Chapitre 28 Grossesses gémellaires
Introduction
Le taux de grossesse gémellaire (GG) est de 16 pour 1 000 grossesses en France. Il a presque doublé avec l’apparition de l’assistance médicale à la procréation (AMP) il y a 40 ans. La chorionicité doit être diagnostiquée par le nombre de sacs gestationnels entre 7 et 10 semaines d’aménorrhée (SA) et par le signe du lambda entre 11 et 14 semaines. Les grossesses gémellaires ont une morbidité et une mortalité périnatale élevées, et le risque de malformations fœtales y est presque deux fois plus élevé que dans les grossesses simples.
Zygocité, chorionicité et amnionicité
Le diagnostic de chorionicité conditionne la surveillance et la prise en charge des grossesses gémellaires, qui sont toutes des grossesses à risque, même si le syndrome transfuseur-transfusé n’existe que pour les grossesses monochoriales.
Il est tout d’abord nécessaire de connaître la différence entre zygocité, chorionicité et amnionicité :
Une grossesse monoamniotique est donc monochoriale et monozygote. Une grossesse bichoriale est toujours biamniotique. Une grossesse monozygote peut être monochoriale ou bichoriale (vidéo 28.1).
La grossesse monochoriale est définie par l’existence d’un seul placenta pour les deux fœtus. Dans la grossesse bichoriale, il existe deux placentas qui peuvent être séparés ou fusionnés.
S’agissant des grossesses monozygotes, lorsque la division embryonnaire a eu lieu dans les trois premiers jours, la grossesse est bichoriale. Lorsque la division a eu lieu entre le 4e et le 8e jour de la conception, la grossesse est monochoriale biamniotique. Après le 8e jour et avant le 13e jour, elle est monochoriale et monoamniotique. Entre le 13e et le 16e jour, la division, exceptionnelle, aboutit à des jumeaux conjoints (figure 28.1).
La grossesse monozygote représente un tiers des grossesses gémellaires, qui sont le plus souvent bichoriales. Les grossesses bichoriales sont 9 fois sur 10 dizygotes.
À l’échographie, contrairement à la chorionicité, la zygocité ne s’approche que par le sexe fœtal. Si l’embryon s’est séparé en deux avant l’implantation, la grossesse est monozygote mais deux implantations différentes ont lieu dans la cavité utérine, aboutissant à une grossesse bichoriale. Dans la grossesse monozygote, les deux jumeaux ont un patrimoine génétique identique. Dans la grossesse dizygote, il est différent.
La détermination de la chorionicité est importante en raison d’une morbidité et d’une mortalité plus élevées liées aux grossesses monochoriales.
Pour aller plus loin
En effet, l’existence d’anastomose entre les deux territoires placentaires des grossesses monochoriales peut aboutir à :
• un syndrome transfuseur-transfusé (STT) ;
• une séquence TAPS (Twin Anemia-Polycythemia Sequence), où un des fœtus est anémique et l’autre polcythémique ;
• une séquence TRAP (Twin Reverse Arterial Perfusion), où la grossesse gémellaire est constituée d’un jumeau et d’une tumeur, appelé jumeau acardiaque. Ce jumeau acardiaque est perfusé passivement par une anastomose artérielle qui peut entraîner des complications chez le jumeau sain ;
• un risque lésionnel ou létal en cas de décès in utero d’un des deux jumeaux.
Par ailleurs, les malformations fœtales sont également plus fréquentes dans les grossesses monochoriales. Enfin, le taux de prématurité est plus élevé.
L’aptitude à identifier la chorionicité diminue avec le terme de grossesse. Il reste pourtant supérieur à 90 % au 3e trimestre.
Premier trimestre
Diagnostic de grossesse gémellaire
Avant 6 SA, le diagnostic est difficile en raison de la présence de glandes kystiques de l’endomètre parfois volumineuses. La grossesse comporte certes un halo hyperéchogène autour de la petite image kystique mais il ne permet pas toujours d’affirmer le diagnostic.
Diagnostic de chorionicité
Le diagnostic de chorionicité ne présente pas de difficulté particulière au premier trimestre. Entre 6 et 9 SA, il faut compter le nombre de sacs gestationnels. La grossesse monochoriale ne contient qu’un seul sac avec deux embryons, chacun ayant une activité cardiaque ; la membrane inter-amniotique est rarement bien visualisée. Dans la grossesse bichoriale, deux sacs gestationnels situés à deux endroits différents de la cavité utérine sont bien visibles avec chacun un embryon ayant une activité cardiaque. Dans ce dernier cas, les sacs viennent à la rencontre l’un de l’autre pour former le signe du lambda.
À partir de 9 SA, le signe du lambda est recherché. Il s’agit d’un triangle à base placentaire qui correspond à un reliquat trophoblastique entre les deux feuillets amniotiques. Il a l’échogénicité du placenta. Il peut être hypoéchogène quand les masses placentaires sont bien séparées. Sa pointe est le départ de la membrane inter-amniotique, celle-ci est formée de la membrane amniotique des deux fœtus et de leur membrane choriale. Il est spécifique de la grossesse bichoriale (schémas et figures 28.2A, B, 28.3A, B et 28.4A, B, C), (vidéos 28.2 et 2.3).


