Cas 30 Fracture tassement d’un corps vertébral lombal
OBJECTIF
Certains patients semblent avoir un seuil de la douleur plus élevé que d’autres. Avant de traiter, assurez-vous donc de bien connaître l’histoire clinique précise, de réaliser l’examen clinique et d’obtenir une imagerie appropriée.
PATIENT(E)
Un homme de 54 ans, grand (environ 195 cm), en bonne santé, travailleur manuel dans le bâtiment.
ANTÉCÉDENTS
Dix-huit mois auparavant, il a eu un accident de voiture ; il était passager. La voiture est sortie de la route, a dérapé avant de percuter un talus. L’engin a fait un vol plané avant d’atterrir lourdement sur les roues. Le patient portait sa ceinture de sécurité mais s’est quand même cogné la tête contre le toit.
DOLÉANCES ET SIGNES FONCTIONNELS (fig. 30.1)
Les AINS ont provoqué des « douleurs de l’estomac » et ont dû être arrêtés.
EXAMEN CLINIQUE
Les réflexes patellaires étaient asymétriques (++ à gauche et + à droite). Les réflexes calcanéens étaient normaux, de même que les pouls pédieux. La sensibilité à la piqûre était perçue de façon normale au niveau des cuisses et des mollets. La sensibilité vibratoire des membres inférieurs était normale. Le tour de cuisse, mesuré 15 cm au-dessus du genou, était de 47 cm à gauche et 48 cm à droite. Le tour de mollet, mesuré 13 cm sous le genou, était de 39 cm à gauche et 38 cm à droite. La force musculaire des jambes était normale. En décubitus dorsal, l’élévation en extension du membre inférieur gauche à 90° déclenchait une légère douleur lombosacrale. La flexion de hanche déclenchait également une légère douleur lombosacrale, à environ 120° d’élévation par rapport au plan de la table d’examen, de façon bilatérale. Le test de Naffziger (le praticien comprime les veines jugulaires et demande au patient de tousser) suscitait une douleur de la colonne vertébrale au niveau thoracique moyen. La percussion de la colonne vertébrale déclenchait une douleur de la jonction thoracolombale jusqu’au bas du dos.
Les amplitudes de mobilité active rachidiennes étaient les suivantes.
CONDUITE À TENIR ?
Des radiographies standard ont été réalisées au niveau du rachis thoracolombal (fig. 30.2A). Elles montraient une fracture du corps vertébral de L1. Afin de mieux visualiser la fracture de L1, un scanner avec des reconstructions 3D a été réalisé (fig. 30.2B à D). Le compte-rendu décrivait « une dégénérescence du disque T12–L1 avec la présence de bulles aériques au niveau du disque intervertébral mais sans protrusion discale. Il n’y a pas d’atteinte significative du canal spinal. Le disque L1–L2 est sans particularité, il n’existe pas de protrusion discale ni de sténose du canal spinal à ce niveau. La fracture du coin antérieur du corps de la vertèbre L1 est associée à un recul très minime du mur postérieur du corps vertébral. »
Figure 30.2 (A) Radiographie du rachis thoracolombal de profil montrant une compression du plateau supérieur du corps de la vertèbre L1 (flèche), compatible avec une fracture. I = foramen intervertébral au niveau T12–L1; L2 = 2e vertèbre lombale. (B) Scanner du rachis avec reconstruction 3D, en vue latérale. Cette image reconstruite permet de mieux visualiser l’espace intervertébral T12–L1 avec la compression du plateau supérieur du corps vertébral L1 (flèche). Il y a une bascule en extension de la vertèbre L1 sur la vertèbre L2 avec subluxation des facettes articulaires postérieures (F) L1–L2. Cette subluxation est bilatérale sur la reconstruction (C) et est aussi clairement visualisée dans la projection oblique (D). I = foramen intervertébral ; S = processus épineux (spinous process). À noter la déformation du foramen intervertébral au niveau L1–L2 (B) par rapport à l’étage supérieur, en raison de la subluxation des facettes articulaires postérieures de L1–L2 du fait de la bascule postérieure ( « extension ») de la vertèbre L1 sur la vertèbre L2. (C) Image scanographique de reconstruction 3D en vue postéro-antérieure. T = processus transverse ; 1 = processus épineux de la 1re vertèbre lombale, 2 = processus épineux de la 2e vertèbre lombale ; F = facette articulaire avec subluxation. (D) Image scanographique de reconstruction 3D en vue oblique. Noter comment le processus articulaire inférieur de la vertèbre L1 (inferior articular process [IAP]) se rapproche de l’isthme de la vertèbre L2. F = facette articulaire avec subluxation. (E) Coupe anatomique dans le plan sagittal d’un homme de 78 ans montrant plusieurs fractures des plateaux supérieurs des corps vertébraux T12, L1 et L3 où l’on peut voir le matériel discal s’insinuer dans les corps vertébraux fracturés (flèches blanches). D = disque intervertébral ; L1 = 1re vertèbre lombale. Les flèches blanches montrent comment le matériel discal s’insinue vers le bas. La grande flèche noire indique la partie inférieure de la moelle spinale (cône médullaire) à partir de laquelle la queue de cheval (racines nerveuses) s’étend. Les racines nerveuses sont très vascularisées et la flèche barrée montre un vaisseau sanguin d’une des racines nerveuses. Le rectangle en pointillé représente la zone à partir de laquelle la coupe histologique (F) a été obtenue. Voir aussi, à la section des planches en couleur, la fig. vii.23A. (F) Coupe histopathologique de 200 μ d’épaisseur dans le plan sagittal au niveau de la fracture tassement du corps vertébral L1 visualisée en (E). Cette coupe montre un ostéophyte (O) qui commence à se développer en antérieur. Il existe une rupture du matériel discal intervertébral (intervertebral disc [IVD]) qui s’étend vers le bas au plateau du corps vertébral fracturé (flèches blanches). Il existe un bombement postérolatéral du matériel discal entraînant une compression du foramen intervertébral adjacent (flèche blanche courbe). Sur cette coupe histologique, le disque intervertébral bombe en arrière (flèche blanche courbe) dans la partie inférieure du foramen intervertébral mais est encore contenu par les fibres annulaires. De plus, la subluxation des facettes articulaires recouvertes de cartilage hyalin est visualisée ; cela peut provoquer un étirement de la capsule articulaire (C) et un pincement d’une frange synoviale (S). H = cartilage articulaire hyalin du processus articulaire inférieur du corps vertébral T12; L = ligament jaune ; L1 = 1re vertèbre lombale ; M = muscle ; N = structures nerveuses dans le foramen intervertébral. (Coloration à l’hématoxyline d’Ehrlich et contraste en lumière verte.) Voir aussi, à la section des planches en couleurs, la fig. vii.23A.