Chapitre 28
Traumatismes du membre inférieur
Traumatismes du bassin (hors acétabulum et avulsions apophysaires)
Avulsions apophysaires du bassin
Luxations traumatiques de hanche
Fractures de l’extrémité proximale du fémur chez l’adulte
Fractures de l’extrémité proximale du fémur chez l’enfant et l’adolescent
Fractures de la diaphyse fémorale
Fractures de l’extrémité distale du fémur chez l’adulte
Fractures de l’extrémité distale du fémur chez l’enfant
Fractures de l’extrémité proximale du tibia chez l’adulte
Fractures de l’extrémité proximale du tibia chez l’enfant et l’adolescent
Fractures séparation de l’éminence intercondylaire
Fractures décollement épiphysaires
Fracture décollement de la tubérosité tibiale
Fractures de la cheville chez l’adulte
Fractures de la cheville chez l’enfant
Entorses et fractures luxation de l’articulation transverse du tarse (médiotarsienne de Chopart)
Entorses et fractures luxation de l’articulation tarsométatarsienne (de Lisfranc)
Entorses et luxations métatarsophalangiennes
Traumatismes du bassin (hors acétabulum et avulsions apophysaires)
L’anneau pelvien est une structure rigide, mise à part une très faible mobilité au niveau de la symphyse pubienne et des articulations sacro-iliaques. Par conséquent, une fracture de l’anneau déplacée de façon significative s’accompagne d’au moins une autre interruption de l’anneau. Les seules exceptions à cette règle sont les fractures survenant sur un os très fragilisé et celles qui surviennent chez les enfants. En effet, chez ces derniers, la présence de cartilages (en Y et ischiopubiens) et l’hyperlaxité ligamentaire physiologique à cet âge expliquent la déformabilité plus importante du bassin, notamment la possibilité de déformations plastiques [301, 318, 339].
Les traumatismes du bassin regroupent des lésions très diverses [335]. Les fractures avec déplacement sévère surviennent souvent dans un contexte traumatique à forte énergie, chez un jeune polytraumatisé. Elles sont graves en raison des complications qu’elles engendrent (notamment vasculaires, urologiques et neurologiques) et des lésions associées, notamment thoracoabdominales. La fracture du bassin passe souvent au second plan, la douleur pelvienne étant moins importante que celle des lésions associées. L’examen clinique peut permettre la mise en évidence d’une asymétrie des ailes iliaques, d’une rotation d’un hémibassin ou d’un raccourcissement significatif d’un membre inférieur (parfois masqué par une fracture fémorale associée). Un écart interpubien anormal peut être décelé. L’inspection cutanée peut objectiver des hématomes ainsi que des abrasions plus ou moins profondes. Les fractures simples non ou peu déplacées s’observent essentiellement chez la femme âgée lors d’un traumatisme de faible énergie [335].
Mécanismes lésionnels
Le bassin peut être lésé à la suite d’un choc direct ou d’une contraction musculaire violente entraînant un arrachement osseux. Trois mécanismes lésionnels de rupture de l’anneau pelvien ont été décrits (fig. 28.1) [258, 368].
Fig. 28.1 Principaux mécanismes lésionnels des traumatismes du bassin.
Rotation latérale qui entraîne une lésion en « open book » dans le plan horizontal (ici une disjonction de la symphyse pubienne et de l’articulation sacro-iliaque droite) ; rotation médiale qui entraîne un mouvement de rotation interne avec chevauchement des pièces osseuses dans le plan horizontal (ici une fracture des branches ilio et ischiopubiennes droites et une disjonction sacro-iliaque droite) ; cisaillement vertical lors d’un impact sur l’un ou les deux membres inférieurs (ici une disjonction de la symphyse pubienne et de l’articulation sacro-iliaque droite).
Classifications
Letournel [208] a décrit cinq traits fondamentaux pouvant être complets ou incomplets, purs ou associés entre eux. Ces traits fondamentaux sont à la base de la compréhension des lésions. Ces traits peuvent être antérieurs, situés sur la symphyse pubienne ou le cadre obturateur, ou postérieurs, transiliaques, trans-sacrés ou situés sur l’articulation sacro-iliaque.
De multiples classifications basées sur la topographie des lésions ou sur leur stabilité ont été proposées [49, 336]. Schématiquement, on différencie les lésions stables des lésions instables [52, 260, 336].
Lésions stables
Ces lésions n’interrompent pas la continuité osseuse ou ligamentaire de l’anneau pelvien (fig. 28.2). Elles comprennent :
Fig. 28.2 Classification des lésions stables (absence d’interruption de la continuité osseuse ou ligamentaire de l’anneau pelvien) et instables (interruption) du bassin.
