Chapitre 27
Traumatismes du rachis et de la paroi thoracique
Traumatismes du rachis cervical
Imagerie du rachis cervical traumatique
Stratégie diagnostique en urgence
Lésions traumatiques du rachis cervical supérieur (C0-C2)
Traumatismes du rachis thoracolombaire
Traumatismes sacrés et coccygiens
Traumatismes de la paroi thoracique
Traumatismes du rachis cervical
Les lésions traumatiques du rachis cervical sont fréquentes et potentiellement graves. Elles sont multiples dans 25 à 30 % des cas [59], ce qui justifie l’exploration du rachis cervical dans sa totalité. Elles s’observent chez 2 à 3 % des patients polytraumatisés [68]. Inversement, environ 5 % des traumatisés crâniens présentent une lésion du rachis cervical, cette fréquence atteignant 45 % en cas de traumatisme crânien grave.
Rappels anatomiques
Structures osseuses : anatomie et développement
Atlas (C1)
Chez l’enfant, l’atlas est composé de trois centres d’ossification [46, 125] : un centre antérieur et médian (l’arc antérieur) encadré par deux arcs symétriques (les arcs neuraux), ces trois pièces étant reliées par trois synchondroses (deux antérieures symétriques, une postérieure médiane) fermant l’arc neural (fig. 27.1).
L’arc antérieur n’est pas toujours ossifié à la naissance ; il n’est visible en radiographie que chez 20 % des nouveau-nés. Il apparaît généralement entre 9 et 12 mois. L’arc postérieur se ferme vers 3 ans et les deux synchondroses antérieures ne fusionnent que vers 7 ans (fig. 27.1) [53, 128].
Axis (C2)
Chez l’enfant, La vertèbre C2 ou axis est formée par cinq centres d’ossification primaires mais à la naissance, seuls quatre d’entre eux sont identifiables car les deux centres correspondant au processus odontoïde ont fusionné in utero. Un défaut de fusion à ce niveau peut être confondu avec une fracture longitudinale mais cette dernière est rarissime. Un liseré d’ostéosclérose vertical témoignant de la fusion de la synchondrose séparant la dent en deux peut persister.
Vers 3–6 ans, un troisième centre secondaire apparaît à l’apex du processus odontoïde (ossiculum terminale) et fusionne avec ce dernier vers l’âge de 12 ans (fig. 27.1). Il ne faut pas confondre l’ossiculum terminale avec l’os odontoïdeum, longtemps considéré comme une anomalie congénitale mais qui correspond probablement à la pseudarthrose d’une fracture de l’odontoïde passée inaperçue (cf. page 910) [60, 149]. Le corps de C2 fusionne avec le processus odontoïde vers l’âge de 3–6 ans (fig. 27.1). Cette ligne de fusion (ou synchondrose sous-odontoïdienne ou dentocentrale) peut être visible jusqu’à l’âge de 11 ans et être interprétée à tort pour une fracture du processus odontoïde de type III (cf. page 910). Les arcs neuraux fusionnent entre eux vers l’âge de 2–3 ans et avec le corps vers 3–6 ans.
C3 à C6
Chez l’enfant, ces vertèbres présentent trois centres d’ossification : un pour le corps et un pour chaque arc neural (fig. 27.2) [125]. Les arcs neuraux fusionnent entre eux vers l’âge de 2–7 ans [53] et avec le corps vertébral vers 3–6 ans. Jusqu’à l’âge de 7 ans, on peut donc retrouver sur le cliché de face un faux aspect de spina-bifida [125] et sur le cliché de profil une bande claire séparant la partie postérieure des corps vertébraux de l’arc postérieur. Les uncus commencent à s’ériger de la partie latérale des corps vertébraux à partir de l’âge de 9–10 ans. Ce ne sont pas des points d’ossification distincts mais des excroissances verticales issues d’un corps vertébral déjà ossifié.
