Chapitre 29 Insuffisance Rénale et Vaisseaux
Complications Vasculaires de L’insuffisance Rénale
Insuffisance et maladie rénale chronique : définitions
Morbimortalité vasculaire de la maladie rénale chronique
L’insuffisance rénale chronique est un facteur de risque cardiovasculaire majeur dans la population générale [1]. Les risques de mortalité et d’événements cardiovasculaires augmentent dès que le DFG s’abaisse entre 45 et 60 mL/min/1,73 m2, puis continuent d’augmenter de façon exponentielle avec la poursuite de la dégradation de la fonction rénale. Ce surrisque reste statistiquement significatif après correction par les facteurs de risques traditionnels (hypertension artérielle, diabète, hyperlipidémie) et les principales comorbidités. Au-delà du niveau constaté de DFG, la rapidité de perte de DFG au cours du temps contribue aussi au risque cardiovasculaire. Même dans des sous-groupes à très haut risque, comme dans le post-infarctus, l’insuffisance rénale reste un puissant facteur prédictif du pronostic cardiovasculaire.
La protéinurie, dès le stade de la micro-albuminurie, est aussi un marqueur de risque cardiovasculaire particulièrement bien documenté chez les sujets diabétiques, mais maintenant aussi en population générale. La protéinurie reste aussi un déterminant du pronostic cardiovasculaire, indépendamment du niveau de DFG, dans les sous-groupes les plus à risque comme en post-infarctus. Pour certains la protéinurie semble même répondre à la définition d’un facteur de risque modifiable car sa correction par un agent bloquant le système rénine angiotensine aldostérone est associée à une baisse du risque cardiovasculaire [2].
La comparaison du poids respectif des principaux facteurs de risque cardiovasculaire conventionnels et non conventionnels, montre que l’insuffisance rénale chronique ou la protéinurie sont des marqueurs de risque cardiovasculaire aussi puissants que le diabète et plus puissants que l’hypertension, les dyslipidémies, le tabagisme ou l’obésité [3]. Le principal risque associé à la découverte d’une insuffisance rénale n’est finalement pas d’atteindre le stade de l’insuffisance rénale terminale nécessitant un traitement de suppléance, mais de mourir d’une complication cardiovasculaire. C’est donc fort logiquement que la société européenne d’hypertension considère l’insuffisance rénale et la microalbuminurie comme deux atteintes d’organe cible conditionnant le pronostic cardiovasculaire, au même titre que des conséquences vasculaires périphériques documentées comme l’augmentation de l’épaisseur intima média carotidienne (> 0,9 mm) ou de la vitesse de l’onde de pouls carotido-fémorale (> 12 m/s) et la baisse de l’index de pression systolique cheville-bras (< 0,9) [4].
Le groupe interdisciplinaire de consensus TASCII a reconnu que la maladie rénale chronique est un facteur de risque d’atteinte vasculaire périphérique [5]. Un DFG inférieur à 60 mL/min/1,73 m2 multiplie par plus de deux le risque d’atteinte vasculaire périphérique dans la cohorte nord-américaine NHANES, et 24 % des adultes de plus de 40 ans en insuffisance rénale ont un index de pression systolique inférieur à 0,9. Chez ces patients non dialysés, 1 à 3 % seront amputés dans les cinq ans. Au stade de l’insuffisance rénale terminale, 15 % des sujets dialysés ont une atteinte vasculaire périphérique symptomatique, et beaucoup seront amputés ou vont mourir des complications de leur artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Il ne s’agit probablement pas d’une simple association entre maladie rénale chronique et atteinte vasculaire périphérique, mais bien d’une relation causale puisque l’existence d’une insuffisance rénale prédit l’apparition ultérieure d’une atteinte vasculaire périphérique symptomatique dans la cohorte des femmes ménopausées HERS, indépendamment des autres facteurs de risque traditionnels. Dans cette étude, plus la fonction rénale est dégradée, plus le risque de développer une AOMI symptomatique augmente, avec un risque multiplié par plus de trois chez les patientes ayant un DFG inférieur à 30 mL/min/1,73 m2 par rapport aux femmes sans insuffisance rénale.
