Chapitre 3 Surveillance clinique et électronique du travail
Le médecin, l’interne ou la sage-femme doivent être capables :
L’accouchement est un acte naturel nécessitant cependant l’intervention active du médecin dans 20 à 25 % des cas. Si certaines pathologies sont diagnostiquées pendant la grossesse ou à l’admission à la maternité, d’autres surviendront pendant le travail et ne sont pas prévisibles au départ. La surveillance du travail s’impose donc pour toutes les patientes. Le but est le diagnostic précoce des accidents aigus, des dystocies et de l’asphyxie fœtale per-partum qui nécessitent une prise en charge adaptée et sans retard.
Cette surveillance fait appel tout d’abord à la clinique et la surveillance du rythme cardiaque fœtal (RCF) puis, en cas d’anomalie, aux moyens dit de « deuxième ligne ». Elle doit être réalisée en fonction du contexte clinique, en tenant compte des paramètres maternels (pré-éclampsie, utérus cicatriciel, diabète, autres pathologies, etc.) et des paramètres fœtaux (prématurité, retard de croissance, dépassement de terme, grossesse gémellaire, présentation du siège).
Surveillance de la contraction utérine
Les contractions ont un rôle important dans la dilatation du col, la progression de la présentation et l’expulsion. Elles doivent être suffisantes pour être efficaces sans pour autant être délétères pour le fœtus.
Surveillance clinique
Elle n’a pas perdu de son intérêt et, dans le cadre du travail normal, peut être suffisante.
L’interrogatoire permet de repérer la fréquence de la contraction utérine, d’apprécier sa durée et d’évaluer son intensité. Cependant, l’intensité de la douleur est subjective. La durée de la contraction est sous-estimée car celle-ci n’est perçue que lorsque la pression intra-utérine atteint 3,99 kilopascal (kPa), ce qui n’est pas forcément le cas au début et en fin de la contraction.
Surveillance électronique
Elle peut être assurée par la tocographie externe ou interne, le capteur étant relié au monitoring. Elle permet l’enregistrement continu des contractions et accroît la précision de l’évaluation de la contraction utérine.
Tocographie externe
Principe
Elle est réalisée grâce à un capteur baro-sensible, maintenu sur la paroi abdominale, dans la région sus-ombilicale, à l’aide d’une ceinture élastique (figure 3.1). L’utérus, qui se contracte, appuie sur le capteur baro-sensible. Le déplacement de la plume sur le papier d’enregistrement est proportionnel à l’intensité de l’appui et du durcissement de l’utérus.
Objectifs et limites
En l’absence d’anomalie de la dilatation, la tocographie externe est un moyen simple et suffisant pour apprécier la dynamique de la contraction utérine. Cependant, en cas d’anomalie de la dilatation, les données fournies peuvent être insuffisantes pour juger des causes de la stagnation et fixer une conduite à tenir.
Tocographie interne
Principe de mesure
Il est simple. Un cathéter rempli de liquide est introduit dans la cavité utérine après rupture des membranes, par voie cervicale : la pression exercée sur la colonne de liquide contenu dans le cathéter est transmise à un capteur de pression qui induit un courant proportionnel à cette pression, permettant l’inscription graphique du phénomène sur l’enregistrement (tocogramme). Dans d’autres types d’appareil, le capteur de pression est au bout de la sonde et le signal transmis par des fils électriques : ce procédé évite les artéfacts liés à une mauvaise position du capteur ou à un cathéter bouché.
Mise en place du cathéter
Elle est réalisée de manière aseptique à travers le col utérin, soit en avant, soit en arrière de la tête à l’aide d’un guide cathéter métallique ou plastique. Une fois le guide mis en place, le cathéter y est introduit, poussé sur 40 cm environ, de façon à ce que l’extrémité intra-utérine se situe au niveau de l’épaule fœtale (figure 3.2). Puis on retire le guide, on vérifie que son extrémité est libre en injectant quelques millilitres de sérum physiologique, ou en abaissant l’extrémité libre du cathéter en dessous du plan du lit (le liquide amniotique refoule habituellement à travers le cathéter).
Fig. 3.2 Mise en place d’un cathéter intra-amniotique. a. Le guide rigide contenant le cathéter est placé dans le col, en arrière de la tête fœtale. b. Il est enfoncé de manière à ce que son extrémité dépasse le grand diamètre de la présentation. Le cathéter est alors poussé dans la cavité utérine, jusqu’à ce que le repère, correspondant à 40 cm, affleure la vulve.
D’après J.M. Thoulon, Le monitorage électronique fœtal. Paris : Masson ; 1991.
