Chapitre 3 Physiologie rétinienne
Pendant l’embryogenèse, le rapprochement de l’épithélium pigmentaire et de la rétine neurosensorielle intervient de façon tardive et incomplète. L’absence de fusion entre ces deux feuillets cellulaires constitue un élément de fragilité.
Physiologie globale de la rétine
ABSORPTION DU LIQUIDE SOUS-RÉTINIEN
L’adhérence entre photorécepteurs et épithélium pigmentaire est un phénomène actif, entretenu par une absorption constante de liquide sous-rétinien, sous la dépendance d’un transport actif (qui consomme de l’énergie) de chlore hors de l’espace sous-rétinien (fig. 3-1). Cette fonction rétinienne, particulièrement impliquée dans la survenue du décollement de rétine, sera développée plus en détail ci-après (cf. infra, « Physiologie de l’adhérence rétinienne »). L’adhérence étroite entre l’épithélium pigmentaire et le photorécepteur permet le renouvellement de l’article externe du photorécepteur.
RENOUVELLEMENT DE L’ARTICLE EXTERNE DU PHOTORÉCEPTEUR
RÉGÉNÉRATION DU CONTENANT : LA PHAGOCYTOSE
Le photopigment (association de la protéine opsine et du 11-cis-rétina) est contenu dans des disques cytoplasmiques qui sont empilés au niveau de l’article externe du photorécepteur. Ils sont produits au niveau de la partie interne de l’article externe (fig. 3-2) [16]. À l’autre extrémité, l’épithélium pigmentaire assure le catabolisme de ces disques par phagocytose (fig. 3-3).
Fig. 3-2 Le photopigment est contenu dans des disques membranaires qui sont empilés au niveau de l’article externe du photorécepteur.
(Dessins d’après microphotographies : a et b, in : Anderson D.H., Fisher S.K. The photoreceptors of diurnal squirrels: outer segment structure, disc shedding and protein renewal. J Ultrastruct Res, 1976 ; 55 : 119-41 ; c, in : Steinberg R H, Fisher SK, Anderson DH. Disc morphogenesis in vertebrate photoreceptors. J Comp Neurol,1980 ; 190 : 501-18.)
RÉGÉNÉRATION DU CONTENU : LE CYCLE VISUEL
Le cycle visuel est à l’origine du renouvellement du photopigment : la lumière transforme le 11-cis-rétinal en tout-trans-rétinal et la régénération permet de reproduire du 11-cis-rétinal. Pour la régénération du photopigment, les bâtonnets dépendent de l’épithélium pigmentaire, les cônes dépendent des cellules gliales intrarétiniennes (cellules de Müller) (fig. 3-4) [8].
Le 11-cis-rétinal régénéré est intégré au niveau d’une macromolécule constituée de plusieurs sous-unités d’une protéine nommée l’opsine, l’ensemble réalise la rhodopsine dans les bâtonnets (fig. 3-5a) [6]. Le passage de la forme cis à la forme tout-trans provoque l’activation de l’opsine, ce qui déclenche la cascade de phototransduction.
La sensibilité du photopigment en fonction de la lumière incidente n’est pas la même pour tous les photorécepteurs. Chaque type de photopigment (un pour les bâtonnets, trois pour les cônes) est caractérisé par une courbe de sensibilité en fonction de la longueur d’onde de la lumière (courbe de sensibilité spectrale). Ainsi, selon leur courbe de sensibilité spectrale, il est possible de différencier trois cônes différents : « rouge », « vert » et « bleu » (fig. 3-5b).
CASCADE DE PHOTOTRANSDUCTION
La cascade de phototransduction (activation de l’opsine, activation de la transducine, puis activation de la phosphodiestérase ; fig. 3-6) aboutit à l’hydrolyse du GMP cyclique (GMPc), ce qui induit la fermeture des canaux cationiques (à Na+ principalement, et à Ca2 + et Mg2 +) entrants GMPc-dépendants. Ceci engendre un déficit relatif de charges positives dans la cellule et donc une prédominance des charges négatives (hyperpolarisation). L’hyperpolarisation du segment externe du photorécepteur engendre une inhibition de la sortie du potassium (épargne des charges positives intracellulaires) au niveau du segment interne (fig. 3-6b), réduisant la concentration du potassium dans le compartiment extracellulaire sous-rétinien, ce qui entraîne une réponse compensatrice par les cellules de Müller et par l’épithélium pigmentaire(cf. infra).
Fig. 3-6 Cascade de phototransduction et transports cationiques dans le bâtonnet.
TRANSMISSION DU PHOTORÉCEPTEUR À LA CELLULE GANGLIONNAIRE
Entre les photorécepteurs (cent vingt millions de bâtonnets et sept millions de cônes) et les cellules ganglionnaires (un million de cellules), il existe un circuit de traitement et de compression de l’information visuelle par des interneurones (cellules bipolaires, horizontales, amacrines) avant qu’elle ne soit transmise au cortex visuel primaire via les voies visuelles rétrobulbaires.
COUCHE PLEXIFORME EXTERNE, COUCHE GRANULAIRE INTERNE
Cellules horizontales
Il existe plusieurs classes de cellules horizontales (fig. 3-7). La cellule horizontale de type 1 (H 1) relie des cônes avec un bâtonnet et la cellule horizontale de type 2 (H 2) relie des cônes rouges, verts et bleus avec un autre cône bleu. Les cellules horizontales interviennent dans le traitement du contraste et la vision des couleurs en assurant des connexions entre des cônes de sensibilités spectrales différentes.
Cellules bipolaires
Cellules bipolaires de bâtonnets. — L’hyperpolarisation d’un bâtonnet en réponse à la lumière provoque la dépolarisation d’une cellule bipolaire (cellule bipolaire de type « ON ») (fig. 3-8).
Fig. 3-8 Cellules bipolaires. Un signal lumineux hyperpolarise les photorécepteurs, ce qui réduit la sécrétion de glutamate à leur pôle synaptique. En fonction de la nature de ses récepteurs au glutamate, la cellule bipolaire en regard répond différemment à cette diminution de la concentration de glutamate : on distingue ainsi des cellules bipolaires qui répondent par une hyperpolarisation (cellules « OFF ») et des cellules bipolaires qui répondent par une dépolarisation (cellules « ON »). Les cellules bipolaires se différencient également par leur arbre dendritique : des cellules naines sont caractérisées par un champ réduit, les cellules diffuses par un champ large.