en prenant soin de relâcher l’aspiration de temps en temps, et surtout quand on franchit le col pour éviter les synéchies (figure 30.4).


En associant des mouvements de rotation de la canule sur elle-même et des mouvements de va-et-vient sans franchir le col, on évacue l’utérus en 5 à 10 minutes ; au bout de ce délai, on ne ramène plus rien avec l’aspiration et on a la sensation tactile de la vacuité utérine. La vacuité utérine peut être confirmée par échographie.


Une injection intramusculaire de Méthergin® ou de Syntocinon® (5 unités IV) peut être faite pour faciliter la rétraction utérine, surtout si le volume d’aspiration est supérieur à 100 cc.


On vérifiera, en examinant les débris ovulaires que l’on fait flotter sur l’eau, qu’il y a bien le chevelu du trophoblaste (figure 30.5). En cas de doute, on peut prélever des débris pour faire rechercher des villosités placentaires par l’anatomopathologiste. L’hospitalisation dure quelques heures, pendant lesquelles on surveillera l’importance du saignement vaginal, le pouls, la tension, le volume utérin. Avant la sortie, on vérifiera que l’utérus est de petite taille, bien dur et rétracté, et que le ventre est souple.



La prévention de l’incompatibilité Rhésus doit être réalisée chez toutes les femmes Rhésus négatif par l’injection intraveineuse d’une dose standard de gammaglobulines anti-D.


Aucune antibioprophylaxie systématique n’est nécessaire, à ceci près qu’il faut :




IVG médicamenteuse


Plus de la moitié des IVG sont réalisées par la technique médicamenteuse soit en ville soit dans un établissement de santé (Dress, 2011). On utilise le RU 486 (mifépristone) ou Mifégyne® associé avec une prostaglandine, le misoprostol (Cytotec® ou Gymiso®) ou géméprost (Cervagème®). Actuellement, on utilise surtout le misoprostol qui se conserve à la température ambiante et a peu de contre-indications. Seul le Gymiso®, beaucoup plus cher, a l’AMM pour l’IVG.


Le jour de la prise de Mifégyne®, la grossesse doit être au plus égale à 63 jours d’aménorrhée.


Il ne doit pas exister de contre-indications aux analogues des prostaglandines ou à la Mifégyne® (tableau 30.2).


Tableau 30.2 Contre-indications aux IVG médicamenteuses.











Contre-indications aux IVG médicamenteuses Contre-indications liées à la mifépristone Contre-indications liées aux analogues des prostaglandines E1







Posologie





Quatre consultations sont nécessaires


La séquence des consultations relatives à l’IVG médicamenteuse dans les établissements de santé et hors établissement de santé est identique.


Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Apr 23, 2017 | Posted by in GYNÉCOLOGIE-OBSTÉTRIQUE | Comments Off on 30: Interruption volontaire de grossesse (IVG)

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access