L’enregistrement peut alors commencer, et les courbes seront étalonnées automatiquement sur l’enregistrement, soit en mmHg, soit en kPa (unité de pression dans le système international). La figure 3.3 montre un enregistrement normal de contractions utérines au cours du travail [25].
Avantages
La tocographie interne mesure la pression intra-amniotique, le tonus de base et l’intensité vraie des contractions. Les tracés sont comparables d’une patiente à l’autre, et les mesures ne sont pas modifiées par une obésité éventuelle. Elle permet de connaître l’activité utérine en cas de non-progression du travail (normale ou insuffisante) et de diagnostiquer les pressions trop élevées qui peuvent être responsables d’asphyxie fœtale [6].
Inconvénients
La pause d’une tocographie interne ne peut être faite qu’après la rupture des membranes. La technique de mise en place peut apparaître complexe. Elle se fait de manière routinière, sans difficulté dans la grande majorité des cas.
Il existe un risque théorique d’infection intra-utérine (de l’ordre de 1/1 000 tocographies internes) ; ce risque se voit surtout en cas d’infection vaginale antérieure ou de travail prolongé [15].
Analyse de la contraction utérine
La tocographie interne a permis de chiffrer l’intensité réelle des contractions utérines pendant les différentes phases du travail. Elle a permis de définir des paramètres moyens, mais sans que l’on puisse établir de véritables normes [8] (figure 3.4) :
On parle d’anomalie par défaut (hypocinésie) s’il y a moins d’une contraction par période de 10 minutes ou par excès (hypercinésie) s’il y a plus de 5 contractions par période de 10 minutes ou si la durée des contractions est supérieure à une minute.
On a proposé une évaluation électronique de la surface de la contraction utérine ; l’unité est variable selon les procédés. Elle est souvent évaluée en kPa.surface pour 15 minutes (voir figure 3.4), l’activité utérine normale se situant entre 700 et 1 200 kPa.surface pour 15 minutes. Cette mesure utilisée pour des études de physiologie du travail a peu d’intérêt en routine.
Surveillance de la dilatation
Elle reste essentiellement clinique et repose sur le toucher vaginal.
Durée de la dilatation
La première phase du travail est la phase de dilatation du col. Sous l’influence de la contraction utérine qui pousse le mobile fœtal vers le bas, le col s’efface d’abord puis se dilate (figure 3.5). Lorsque la présentation est bien accommodée, le segment inférieur coiffe la tête et la poche des eaux est plate (figure 3.6).
Fig. 3.5 Effacement et dilatation du col.
D’après J. Lansac, C. Berger, G. Magnin, Obstétrique pour le praticien (5e éd.). Paris : Elsevier-Masson ; 2008.
Fig. 3.6 Phénomène de l’accommodation. a. Tête bien accommodée : le segment inférieur coiffe le pôle fœtal comme un bonnet élastique bien ajusté, la poche des eaux est plate. Cette ampliation du segment inférieur est la condition d’une bonne physiologie de dilatation. b. Tête mal accommodée : le segment inférieur est mal amplié, la poche des eaux bombe à l’orifice du col, prête à se rompre précocement.
La dilatation se déroule en deux phases bien décrites par Friedman (figures 3.7 et 3.8) :
Fig. 3.7 Courbe de dilatation du col chez la primipare.
D’après Friedman E.A., Functional divisions of labor. Am. J. Obstet. Gynaecol. 1979 ; 109 : 274–280.
A : accélération ; M : accélération maximale ; D : décélération ; E : expulsion.
D’après J. Lansac, C. Berger, G. Magnin, Obstétrique pour le praticien (5e éd.). Paris : Elsevier-Masson ; 2008.
Kilpatrick et al. [12] ont étudié la longueur de la phase de dilatation chez 6 991 femmes enceintes de 37 à 42 SA en travail spontané sans ocytociques, avec un fœtus unique en présentation du sommet. Ces chiffres montrent que l’on peut observer des durées de dilatation supérieures à celles préalablement décrites et que la pratique de l’anesthésie péridurale augmente la durée d’environ 2 heures chez la nullipare et la multipare. Il donne les valeurs suivantes.
De même, Henry et al. [11] ont démontré qu’un arrêt de la dilatation de 2 heures était fréquemment observé chez des femmes qui accouchent finalement par voie basse. Cet arrêt de dilatation s’accompagne d’un taux d’hémorragie de la délivrance et d’endométrite dans les suites plus élevé que le taux observé dans la population générale, mais est sans conséquence sur l’enfant.
Modalités de la surveillance
La surveillance s’effectue par le toucher vaginal. Le médecin ou la sage-femme doit noter à chaque examen :