Des centres d’ossification secondaires apparaissent plus tardivement (fig. 27.2) :
à la périphérie des plateaux vertébraux. Il s’agit de structures cartilagineuses annulaires circonférentielles : les listels marginaux supérieur et inférieur. Ceux-ci commencent à se calcifier à partir de l’âge de 6 ans et à s’ossifier au début de l’adolescence. Ils fusionnent complètement avec le corps vertébral entre 18 et 25 ans. Ils peuvent cependant ne pas fusionner et il ne faudra pas les confondre avec des arrachements osseux. Leur caractère bien corticalisé permettra de les reconnaître ;
à l’extrémité des processus transverses et épineux (apparition vers la puberté, fusion vers 25 ans).
Disques intervertébraux et structures ligamentaires
Disques intervertébraux
À l’étage cervical, l’anneau fibreux de la partie antérieure du disque est très épais mais à sa partie postérieure, il n’est représenté que par un très fin faisceau de fibres verticales, quasiment absent en regard des uncus [17]. Les disques sont également plus hauts à l’avant qu’à l’arrière, ce qui contribue à la lordose cervicale [103].
Structures ligamentaires
Les articulations occipito-atloïdiennes et atlanto-axoïdiennes sont renforcées par un complexe ligamentaire puissant comprenant, d’avant en arrière (fig. 27.3) :
Fig. 27.3 Schéma de profil et de face des structures ligamentaires du rachis cervical supérieur.
1 : membrane atlanto-occipitale antérieure ; 2 : ligament longitudinal antérieur ; 3 : ligament apical du processus odontoïde ; 4 : ligament alaire ; 5 : faisceau longitudinal du ligament cruciforme de l’atlas ; 6 : ligament transverse (faisceau transversal du ligament cruciforme de l’atlas) ; 7 : membrane tectoriale ; 8 : ligament longitudinal postérieur ; 9 : membrane atlanto-occipitale postérieure ; 10 : ligament jaune ; 11 : ligament interépineux.
la membrane atlanto-occipitale antérieure, située entre la partie basilaire de l’occiput et l’arc antérieur de C1 où elle se poursuit par le ligament longitudinal antérieur ;
le ligament apical du processus odontoïde, tendu entre le bord antérieur du foramen magnum et l’apex du processus odontoïde ;
les ligaments alaires, de topographie plus latérale que le précédent, situés entre le bord inféromédial des condyles occipitaux et les faces latérales du processus odontoïde. Ils mesurent entre 5 et 6 mm d’épaisseur et sont plus résistants que le précédent [88] ;
le ligament cruciforme de l’atlas, composé du ligament transverse (qui unit les deux masses latérales de C2) et d’un faisceau longitudinal (tendu du bord antérieur du foramen magnum à la face postérieure du corps de C2). Ce dernier se poursuit par le feuillet profond du ligament longitudinal postérieur ;
la membrane tectoriale, ligament large et plat possédant un faisceau moyen et deux faisceaux latéraux, d’où son autre nom de ligament en Y. Ce ligament s’étend du clivus à la face postérieure du corps de C2 où il se poursuit par le feuillet superficiel du ligament longitudinal postérieur ;
les capsules articulaires C0-C1 et C1-C2 ;
la membrane atlanto-occipitale postérieure, située entre le bord postérieur du foramen magnum et le bord supérieur de l’arc postérieur de C1. Elle est percée à sa partie latérale pour livrer passage à l’artère vertébrale et au premier nerf cervical.
Au rachis cervical moyen et inférieur, la stabilité est assurée par le segment mobile rachidien (fig. 27.4) :
Fig. 27.4 Segment mobile rachidien.