Figure 28.2 A. Grossesse monochoriale biamniotique à 7 SA. Les vésicules vitellines () sont visibles dans le cœlome externe. La membrane inter-amniotique est fine (
). B. Grossesse monochoriale biamniotique à 13 SA par voie abdominale. La cœlome externe est encore visible (
) ; la membrane amniotique n’est pas encore accolée au chorion ; la membrane interamniotique est fine (
).


Figure 28.3 A. Grossesse gémellaire bichoriale biamniotique à 11 SA par voir abdominale. Avec le signe du lambda hyperéchogène () et hypoéchogène (
). B. Grossesse monochoriale biamniotique à 13 SA par voie abdominale : le cœlome externe est encore visible (
) ; la membrane amniotique n’est pas encore accolée au chorion ; la membrane interamniotique est fine (
).



Figure 28.4 A. Grossesse triple trichoriale triamniotique () ; signe du lambda hypoéchogène (
) par voie abdominale. B. Grossesse monochoriale biamniotique à 12 SA par voie abdominale ; la membrane interamniotique est fine (
) et se raccorde en T à la paroi (
). C. Grossesse triple bichoriale triamniotique ; la grossesse monochoriale se situe au-dessus avec ses 2 vésicules vitellines (
) ; 3 embryons visibles (
) ; signe du lambda (
).
Lors d’une grossesse monochoriale biamniotique, la membrane amniotique de chacun des deux fœtus se raccorde à 14 SA sur la paroi utérine en T au niveau de la plaque choriale avec la résorption du cœlome externe. Ce dernier peut apparaître, au premier trimestre, à la base, comme un petit triangle anéchogène qui ne doit pas être confondu avec le signe du lambda (figure 28.5). Le diagnostic est aisé si cette image anéchogène peut être mise en continuité avec le cœlome externe.


Figure 28.5 A, B. Placenta de grossesse bichoriale (signe du lambda) et monochoriale où le cœlome externe se résorbe et disparaît.
La membrane inter-amniotique n’est pas toujours bien visible à l’échographie, notamment par voie abdominale. Pour autant, il ne faut pas conclure à une grossesse monochoriale monoamniotique avant d’avoir répété l’examen et l’avoir réalisé, si nécessaire, par voie vaginale. Ainsi au premier trimestre, toute grossesse monochoriale monoamniotique est biamniotique jusqu’à preuve du contraire.
Le diagnostic de chorionicité est un test de routine au premier trimestre de la grossesse. Ce renseignement doit figurer très clairement dans le compte rendu échographique accompagné d’un cliché qui illustre le diagnostic.
Jumeau évanescent et biométrie
Il est fréquent – 20 % des cas pour certains – de voir évoluer une grossesse gémellaire à ce terme vers une grossesse simple. L’image qui en résulte est à différencier d’hématomes sous-choriaux. À l’échographie de 12 semaines, il convient d’identifier le jumeau évanescent et de le signaler dans le compte rendu si la patiente souhaite faire le dépistage sérique des aneuploïdies. En effet, le biologiste doit en tenir compte, le trophoblaste pouvant encore sécréter encore de l’HCG, rendant le résultat difficile à interpréter.
Il est recommandé de dater la grossesse sur le plus petit des deux jumeaux.
La différence de croissance entre les jumeaux est fréquente. Au-delà de 15 %, cette différence doit faire évoquer une anomalie fœtale comme une aneuploïdie.

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