Artério-athérosclérose accélérée de l’insuffisance rénale chronique
PARTICULARITÉS ANATOMOCLINIQUES
La maladie rénale chronique expose à la fois à l’athérosclérose (remaniement de l’intima des artères de gros et moyen calibre consistant en une accumulation focale de lipides, glucides complexes, de produits sanguins, de tissu fibreux et de dépôts calcaires) et à l’artériosclérose (épaississement et perte d’élasticité de la paroi des artères de toutes tailles). L’artérioathérosclérose de la maladie rénale chronique est particulièrement calcifiée et inflammatoire. Les calcifications atteignent à la fois l’intima, en patch au niveau des plaques d’athérome, et la média de façon plus diffuse, produisant des images radio-opaques en rail sur les clichés radiographiques sans préparation. La calcification de l’intima est favorisée par le dérèglement du métabolisme lipidique au cours de la maladie rénale chronique, avec accumulation dans l’intima des macrophages chargés de lipide typiques de la plaque d’athérome. Les calcifications de ces plaques d’athérome jouent un rôle encore controversé dans les phénomènes de ruptures qui aboutissent aux accidents de thromboses vasculaires [6]. La calcification de la média fait principalement intervenir la synthèse de matériel osseux par les cellules musculaires lisses vasculaires de la média (cf. infra « Rôle du métabolisme phosphocalcique »).
Il existe une corrélation entre l’importance des calcifications coronaires, valvulaires cardiaques et aortiques, suggérant des déterminants communs. Ces calcifications vasculaires s’intègrent dans un contexte de désordre global du métabolisme osseux au cours de la maladie rénale chronique, justifiant l’acronyme de CKD-MBD (Chronic Kidney Disease-Mineral Bone Disease) [7]. Schématiquement, moins l’os est calcifié, plus les calcifications extra-osseuses sont importantes dans la population générale, mais encore plus dans la maladie rénale chronique.
RÔLE DES LIPIDES
Il faut distinguer deux types principaux de profil lipidique : d’une part les anomalies associées à la baisse de DFG jusqu’au stade de l’hémodialyse, et d’autre part, les anomalies spécifiques observées chez les patients ayant d’importantes pertes protéiques du fait d’un syndrome néphrotique ou d’une dialyse péritonéale [8].
RÔLE DU MÉTABOLISME PHOSPHOCALCIQUE
Les deux anomalies extrêmes du remodelage osseux observées au cours de la maladie rénale chronique augmentent le risque de calcification vasculaire : l’os adynamique (freination excessive de la parathyroïde) diminue la fixation du calcium/phosphate sur l’os; l’hyperparathyroïdie secondaire libère le calcium/phosphate par résorption accrue de l’os [9].
Il ne s’agit pas simplement d’un dépôt passif de cristaux d’hydroxyapatite en présence de taux élevés de calcium et phosphate circulant. La calcification de l’intima débute à la base des plaques de nécrose fibrolipidiques autour des vésicules apoptotiques de cellules musculaires lisses, et aboutit à la formation de lames osseuses de type endochondrales, associant une chondrogenèse préalable à une induction ostéoblastique. Les calcifications de la média sont de type intramembranaire, sans l’étape préalable de la chondrogenèse. La calcification des vaisseaux au cours de la maladie rénale chronique est donc un phénomène actif, faisant intervenir plusieurs étapes finement régulées [6, 9] :
MALNUTRITION INFLAMMATION ATHÉROSCLÉROSE (MIA) SYNDROME
La maladie rénale chronique est souvent associée à un état inflammatoire chronique : augmentation de cytokines proinflammatoires, de produits de glycation avancée, avec ou sans infection chronique documentée. Cette inflammation est encore aggravée au stade terminal par la bio-incompatibilité des membranes d’hémodialyse ou des solutions de dialyse péritonéale. Cette inflammation entraîne une dénutrition, par un effet anorexigène, une malabsorption et un catabolisme en particulier musculaire. L’hypoalbuminémie, reflet à la fois de l’inflammation et de la dénutrition, est un puissant facteur de risque cardiovasculaire et en particulier d’atteinte vasculaire périphérique chez les patients dialysés. L’inflammation et la dénutrition sont aussi associées aux calcifications valvulaires chez les dialysés. L’inflammation participe à la dysfonction endothéliale, au stress oxydant et à l’athérosclérose accélérée de la maladie rénale chronique [10].