1 : ligament longitudinal antérieur ; 2 : disque intervertébral ; 3 : ligament longitudinal postérieur ; 4 : capsule des articulations zygapophysaires ; 5 : ligament interépineux (et ligaments jaunes) ; 6 : ligament supra-épineux.
le ligament longitudinal antérieur. Issu du tubercule antérieur de l’atlas où il fait suite à la membrane atlanto-occipitale antérieure, il s’étend le long de la face antérieure des corps vertébraux jusqu’à la face pelvienne du sacrum. Il adhère fortement aux corps vertébraux mais peu aux disques intervertébraux ;
le ligament longitudinal postérieur, à la face postérieure des corps vertébraux. Son feuillet superficiel épais prolonge la membrane tectoriale et se termine sur le disque L3-L4 en s’unissant au feuillet profond. Ce dernier prolonge le ligament cruciforme de l’atlas et se termine dans le canal sacré. Il est mince dans la région cervicale. Entre la face postérieure des corps vertébraux et le feuillet profond existe un espace interstitiel assurant le drainage veineux des corps vertébraux ;
les capsules articulaires zygapophysaires, souples et lâches à l’étage cervical ;
les ligaments jaunes, tendus entre les lames de deux vertèbres contiguës ;
les ligaments interépineux, tendus entre les processus épineux de deux vertèbres adjacentes. Ils se prolongent en arrière par le ligament supra-épineux, cordon fibreux reliant le sommet de tous les processus épineux depuis C7 jusqu’au sacrum. À l’étage cervical, le ligament supra-épineux est remplacé en arrière par une lame fibreuse sagittale reliant les processus épineux entre eux : le ligament nucal. Ce dernier, issu du sommet du processus épineux de C7, s’étend jusqu’à la protubérance occipitale externe.
Anatomie fonctionnelle
Rachis cervical supérieur
Il permet un mouvement de flexion-extension d’environ 45°. La flexion débute en C0-C1, puis l’arc postérieur de C1 s’écarte de celui de C2. Le mouvement inverse s’effectue en extension. Celle-ci est limitée par l’anatomie osseuse alors que la flexion est limitée par la membrane tectoriale et le ligament transverse. L’inclinaison latérale est possible mais elle est très modérée. La rotation est faible en C0-C1, l’essentiel du mouvement siégeant dans C1-C2 avec le processus odontoïde pour axe. Le rôle du ligament transverse est essentiel dans la fonction de pivot du processus odontoïde. La rotation et l’inclinaison latérale sont limitées par le ligament alaire controlatéral. La distraction est limitée par la membrane tectoriale et les ligaments alaires [103].
Notion de stabilité
La stabilité est définie comme la faculté du rachis à maintenir, lors d’une contrainte physiologique, un même rapport entre les vertèbres afin d’éviter une lésion initiale ou ultérieure de la moelle ou des racines [120]. La déstabilisation, terme préférable à celui d’instabilité, correspond à la perte d’un ou de plusieurs éléments de stabilité du rachis.
La stabilité dépend de trois paramètres élémentaires :
la vertèbre, composant statique, passif et indéformable ;
le segment mobile rachidien, composant discoligamentaire élastique et déformable. Il comprend d’avant en arrière : le ligament longitudinal antérieur, le disque intervertébral, le ligament longitudinal postérieur, les capsules articulaires zygapophysaires, les ligaments jaunes, les ligaments interépineux et le ligament supra-épineux [158] ;
la musculature rachidienne, composant actif dont le rôle est fondamental dans la stabilisation et la mobilité du rachis. Au rachis cervical, les muscles postérieurs sont extenseurs et les muscles antérieurs (muscles long du cou, scalènes et sternocléidomastoïdiens) sont fléchisseurs.
De C0 à C2, la stabilité est assurée par les structures ligamentaires de la jonction occipito-cervicale définies ci-dessus (cf. fig. 27.3) et dont les lésions sont génératrices de l’instabilité du rachis cervical supérieur (tableau 27.1).
Tableau 27.1
Principales lésions stables ou instables de C0 à C2.
OBAV : oblique en bas et en avant ; OBAR : oblique en bas et en arrière ; HTAL : horizontale.
En revanche, de C3 à C7 (et au niveau thoracolombaire), les éléments de stabilité sont organisés en colonnes (fig. 27.5) [36, 124] :
Fig. 27.5 Schéma des trois colonnes.