SI : sacro-iliaque.
les avulsions osseuses, qui s’observent le plus souvent à la fin de l’adolescence (cf. page 948) ;
les fractures verticales isolées de l’aile iliaque ;
les fractures verticales uni ou bilatérales isolées de l’arc antérieur ;
les fractures non déplacées ou transversales déplacées du sacrum, et les lésions sacrococcygiennes (fractures ou luxations) (cf. page 936).
Lésions instables
Ces lésions, bifocales et complexes, interrompent la continuité de l’anneau pelvien (fig. 28.2 à 28.6). Elles comprennent :
Fig. 28.3 Lésion instable du bassin avec fractures des branches ilio et ischiopubienne gauches (flèches) associées à une fracture sagittale de l’aileron sacré et de la partie postérieure de l’aile iliaque gauches (têtes de flèches).
Fig. 28.4 Lésion instable du bassin avec disjonction de la symphyse pubienne et des articulations sacro-iliaques (flèches) en radiographie (a) et scanner (b).
Fig. 28.5 Lésion instable du bassin avec fracture transversale des colonnes antérieure et postérieure droites (flèche), fracture verticale droite du sacrum (têtes de flèches), disjonction sacro-iliaque droite et fracture des branches ilio et ischiopubiennes gauches.
Fig. 28.6 Lésion instable du bassin résultant d’un mécanisme de cisaillement (reconstruction 3D).
Il existe une disjonction sacro-iliaque bilatérale (flèches) et une disjonction de la symphyse pubienne (tête de flèche).
les ruptures complètes d’un arc postérieur (disjonction sacro-iliaque, fracture sacrée verticale ou fracture alaire iliaque postérieure) associées à une rupture ipsilatérale de l’arc antérieur (disjonction pubienne, fracture verticale antérieure, fracture disjonction, etc.) ;
les ruptures complètes d’un arc postérieur associées à une rupture controlatérale de l’arc antérieur ;
les ruptures bilatérales des arcs antérieurs et/ou postérieurs.
Imagerie
Elle repose initialement sur les radiographies, sauf chez le polytraumatisé où elle est désormais remplacée d’emblée par le scanner [20, 137]. Une étude récente [333] a d’ailleurs rapporté le manque de fiabilité des radiographies pour différencier une lésion stable d’une lésion instable de l’anneau pelvien.
Radiographies
Le bilan standard comporte une à trois incidences simples à réaliser [335] :
le cliché de bassin de face permet de rechercher une disjonction sacro-iliaque ou de la symphyse pubienne, une fracture des branches ilio et ischiopubiennes, de l’aile iliaque, des processus transverses de L4 et L5 et une avulsion du bord inférolatéral du sacrum ou de l’épine ischiatique (avulsion ligamentaire). Ces lésions traduisent un mécanisme lésionnel par cisaillement. Les lésions du sacrum sont mal visualisées sur ce cliché ;
le cliché oblique descendant permet de rechercher une fracture des ailes iliaques avec parfois irradiation à l’articulation sacro-iliaque ou à l’acétabulum, et un déplacement antéropostérieur et rotatoire de chaque hémibassin ;
le cliché oblique ascendant permet de rechercher une lésion de l’arc antérieur et un déplacement vertical de l’anneau pelvien.
Tomodensitométrie
C’est l’examen de choix pour l’analyse des fractures et de leur déplacement [20, 137, 335]. Les reconstructions 2D et 3D, désormais réalisées en routine, permettent d’apprécier le caractère stable ou non des lésions (cf. fig. 28.2) et de guider la prise en charge thérapeutique (fig. 28.3, 28.4 et 28.6). Cet examen permet, en outre, la recherche des complications associées.