Le poids de l’inflammation et de la malnutrition est tellement important qu’il masque l’effet de nombreux facteurs de risque conventionnels en dialyse, comme l’hyperlipidémie ou l’obésité. En effet, sur l’ensemble de la population des dialysés, la relation entre la mortalité et le LDL est une courbe en U. C’est-à-dire que plus le LDL baisse, plus paradoxalement les patients meurent en hémodialyse. À l’inverse, plus les patients sont obèses, plus ils survivent en hémodialyse. Il est maintenant bien démontré que ce phénomène décrit à tort comme une « épidémiologie inverse » spécifique de la maladie rénale chronique est en fait lié au puissant facteur de confusion de l’inflammation-dénutrition [11].
CAS PARTICULIER DE LA CALCIPHYLAXIE
Cette complication est caractérisée par une calcification rapidement extensive des artères de diamètre inférieur à 600 |m, aboutissant en l’absence de traitement à des nécroses cutanées douloureuses [12]. Il n’est pas clairement démontré que ces calciphylaxies surviennent chez les patients ayant les calcifications vasculaires les plus diffuses. Histologiquement, il s’agit d’une calcification de la média des artérioles associée à une prolifération intimale consécutive à une insolubilisation du phosphate de calcium en excès, qui ne serait pas gouvernée par un processus ostéogénique.
Rigidité vasculaire de l’insuffisance rénale chronique
RELATION STRUCTURE-FONCTION ET NOTION DE RIGIDITÉ ARTÉRIELLE
D’un point de vue anatomique, on distingue schématique- ment 2 types d’artères rénales :
Les déterminants de la pression artérielle et donc de la pression de perfusion rénale sont :
RIGIDITÉ ARTÉRIELLE ET INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE
La rigidité artérielle a été essentiellement étudiée chez les patients ayant une maladie rénale chronique au stade de la dialyse, démontrant l’importance de la rigidité artérielle dans cette population, et l’augmentation majeure de la mortalité globale et cardiovasculaire surtout pour les VOP (vélocités de l’onde de pouls) les plus élevées (> 12 m/s) [13, 14]. La VOP est un facteur de risque cardiovasculaire indépendant des facteurs de risque classiques chez les dialysés [15]. L’absence de baisse de la VOP sous traitement antihypertenseur prédit alors un risque accru de mortalité [16].
Chez les patients porteurs de maladie rénale chronique, il existe une corrélation positive entre rigidité artérielle et nombre de sites vasculaires calcifiés [17], et entre rigidité artérielle, scores de calcification vasculaire et mortalité [18]. Il existe également une corrélation positive entre les perturbations du métabolisme minéral du patient insuffisant rénal chronique, et les modifications structurales et fonctionnelles des artères. En effet, la VOP est négativement corrélée aux taux de 25-(OH)-D3 et 1,25-(OH)2-D3, suggérant que l’hypovitaminose D favorise l’artériosclérose des patients en insuffisance rénale terminale hémodialysés [19].
RIGIDITÉ ARTÉRIELLE ET TRANSPLANTATION RÉNALE
La rigidité artérielle est moindre en Tx rénale par rapport aux patients hémodialysés, mais reste plus élevée que dans des populations contrôles. Les principaux déterminants de cette rigidité artérielle en Tx sont la consommation active de tabac, la survenue de rejets aigus [20], et le niveau de fonction rénale du greffon [21]. De plus, l’âge du donneur impacterait le niveau de rigidité artérielle du receveur. En effet, la VOP est plus rapide chez les receveurs de « vieux » greffons que chez les receveurs de « jeunes » greffons [22].
Particularités du diagnostic des atteintes vasculaires périphériques de la maladie rénale chronique
La plupart de ces patients ont une présentation atypique. Seuls 10 à 33 % ont une claudication intermittente typique. Il faudra bien sûr rechercher des manifestations cutanées d’ischémie une disparition des pouls périphériques et une augmentation du temps de recoloration capillaire. Cependant la mesure de l’index de pression systolique entre la cheville et le bras reste l’élément déterminant du diagnostic. Au stade précoce de la maladie rénale chronique, un index inférieur à 0,9 permettra d’assurer le diagnostic. Toutefois, une calcification avancée de la média au stade d’insuffisance rénale terminale rend souvent les artères moins compressibles, donnant des index de pression systolique très élevés, supérieurs à 1,4, associés à un surrisque d’événements cardiovasculaires. Cependant, chez les patients ayant une maladie rénale chronique avancée, des calcifications importantes empêchent parfois l’occlusion des vaisseaux tibiaux même pour des pressions systoliques supérieures à 250 mmHg. Il faut alors faire appel à des techniques alternatives [5].