L’atteinte d’une seule colonne est considérée comme stable alors que celle d’au moins deux colonnes est considérée comme instable.
la colonne antérieure, qui comprend le ligament longitudinal antérieur et les deux tiers antérieurs des disques intervertébraux et des corps vertébraux ;
la colonne moyenne, qui comprend le ligament longitudinal postérieur et le tiers postérieur des disques intervertébraux et des corps vertébraux ;
la colonne postérieure, qui regroupe l’arc postérieur, les articulations zygapophysaires, les ligaments jaunes, les ligaments interépineux et les ligaments supra-épineux.
D’autres auteurs [179, 201, 202] ont défini l’instabilité par l’association de deux critères (critères de Yale) (cf. page 920) :
On distingue les lésions stables à risque de déplacement nul (elles ne se déplaceront pas ou plus) et les lésions instables (à risque de déplacement progressif et régulier ou à risque de déplacement brutal) (tableau 27.2) [120]. Lorsque la solution de continuité est uniquement osseuse (fracture), le risque potentiel de déplacement ne dure que 2 à 3 mois, jusqu’à consolidation de la fracture. Lorsqu’elle est discoligamentaire, il est indispensable de faire réaliser des clichés dynamiques au 8e jour car le risque de déplacement secondaire peut persister des mois ou des années.
Imagerie du rachis cervical traumatique
Radiographies initiales
Analyse du cliché de profil
Ce cliché permet (fig. 27.6) :
Fig. 27.6 Cliché de profil permettant l’analyse des lignes spinales. SA : spinale antérieure ; SP : spinale postérieure ; SL : spinolamaire ; Ep : processus épineux ; anneau de Harris (petites flèches noires) ; parties molles prévertébrales (flèches blanches).
Notez la visibilité des foramens intervertébraux C2-C3, C7-T1, mais également C6-C7 chez ce patient en raison de la dorsalisation de C7 (aspect très carré du corps vertébral) (têtes de flèches).
l’analyse des lignes spinales, normalement harmonieuses et parallèles : ligne spinale antérieure (reliant la face antérieure des corps vertébraux), ligne spinale postérieure (reliant le bord postérieur des corps vertébraux), ligne spinolamaire (reliant le bord antérieur des processus épineux), ligne des processus épineux (reliant la pointe des processus épineux). L’interruption d’une ou de plusieurs de ces lignes doit faire suspecter une lésion ligamentaire ou une fracture occulte [76]. On signalera cependant qu’à l’état normal, le bord antérieur du processus épineux de C2 peut être situé jusqu’à 2 mm en arrière de la ligne spinolamaire ;
l’analyse de la position du processus odontoïde : divers repères peuvent être utilisés. Nous n’en citerons que trois (fig. 27.7) :
Fig. 27.7 Schéma des lignes utiles pour étudier le positionnement du processus odontoïde.
1 : ligne de Wackenheim ; 2 : ligne de Chamberlain ; 3 : ligne de Mac Gregor.