Complications
les complications vasculaires. Des plaies aorto-iliaques, iliocaves ou de leurs ramifications peuvent être responsables d’une instabilité hémodynamique et du décès des patients. Ces vaisseaux peuvent être comprimés ou cisaillés par un fragment osseux lors d’un mécanisme en rotation médiale, ou étirés lors d’un mécanisme en rotation latérale ou de cisaillement. Le pédicule artérioveineux iliaque interne peut également faire l’objet d’un effet « coupe-cigares » entre le bord inférieur de l’articulation sacro-iliaque et la grande incisure ischiatique. Une injection de produit de contraste iodé s’avère indispensable pour la détection de ces lésions vasculaires. Celles-ci peuvent être traitées par embolisation endovasculaire [18] ;
les complications urologiques, essentiellement vésicales et urétrales [369]. Elles s’observent surtout dans les ruptures instables, notamment en cas de fracture des quatre branches ilio et ischiopubiennes et dans les grandes disjonctions symphysaires ;
les complications neurologiques. Elles peuvent survenir par embrochage osseux, par étirement ou par compression. Le tronc lombosacré est particulièrement exposé du fait de sa proximité avec l’aile iliaque et l’articulation sacro-iliaque, avec notamment une incarcération possible dans les fractures de l’aileron sacré. Les complications neurologiques se rencontrent essentiellement dans les fractures instables très déplacées [286] ;
les complications cutanées. L’ouverture cutanée périnéale assombrit le pronostic. Sa prise en charge rapide améliore significativement les résultats thérapeutiques [34] ;
les complications générales. On citera notamment les thrombophlébites et les embolies graisseuses ;
les complications orthopédiques. Il peut s’agir de cals vicieux perturbant la mobilité de la hanche (inégalité de longueur des membres, saillie de l’ischium rendant impossible la position assise, etc.), d’une dystocie dans les fractures instables fixées en rotation médiale (non ou mal réduites), de douleurs persistantes en raison d’une pseudarthrose de l’aile iliaque ou sacrée, d’une arthrose post-traumatique de l’articulation sacro-iliaque par défaut de réduction, ou en raison d’une avulsion ou d’une contusion ostéocartilagineuse [34].
Traitement
Traitement chirurgical
En cas de lésions de l’arc antérieur à haut risque septique (plaie périnéale) ou avec une instabilité hémodynamique majeure, un fixateur externe ou un clamp à bassin est utilisé. Il permet de réduire et fixer partiellement l’anneau pelvien en urgence pour obtenir un certain degré d’hémostase. En cas de déplacement osseux important, l’ostéosynthèse interne est utilisée pour fixer l’arc antérieur et/ou postérieur. Les lésions antérieures sont stabilisées par plaque vissée. Les vissages simples (doubles plutôt que simples) stabilisent les lésions postérieures. Ils s’adressent aux disjonctions pures, mixtes et à certaines fractures du sacrum. Pour un positionnement mécaniquement optimal des vis et pour diminuer le risque de lésion nerveuse iatrogène, ils sont au mieux réalisés sous contrôle scanner. Il existe également des montages intéressant le rachis en cas de fracture lombaire associée, ainsi que des montages antérieurs (disjonctions symphysaires et fractures du cadre obturateur). Les ostéosynthèses se conçoivent dans un schéma global de fixation [34, 36]. La décision dépend des circonstances traumatiques et des écoles.
Avulsions apophysaires du bassin
Les fractures par avulsion sont considérées à tort comme des lésions peu fréquentes car elles sont souvent méconnues [284]. Elles s’observent essentiellement chez l’enfant et l’adolescent sportifs et affectent les apophyses qui sont le siège d’insertions tendineuses de muscles puissants (fig. 28.7). Ces apophyses sont des noyaux d’ossification secondaires constitués de cartilage sur lesquels viennent s’insérer un ou plusieurs tendons ou ligaments. Elles apparaissent vers 10–12 ans, s’ossifient plus tardivement et fusionnent vers 20–25 ans. Chez les enfants, adolescents et adultes jeunes avant la maturation apophysaire complète (postérieure à la fusion radiologique), les ligaments et les tendons sont plus solides que les os [92].
Les avulsions apophysaires relèvent d’un mécanisme aigu violent et sont généralement comminutives. En l’absence de contexte traumatique franc ou chez un adulte d’âge moyen, on se méfiera d’une lésion ostéolytique sous-jacente fragilisant l’os (métastase, lymphome, etc.). On signalera la possibilité de fractures de l’épine iliaque antérosupérieure après biopsie ostéomédullaire de la crête iliaque [158].
Physiopathologie
L’avulsion d’une apophyse est généralement secondaire à l’étirement brutal d’un muscle incomplètement décontracté (tableau 28.1) [178, 284, 372]. Le bassin est le site de prédilection des avulsions apophysaires. Les noyaux d’ossification les plus exposés sont la tubérosité ischiatique (51 %) et les épines iliaques antérosupérieure (22 %) et antéro-inférieure (19 %) [284]. Le pubis et la crête iliaque peuvent également être parfois affectés.
Tableau 28.1
Principaux sièges d’avulsion apophysaire au bassin.