Différentes techniques d’imageries sont utilisables. L’artériographie conventionnelle, généralement numérisée, reste l’imagerie de référence, au prix de la morbidité habituelle de cette technique invasive. L’angioscanner spiralé multibarrette permet une imagerie généralement de bonne qualité, sans abord artériel, mais au prix d’une injection de produit de contraste iodé potentiellement néphrotoxique. Les artefacts produits par des calcifications vasculaires importantes nécessitent un traitement des images complémentaires par des équipes spécialisées. L’angiographie par résonance magnétique n’est pas artefactée par les calcifications vasculaires. Cependant, l’injection de gadolinium surtout linéaire d’ancienne génération, expose les patients ayant un DFG inférieur à 30 mL/min/1,73 m2 au risque de fibrose systémique néphrogénique parfois mortelle, et cette pratique doit être évitée depuis début 2007 selon une recommandation de l’Afssaps. Il semble en réalité que le risque soit faible, voir nul, avec les gadoliniums cycliques plus récents, mais un principe de précaution doit encore être respecté chez les patients ayant une insuffisance rénale sévère, surtout s’ils présentent un syndrome inflammatoire systémique.
Traitement
TRAITEMENTS HYPOLIPÉMIANTS
Les sous-groupes de patients ayant une maladie rénale chronique, avec DFG généralement entre 30 et 60 mL/min/ 1,73 m2, ont été étudiés dans les études ayant démontré une réduction de la morbimortalité cardiovasculaire avec les statines dans des populations générales. Chez les patients en prévention secondaire ou à haut risque coronarien, les trois principales études pravastatine contre placebo ont été groupées pour démontrer une réduction du risque coronarien et des événements cardiovasculaires au moins aussi important en cas de maladie rénale chronique [23]. Chez les sujets diabétiques ou athéromateux pas nécessairement hypercholestérolémiques de l’étude HPS, le sous-groupe des insuffisants rénaux a aussi présenté moins d’événements cardiovasculaires sous statine [24]. Chez les hypertendus sans hypercholestérolémie de ASCOT-LLA, les insuffisants rénaux semblent même plus bénéficier de la statine que les sujets sans insuffisance rénale [25].
Dans l’étude VA-HIT, un fibrate a été administré à des hommes coronariens ayant un HDL inférieur à 0,40 g/L et un LDL inférieur à 1,40 g/L. Le sous-groupe des patients ayant un DFG estimé entre 20 et 75 mL/min/1,73 m2 a eu une baisse de 6,1 % de leur risque coronarien absolu, avec un nombre de sujet à traiter de seulement 16 patients pendant 5 ans pour éviter 1 événement coronarien grave [26].
Les patients greffés sont des patients ayant une maladie rénale chronique avec des traitements immunosuppresseurs qui interfèrent avec le métabolisme en particulier lipidique. L’étude ALERT montre une baisse non significative sous statine du risque d’atteindre le critère primaire combiné « mort cardiaque, infarctus du myocarde ou revascularisation coronaire ». Cependant, le risque de présenter le critère secondaire « mort cardiaque ou infarctus du myocarde » est réduit sous statine de façon significative [27]. À la fin des 6 années de l’étude ALERT, les transplantés ont tous été mis sous statine, et un suivi ouvert a été poursuivi pour deux années supplémentaires. Après ce suivi total de 8 ans, il est observé une réduction des événements combinés du critère primaire dans le groupe recevant la statine depuis la randomisation, suggérant un délai pour observer la réduction du risque chez ces patients [28].
Les données sont moins favorables au stade de la dialyse. L’étude 4D a inclus 1 255 diabétiques dialysés prévalents. Une statine a permis une baisse du LDL d’environ 1,2 à 0,7 g/L, mais une baisse non significative de 8 % du critère primaire combiné « mort cardiovasculaire, infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral ». Il n’était observé qu’une baisse significative d’un critère secondaire « événements cardiaques » [29]. Plus récemment, l’étude AURORA a confirmé l’absence d’effet significatif d’une statine sur 2 776 dialysés prévalents sur le même critère combiné cardiovasculaire [30]. Plusieurs hypothèses sont avancées pour discuter l’absence d’effet apparent des statines sur le risque cardiovasculaire au stade de la dialyse. La première est que le critère combiné choisi n’est pas approprié, car ces patients font peu d’événements coronariens, et beaucoup de morts subites, de complications d’amputation sur artériopathie oblitérante des membres inférieurs et des ischémies mésentériques, non prises en compte dans ces études. Il est toutefois possible que l’athérosclérose calcifiée avancée de la maladie rénale chronique soit moins susceptible de régresser sous statine. En effet, le suivi prospectif de l’épaisseur intima média de la carotide sous statine montre une régression moindre chez les patients ayant une maladie rénale chronique [31]. D’autre part, le suivi des calcifications coronaires sous statine montre une poursuite de l’augmentation des scores en EBCT, seulement ralentie sous statine [32].