la ligne de Chamberlain (entre le palais osseux et le bord antérieur du trou occipital) : le processus odontoïde ne doit pas dépasser cette ligne de plus de 3 mm,
la ligne de Mac Gregor (entre le palais osseux et la partie inférieure de l’occiput) : le processus odontoïde ne doit pas dépasser cette ligne de plus de 5 mm,
la tangence au bord postérieur du clivus (ligne de Wackenheim) : elle doit passer en arrière du processus odontoïde ;
l’étude de l’articulation atlanto-odontoidienne : la partie basse de l’interligne est normalement ≤ 3 mm chez l’adulte. Un diastasis C1-C2 doit faire évoquer une fracture de C1 ou du processus odontoïde, ou une rupture du ligament transverse et des ligaments alaires [125] ;
l’analyse de l’anneau de Harris (projection de l’insertion des masses latérales de C2 sur son corps). Une interruption supérieure témoigne d’une fracture de la base du processus odontoïde, une interruption postérieure d’une fracture des pédicules de C2 ;
l’analyse du diamètre antéropostérieur du corps de C2, identique à celui de C3. Son élargissement doit faire évoquer une fracture de C2. La partie antérieure du plateau inférieur de C2 est normalement légèrement en avant de celle du plateau supérieur de C3 mais le bord postérieur des deux corps vertébraux est en revanche sur le même plan ;
l’étude des parties molles prévertébrales. En avant de C2, les parties molles sont toujours planes ou concaves vers l’avant et leur épaisseur est toujours inférieure ou égale au diamètre antéropostérieur de la base du processus odontoïde [18]. Entre le coin antéro-inférieur de C2 et le coin antéro-inférieur de C4, elles sont < 7 mm. Elles sont < 21 mm en dessous du coin antéro-inférieur de C4. Leur épaississement est un signe radiographique important et parfois la seule anomalie évocatrice de lésions osseuses antérieures et/ou discoligamentaires ;
la recherche de signes d’entorse grave en flexion ou en extension (tableau 27.3) ;
l’analyse des foramens intervertébraux. Normalement, seuls les foramens intervertébraux C2-C3 et C7-T1 (parfois ceux de C6-C7 en cas de dorsalisation de C7) sont visibles sur le profil (fig. 27.6). La visualisation d’autres foramens intervertébraux doit faire suspecter une luxation zygapophysaire ;
la recherche d’un canal cervical étroit ou rétréci favorisant les lésions de la moelle, notamment dans les traumatismes en hyperextension.
On signalera que l’uncodiscarthrose peut induire une solution de continuité horizontale sur le cliché de profil, typiquement en C5 ou en C6 (fig. 27.8). L’incidence de face, qui montre bien l’uncodiscarthrose, permet de redresser le diagnostic (fig. 27.8).
Particularités chez l’enfant
l’augmentation physiologique de la largeur de l’articulation atlanto-axoïdienne de profil, qui peut atteindre 5 mm ;
la pseudo-subluxation C2-C3 (plus rarement C3-C4) (fig. 27.9). Elle s’observe chez 19 à 46 % des enfants âgés de 1 à 7 ans [125]. Elle correspond à un antélisthésis < 5 mm (il est beaucoup plus rare chez l’adulte et ≤ 3 mm) [76]. Toutefois, le bord antérieur du processus épineux de C2 se projette en regard ou à moins de 2 mm en arrière de la ligne de Swischuk (ligne tendue entre les lignes spinolamaires de C1 et de C3). Sur les clichés statiques et dynamiques, si le bord antérieur du processus épineux de C2 se trouve à plus de 2 mm en arrière de la ligne spinolamaire, il s’agit probablement d’une fracture bi-pédiculaire de C2, s’il se trouve en avant de cette ligne, il s’agit d’une luxation pathologique C2-C3. La pseudo-subluxation se réduit en extension, ce qui n’est pas le cas des subluxations traumatiques en raison de la douleur et de la contracture des muscles du cou ;
Fig. 27.9 Pseudo-subluxation C2-C3.
Notez que le bord antérieur du processus épineux de C2 se projette en regard de la ligne spinolamaire.
un aspect cunéiforme antérieur des corps vertébraux ou wedging (notamment de C3) jusqu’à l’âge de 10 ans, à ne pas confondre avec un tassement vertébral (fig. 27.10) [125] ;
les parties molles prévertébrales : elles sont de 7 mm en avant de C2 à C4 et de 14 mm de C4 à C7. Des épaississements secondaires à des infections ORL ainsi que des pseudo-épaississements secondaires à la réalisation de clichés en expiration ou tête fléchie doivent inciter à la prudence dans leur interprétation [58].