Localisation | Insertion tendineuse | Mécanisme lésionnel ou sport favorisant |
Tubérosité ischiatique | Muscles ischiojambiers | Gymnastique, football, ski nautique, danse, saut, course de haies |
Épine iliaque antéro- inférieure | Muscle droit fémoral | Shoot contré au football, tennis, athlétisme (course) |
Épine iliaque antérosupérieure | Muscles tenseur du fascia lata et sartorius | Sprint, démarrage brutal d’une course, football, gymnastique |
Crête iliaque | Muscle transverse de l’abdomen, muscles obliques externe et interne de l’abdomen | Inclinaison latérale du tronc : football, gymnastique, course, saut, tennis |
Branche ischiatique | Muscles adducteurs | Adduction contrariée : ski nautique, football, escrime |
L’avulsion de l’épine iliaque antérosupérieure, sur laquelle s’insèrent les muscles sartorius et tenseur du fascia lata, est habituellement provoquée par une extension de la hanche, en particulier chez le footballeur, le sprinter ou le sauteur en longueur. D’autres sports ont été incriminés comme le tennis, l’escrime et le basket-ball [284]. Les avulsions de l’épine iliaque antéro-inférieure, sur laquelle s’insère le tendon direct du muscle droit fémoral, sont habituellement secondaires à une hyperextension forcée. Les sports le plus souvent incriminés sont le football (shoot puissant ou « shoot dans le vide »), l’athlétisme, le tennis, la gymnastique, la lutte et l’escrime. L’avulsion complète du noyau apophysaire de la crête iliaque, sur lequel s’insèrent les muscles abdominaux, est rare et survient classiquement de manière aiguë en cas de changement brutal de direction lors de la course ou de manière subaiguë chez les marathoniens [92]. Les avulsions de la branche ischiopubienne à proximité de la symphyse pubienne, sur laquelle s’insèrent les muscles long et court adducteurs, peuvent provenir de mouvements d’adduction forcée brutaux ou répétés.
Le risque d’avulsion est majoré par les microtraumatismes répétés, qui fragilisent l’apophyse lors des entraînements [284]. L’association simultanée de plusieurs avulsions osseuses est possible (tubérosité ischiatique et épine iliaque antéro-inférieure, atteinte bilatérale des tubérosités ischiatiques), parfois à des stades évolutifs différents [284, 326].
Clinique
Le tableau inaugural, survenant au cours d’une chute, d’un saut ou d’un étirement brutal, est habituellement bruyant avec des signes locaux de fracture, une impotence fonctionnelle immédiate et une douleur parfois syncopale. Lorsque la douleur initiale est peu marquée, le patient peut consulter plus tardivement, parfois à l’occasion d’un nouvel accident aigu. Une masse indolore sans signe inflammatoire local cutané est alors parfois palpée, pouvant faire craindre une lésion tumorale maligne [278].
En cas d’avulsion de la tubérosité ischiatique, la douleur est localisée dans la fesse et le patient boîte ou peut ne pas marcher. Une sciatalgie est possible quand le fragment osseux arraché entre en conflit avec le nerf sciatique [326]. En cas d’avulsion de l’épine iliaque antérosupérieure ou antéro-inférieure, la douleur et l’impotence fonctionnelle sont moins intenses. Dans certains cas, l’épine iliaque antérosupérieure avulsée peut être palpée. L’avulsion aiguë de la région pubienne est rare car elle est plutôt le siège de lésions chroniques. La douleur est inguinale et l’atteinte musculaire précise est difficile à mettre en évidence par l’examen clinique. L’avulsion aiguë de la crête iliaque est également rare, de même que son atteinte chronique, parfois rencontrée chez les coureurs de fond.
Imagerie
Lésions aiguës
Le bilan radiographique peut confirmer le diagnostic en objectivant un fragment osseux typiquement curviligne, bien limité sauf du côté de l’avulsion, souvent peu déplacé (moins de 1 cm), situé en regard de son site d’origine (fig. 28.8). En cas de fracture non déplacée, des incidences tangentielles ou des clichés comparatifs complémentaires peuvent s’avérer nécessaires. Ainsi, l’avulsion de l’épine iliaque antéro-inférieure n’est parfois visible que sur une incidence oblique (fig. 28.8). Concernant les lésions de la région symphysaire, on insistera sur le fait que les radiographies ne montrent généralement pas d’arrachement osseux mais une irrégularité du pubis [92].
Fig. 28.8 Avulsions apophysaires ischiatique (flèche) (a), de l’épine iliaque antéro-inférieure (flèche) (incidence oblique) (b), et de la partie antérieure de la crête iliaque (flèche) et de l’épine iliaque antérosupérieure (tête de flèche) (c).