Une métarégression effectuée par le groupe COCHRANE sur l’ensemble des études avant la publication de AURORA concluait pourtant à l’intérêt de l’usage des statines, sans interaction du niveau de fonction rénale avec l’effet observé [33].
CONTRÔLE DES ANOMALIES DU BILAN PHOSPHOCALCIQUE
La normalisation des anomalies du métabolisme phosphocalcique observées au cours de la maladie rénale chronique ralentit le rythme de progression des calcifications vasculaires. Une régression des calcifications peut même être obtenue après parathyroïdectomie en cas d’hyperparathyroïdie réfractaire. Une controverse persiste cependant concernant la meilleure façon de contrôler l’hyperphosphatémie chez ces patients. Des études ont comparé l’évolution des calcifications coronaires avec des chélateurs du phosphore apportant du calcium (carbonate de calcium) et n’apportant pas de calcium (sevelamer). Dans l’étude Treat to Goal, le sevelamer diminuait le risque d’hypercalcémie et ralentissait significativement la progression des calcifications coronaires en EBCT par rapport au carbonate de calcium. Cependant, le sevelamer est une résine qui chélate non seulement le phosphore mais aussi le cholestérol, et dans cette étude, le LDL-cholestérol était abaissé de 1,02 à 0,65 mmol/L, comme avec une statine. Ces données ont été confirmées dans une autre population de dialysés dans l’étude RIND. Par contre, quand dans l’étude Care 2 le sevelamer a été comparé à l’acétate de calcium, mais que le LDL a été contrôlé par une statine en dessous de 0,7 g/L dans les deux groupes, il n’y avait plus de différence de progression des scores de calcifications coronaires entre les deux groupes [32]. Les chélateurs du phosphore non calcique n’ont pas démontré de bénéfice par rapport aux chélateurs calciques sur la mortalité cardiovasculaire [34].
Le rôle bénéfique ou délétère sur les vaisseaux des apports en vitamine D au cours de la maladie rénale chronique reste débattu. Une méta-analyse des études contrôlées montre que les apports de vitamines D n’ont pas démontré leur intérêt pour le contrôle des calcifications vasculaires dans la maladie rénale chronique [35]. Cependant, la correction d’un déficit en vitamine D native reste la règle, car une méta-analyse des études contrôlées montre que ce traitement semble avoir de nombreux effets bénéfiques, et entre autre, est associé à une diminution de la mortalité [36]. Même si les apports de calcitriol sont susceptibles de stimuler l’ostéogenèse vasculaire, ils semblent diminuer la mortalité cardiovasculaire dans des études de cohorte de patient ayant une maladie rénale chronique [37]. L’usage de dérivés de la vitamine D moins hypercalcémiant que le calcitriol semble associé à une diminution de la mortalité cardiovasculaire en dialyse [38].
Les calcimimétiques sont des agonistes des récepteurs sensibles au calcium, qui permettent une baisse de la PTH et de la calcémie, sans augmenter la phosphatémie des patients en dialyse. Des travaux expérimentaux suggèrent que les calcimimétiques pourraient avoir un effet direct sur les calcifications vasculaires en stimulant la production de MGP [39]. Il n’existe pas encore d’études contrôlées prospectives pour démontrer leur impact sur les calcifications vasculaires dans la maladie rénale chronique.
PRISE EN CHARGE NUTRITIONNELLE
Une dénutrition protéinoénergétique apparaît précocement au cours de la maladie rénale chronique. Les régimes hypoprotidiques aident au contrôle de l’hyperphosphatémie avant le stade de la dialyse, mais ils seront surveillés étroitement pour ne pas aggraver la dénutrition. Au stade de la dialyse, une prise en charge spécialisée s’impose [40].
Conclusion : Recommandations Pour La Pratique
Les atteintes vasculaires du patient insuffisant rénal chronique nécessitent en conséquence une prise en charge diagnostique et thérapeutique adaptée, le but étant de limiter ou réduire les atteintes vasculaires périphériques, mais aussi de diminuer le risque cardiovasculaire global.
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