Analyse du cliché de face « bouche ouverte »
Il faut se méfier des superpositions osseuses pouvant mimer des fractures [48] : projection des incisives (fig. 27.11), de l’occiput ou des arcs antérieur ou postérieur de C1.
l’alignement des bords latéraux des masses latérales et la position centrale du processus odontoïde [86]. Une asymétrie de position des masses latérales est fréquente lors de la rotation du rachis accompagnant un torticolis. Cependant, lorsque la somme des deux débords latéraux dépasse 5 mm, une fracture de C1 avec rupture du ligament transverse doit être suspectée [39]. On signalera la possibilité d’un déplacement latéral cumulé de 6 mm des masses de C1 par rapport à celles de C2 jusqu’à l’âge de 7 ans (mais les fractures de Jefferson sont rares à cet âge) [125].
Des anomalies positionnelles peuvent modifier les rapports entre C1 et C2. En cas de rotation de C1, la masse latérale de C1 qui se trouve en position postérieure apparaît plus petite que l’antérieure, le processus épineux de C1 apparaît décalé dans la direction opposée à la rotation (on tient compte de la direction du regard). Il existe par ailleurs un élargissement de l’interligne odonto-atloïdien et un pincement de l’interligne C1-C2 latéral du côté de la rotation (fig. 27.12). En cas de bascule latérale de la tête, C1 glisse latéralement dans la même direction, entraînant un discret décalage des articulations atlanto-axoïdiennes ;
la projection du processus épineux de C2 sur une verticale passant par le milieu du processus odontoïde ;
l’absence de fragment osseux entre le processus odontoïde et l’une des masses latérales de C1 (absence d’avulsion osseuse du ligament transverse).
Analyse du cliché de face
que la hauteur de chaque corps vertébral est approximativement identique ;
l’absence d’élargissement de la distance interpédiculaire (ce qui témoigne d’une compression axiale avec déplacement latéral de chaque hémivertèbre) ;
l’alignement en situation médiane des processus épineux. La rotation d’un processus épineux témoigne d’une luxation uni-articulaire. La présence d’un dédoublement fait suspecter une fracture horizontale du processus épineux ;
que la distance interépineuse de deux segments adjacents ne diffère pas de plus de 2 mm. Un élargissement d’un espace interépineux est caractéristique d’une lésion en flexion, quel qu’en soit le type. Il peut également s’observer dans les lésions par compression axiale [30] ;
l’alignement des uncus dans un même plan parasagittal ; les espaces uncovertébraux sont de même taille ;
le caractère continu et discrètement ondulé des bords latéraux du rachis. L’atteinte d’une colonne latérale témoigne d’un mécanisme de flexion-rotation avec soit une fracture séparation d’un massif articulaire (aspect carré du massif articulaire lié à son horizontalisation), soit une fracture uni-articulaire.
Radiographies dynamiques (profil en flexion puis en extension)
Elles ne sont indiquées que lorsque le bilan radiographique initial est normal ou ne montre pas de lésion instable. Elles sont sans danger si elles sont pratiquées dans les règles de l’art : présence d’un médecin, mouvement actif (jamais passif) chez un patient assis et conscient, à qui l’on demande d’arrêter le mouvement en cas d’apparition de douleurs ou de signes neurologiques. On demande au patient de fléchir la tête au maximum jusqu’à ce que le menton touche le sternum, puis d’étendre la tête jusqu’à ce que la nuque rencontre le haut du dos [117]. En pratique, une amplitude supérieure à 30° est recommandée pour limiter le nombre de faux négatifs [84].
Ces clichés sont réalisés à distance du traumatisme pour permettre la disparition de la contracture musculaire et des phénomènes douloureux, lesquels limitent la mobilité du rachis cervical, masquant ainsi parfois les signes d’entorse grave. Le délai à partir duquel ils doivent être réalisés varie selon les auteurs (entre 5 et 21 jours) [117]. Signalons que chez 20 % des enfants normaux, il peut y avoir un déplacement vers le haut de l’arc antérieur de C1 par rapport au processus odontoïde lors des clichés en extension [125].