L’échographie est très contributive (fig. 28.9), en particulier si le fragment avulsé est purement cartilagineux, et par conséquent méconnu par le cliché standard. Dans la plupart des cas, les autres méthodes d’imagerie ne sont pas nécessaires. Le scanner montrerait aisément le fragment avulsé (fig. 28.10) et l’IRM révélerait une anomalie de signal de l’os et des tissus mous au niveau du site traumatisé.
Fig. 28.9 Avulsion de l’épine iliaque antéro-inférieure (EIAI) (flèche) : coupes échographiques sagittale (a) et axiale (coupe sus-jacente au fragment avulsé) (b).
Lésions subaiguës
Le scanner et l’IRM sont également inquiétants avec la présence d’une lésion juxtaosseuse calcifiée et irrégulière. La biopsie ne peut alors parfois pas être évitée, permettant de rectifier le diagnostic quand l’examen histologique conclut à un phénomène réactionnel, mais l’analyse anatomopathologique peut également être en difficulté [277]. La corrélation des données cliniques, de l’anamnèse et de l’imagerie est fondamentale pour éviter le recours à cette biopsie et proposer un simple suivi radiographique qui confirmera définitivement le diagnostic en objectivant une maturation osseuse du fragment avulsé. Celui-ci reste parfois en continuité avec l’os adjacent, notamment à la tubérosité ischiatique, à l’origine d’un pseudo-ostéochondrome sessile (il n’est pas recouvert d’une coiffe cartilagineuse).
Traitement
Chez l’adolescent, le traitement est le plus souvent médical avec repos strict au lit jusqu’à la disparition des douleurs, puis décharge, voire immobilisation temporaire du membre pendant 3 semaines. La consolidation est habituelle en 5 à 6 semaines. La reprise du sport doit être progressive. Le traitement chirurgical est proposé si le déplacement est important (plus de deux ou trois centimètres selon les auteurs) [2, 193, 354, 367], si le patient doit bénéficier d’un temps de convalescence court (sportif) et en cas de pseudarthrose. La guérison est habituellement plus rapide pour les avulsions des épines iliaques antérosupérieure et antéro-inférieure que pour celles de la tubérosité ischiatique [326]. En cas de métastase sous-jacente, le traitement est d’emblée chirurgical par fixation interne prophylactique.
Complications
d’un pseudo-ostéochondrome en cas de traitement orthopédique ou de lésion négligée. Il peut nécessiter un traitement chirurgical en cas de conflit avec les structures adjacentes (nerf sciatique notamment) ou lorsqu’il est responsable d’une diminution de la mobilité articulaire [231] ;
d’ossifications exubérantes dans les tissus mous adjacents [278] ;
d’une pseudarthrose qui peut être indolore (fig. 28.11) ;
Fig. 28.11 Séquelle d’avulsion apophysaire ischiatique avec pseudarthrose.
Notez les contours parfaitement corticalisés du fragment osseux (flèche).
d’une complication de la chirurgie (lésion nerveuse, infection, passage intra-articulaire de la vis, hémorragie) [231].
Fractures de l’acétabulum
L’acétabulum constitue une véritable zone de transmission des forces de contrainte mécanique entre le rachis lombaire (via le sacrum et l’articulation sacro-iliaque) et la tête fémorale. De par sa situation anatomique, il est particulièrement exposé aux traumatismes, notamment lors d’accidents de la voie publique et de chutes, la tête fémorale venant buter contre l’acétabulum [197]. Les lésions traumatiques de l’acétabulum se distinguent de celles de l’anneau pelvien par leur pronostic. Alors que les traumatismes du bassin compromettent le pronostic vital (risque de lésion vasculaire), le pronostic des lésions de l’acétabulum est fonctionnel, d’où la nécessité d’une prise en charge précoce et d’une restitution ad integrum des surfaces articulaires coxofémorales.
Rappels anatomiques
L’acétabulum est situé à la jonction des trois branches du cartilage en Y, au-dessus du foramen obturé. Il constitue une véritable excavation de l’os coxal qui s’articule avec la tête fémorale. Sa surface articulaire, la surface semi-lunaire, a une forme de croissant avec deux cornes antérieure et postérieure qui surplombent le foramen obturé ; elle circonscrit la fosse acétabulaire qu’occupe le ligament de la tête fémorale. En forme de sphère ouverte vers le bas, le dehors et l’avant, la cavité acétabulaire est située entre les branches d’un Y renversé, constitué d’une colonne antérieure iliopubienne et d’une colonne postérieure ilio-ischiatique (fig. 28.12). Entre les deux colonnes se situe une zone appelée no man’s land. Les fractures de l’une ou l’autre de ces colonnes peuvent indifféremment atteindre cette zone.