Chapitre 12 Douleur et analgésie obstétricale
L’interne ou la sage-femme doivent être capables :


Analgésie loco-régionale
Anesthésie péridurale
C’est la plus utilisée des techniques d’anesthésie loco-régionale. Elle a été réalisée pour la première fois en France en 1901 grâce à l’action conjointe de deux urologues : les docteurs Sicard et Cathelin. Ce n’est qu’en 1949 que Curbello a imaginé la possibilité d’introduire un cathéter à travers l’’aiguille de ponction (aiguille de Tuohy). Avant cette invention, la durée d’action de l’anesthésie péridurale était, avec les anesthésiques locaux utilisés à cette époque, inférieure à une heure et il n’était pas envisageable de répéter indéfiniment les ponctions. Nous avions désormais la solution idéale à ce problème qui avait été la cause du retard entre la découverte de la péridurale et son utilisation en obstétrique. Avec le développement des moyens techniques et pharmacologiques actuels, elle a supplanté les autres méthodes d’analgésie qui sont toutes imparfaites et ne permettent en aucun cas de réaliser un acte chirurgical. Elle a aussi remplacé l’anesthésie générale, plus dangereuse et peu satisfaisante sur le plan psychologique.
Principe et réalisation
Rappel anatomique
L’espace péridural est une formation anatomique virtuelle fermée à ses deux extrémités. En haut, au niveau du trou occipital, en bas, au niveau du canal sacré. La dure-mère tapisse sa face interne, le ligament jaune et les corps vertébraux sa face externe. Cet espace est formé d’un tissu cellulo-graisseux très dense dans lequel cheminent racines nerveuses, réseaux veineux et lymphatiques, et de rares formations artérielles (figure 12.1 à 12.3).

Fig. 12.1 L’espace péridural.
D’après R. Vokaer. Traité d’obstétrique ; (tome II). Paris : Masson1983.

Fig. 12.2 Coupe montrant l’emplacement de l’aiguille dans l’espace péridural
D’après J. Lansac, C. Berger, G. Magnin.Obstétrique pour le praticien. Paris : Masson;2008.
Techniques d’abord de l’espace péridural (voir figure 12.2)
L’accès à l’espace péridural se fait par voie lombaire au niveau des espaces intervertébraux L2-L3, L3-L4 ou L4-L5. On ne doit jamais ponctionner au-dessus de l’espace L2-L3 car la moelle épinière se termine normalement en L1, et jamais au-dessous de L2. En respectant cette règle, on évite tout risque de blessure de la moelle au cours de la ponction. Il est souvent assez difficile de repérer, par la simple palpation du dos, le niveau exact de ponction. Actuellement, grâce à l’aide de l’échographie, on peut le situer de façon très précise, et ce quelle que soit la morphologie dorso-lombaire de la patiente Une anesthésie préalable de la peau avec une aiguille intradermique et de la lidocaïne à 1 % permet de rendre le passage de l’aiguille de Tuohy, à travers les différents plans, pratiquement indolore.
Effets physiologiques [32]
Action sur les racines et les nerfs rachidiens
Actions cardio-vasculaires
Action sur l’utérus
Les anesthésiques locaux n’ont pas d’action évidente sur la fibre utérine isolée. L’anesthésie péridurale diminue légèrement l’intensité des contractions utérines, surtout si l’on utilise un anesthésique local adrénaliné (effet β+).
Pharmacologie
Anesthésiques locaux
Les anesthésiques locaux utilisés en anesthésie péridurale sont de la famille des amides.
Ropivacaïne (Naropeine®)
Elle est devenue le « gold standard » des anesthésiques locaux utilisés pour l’accouchement. Elle a supplanté la bupivacaïne car, à puissance analgésique égale, elle a l’avantage de donner un bloc moteur plus faible [25, 29, 30]. De ce fait, la patiente obtient un meilleur confort avec moins de sensation de jambes lourdes et conserve un bon niveau de tonus musculaire en phase expulsive.
Lidocaïne (Xylocaïne®)
Outre son utilisation pour l’anesthésie locale de surface, elle peut être employée aussi en anesthésie péridurale obstétricale. Elle avait été initialement déconseillée car les premiers travaux scientifiques faisaient état de passage transplacentaire de l’ordre de 30 %. En fait, le passage réel est inférieur à 10 %. Dans les premières études, les dosages utilisés à l’époque incluaient des métabolites inactifs (solution de Shneider).
Adjuvants
Adrénaline
Elle prolonge la durée d’action des anesthésiques locaux en diminuant leur réabsorption vasculaire ; aux concentrations utilisées, elle a un effet bêtamimétique et diminue l’intensité des contractions utérines. Cet effet peut parfois être recherché.
Morphiniques
Pendant l’accouchement, on a recours aux morphiniques liposolubles. Le sufentanil est le seul morphinique à posséder l’AMM pour administration en anesthésie péridurale obstétricale. On l’utilise en bolus à la dose de 2,5 à 5 µg et en entretien à la dose de 0,25 µg/mL de solution en PCEA. Leur inconvénient principal est d’entraîner fréquemment du prurit. Ils peuvent aussi favoriser un état nauséeux et entraîner un léger état de dysphorie.
Clonidine
Associée aux anesthésiques locaux en anesthésie péridurale, elle renforce leur action analgésique. Elle est moins maniable que les morphiniques et peut majorer l’effet hypotenseur des anesthésiques locaux. En pratique quotidienne, elle est assez peu utilisée mais peut représenter une alternative intéressante.
Nuances apportées par la situation obstétricale
Tableau 12.1. Voies nerveuses intervenant dans la transmission de la douleur pendant les deux premières périodes du travail.
Stades du travail | Voies nerveuses |
---|---|
Première période | Fibres C empruntant le système sympathique (D10-D11-D12-L1) |
Seconde période | Idem + afférences somatiques fibres A, nerfs honteux internes S2-S3-S4. |
Actuellement, le mode d’administration des anesthésiques locaux par pompe contrôlée par la patiente elle-même (patient-controled epidural anaesthesia ou PCEA) a supplanté les réinjections itératives [9]. Cela a pour avantage de diminuer la contrainte de disponibilité de l’anesthésiste et de permettre à la patiente d’adapter le moment de l’injection à celui de la réapparition de la douleur et sans délai. Cela permet aussi à l’équipe obstétricale de participer à la gestion de l’analgésie en fonction de l’évolution de l’accouchement [10]. Ce mode d’injection, qui donne une satisfaction globale à tout l’environnement obstétrical, nous a permis de nous rendre compte que, malgré l’administration de doses systématisées que l’on croyait délétères en termes de mécanique obstétricale, cela n’avait que très peu (ou pas) d’incidence sur la terminaison du travail. En raison de ces avantages, la PCEA est devenue quasi systématique dans les centres pratiquant l’anesthésie péridurale en obstétrique. Toutes les patientes ne souhaitent pas le même degré d’analgésie au cours du travail, surtout en phase d’expulsion, et grâce à leur implication par l’intermédiaire de la PCEA, elles peuvent aussi moduler l’analgésie en fonction de leur souhait lorsque l’accouchement est eutocique. En pratique, il est souhaitable que la parturiente informe l’équipe obstétricale de son désir avant de s’administrer un bolus. Ils peuvent alors de concert adapter l’analgésie à la progression du travail.